Le G5 Sahel plongé dans le coma à cause du retrait de la France et des coups d’Etat successifs, l’entrée en action de Moscou dans le pré-carré francophone en Afrique de l’Ouest, le boom de l’émigration clandestine vers l’Europe, la menace terroriste, les importantes ressources stratégiques (pétrole, gaz, or, diamant etc…), les corridors maritimes et les terres arables sont autant de facteurs qui font de l’Afrique et surtout du Sahel un enjeu géopolitique intéressant. Et, les 50 milliards de dollars que Riyad compte investir en Afrique d’ici 2030, feront de l’Arabie Saoudite, le premier investisseur dans le continent devant l’Union européenne et les Etats Unis dans les 10 prochaines années. S’y ajoute la population africaine qui atteindra 2 milliards 500 millions d’ici 2050. Ce qui fera du continent un marché économique important et attractif.
Le Sommet arabo-islamique conjoint extraordinaire s’est tenu ce samedi 11 novembre 2023, à Riyad en Arabie saoudite. Les dirigeants ont discuté sur l’agression israélienne contre le peuple palestinien. Le Sommet a été ouvert par Son Altesse Royale le Prince héritier, Premier ministre, le Prince Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, en présence des chefs de gouvernement et chefs de délégation des États membres de l’Organisation de Coopération islamique (OCI) et de la Ligue des États arabes.
Dans son discours lors du Sommet, le Secrétaire général de l’OCI, M. Hissein Brahim Taha a affirmé que «ce Sommet arabo-islamique conjoint constitue une confirmation de notre solidarité et notre soutien inlassables au peuple palestinien, ainsi que notre engagement commun envers nos responsabilités vis-à-vis de la défense de notre première cause, la cause de la Palestine et d’Al-Qods Al-Chérif ». Hissein Brahim Taha a appelé à une cessation immédiate de l’agression israélienne.
Si la crise israélienne (politique) a été le prétexte pour la tenue de cette rencontre, l’aspect économique n’a pas été négligé. Riyad a voulu réaffirmer sa nouvelle vision pour l’Afrique, à travers la Ummah non sans renouveler son objectif géostratégique dans le continent aux enjeux multiples.
«Estimée à 140 millions d’habitants en 1900, la population de l’Afrique représentait alors 9 % de la population mondiale, une proportion qui a doublé depuis. Sous l’effet conjugué d’une baisse de la mortalité et d’un taux de natalité parmi les plus élevés au monde, sa population totale a en effet été multipliée par 10 : elle s’élève aujourd’hui à plus de 1,4 milliard d’habitants » Andrew Stanley est membre de l’équipe de Finances du Fmi. Stanley a d’ailleurs souligné que «la transformation démographique en Afrique pourrait très bien modifier l’ordre mondial».
Andrew Stanley ajoutera que : «d’après les prévisions de l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Afrique comptera près de 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050. Autrement dit, plus de 25 % de la population mondiale sera africaine. La croissance de sa population ralentira par la suite, mais l’Afrique restera de loin le principal moteur de croissance démographique mondiale : elle devrait représenter près de 40 % de la population mondiale d’ici la fin du siècle ».
Par conséquent, au-delà du facteur religieux, Riyad entend s’appuyer sur le marché africain pour maintenir son influence dans le continent. Car avec une population de 2 milliards 500 millions en 2050, l’Afrique va devenir un marché économique de consommation et de production très avantageux. Mais, les leaders africains devraient mettre en contribution la population plus dans la production que dans la consommation. Cela permettrait à l’Afrique de mettre au profit sa population pour rendre son économique productive et compétitive.
Ainsi, Riyad a décidé de la signature d’accords de financement globaux d’une valeur de 533 millions de dollars (+213 milliards de FCFA) en Afrique. Les accords de financement ont été signés avec le Fonds saoudien pour le développement. Ils visent globalement à lancer des programmes de développement économiques et sociaux en Afrique. Au total, Riyad, veut investir 25 milliards de dollars d’investissement en Afrique d’ici 2030.
Le ministre saoudien de l’Investissement, Khalid al-Falih a dévoilé son intention de réaliser des investissements significatifs stratégiques en Afrique. D’ailleurs, plusieurs conventions de financement ont été signées avec le Mozambique, le Nigeria, le Sénégal, le Rwanda, le Tchad et l’Éthiopie dans plusieurs secteurs, surtout dans le domaine de l’énergie. L’élite saoudienne a la pleine conscience de la nécessité de refonder une économie mondiale inclusive, par l’accompagnement l’Afrique dans sa marche vers le développement.
Riyad entend ainsi renforcer son influence en Afrique, surtout dans le Sahel sombré dans des crises politiques avec une menace terroriste et des plateformes de la criminalité organisée, de plus en plus fortes. Avec la chute du régime de Muhammar Khadaffi suivi du Printemps arabe qui avait secoué l’Afrique du Nord et les coups d’Etat au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Guinée, au Tchad, Riyad semble maintenant nourrir de très fortes ambitions pour le continent. Et, il s’agit d’une région africaine très riche en matière première avec une population jeune et dynamique. L’engagement de Riyad en Afrique surtout dans le Sahel permettra à l’Union Européenne d’avoir une allié solide dans la lutte contre la migration clandestine, le terrorisme et pour la stabilisation de la région. Reste à savoir quel sera le rôle de la Russie principal allié du Mali, du Burkina Faso et bientôt du Niger, après le retrait de Paris ? L’autre aspect de l’engagement de Riyad en Afrique, c’est son apport dans la redynamisation du G5 Sahel, affaibli par les crises politiques dans 04 parmi les membres fondateurs : Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso.
«Il y a des intérêts économiques. L’Arabie saoudite aujourd’hui a décidé, sous l’égide de son prince héritier Mohamed ben Salman, de développer ses rivages sur la mer Rouge, c’est-à-dire face à l’Afrique. Il y a donc une politique africaine de l’Arabie saoudite en quelque sorte. Ce qui se passe actuellement en Afrique, avec le coup d’État au Niger par exemple, a fragilisé un certain nombre de situations et montré que la communauté internationale a du mal à stabiliser le continent, y compris les grandes organisations régionales comme la Cédéao. Donc c’est une fenêtre d’opportunité peut-être pour l’Arabie saoudite pour se présenter comme un recours » a déclaré sur la Rfi, Marc Lavergne, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste des relations entre les pays du golfe et le continent africain.
Il faut aussi remarquer qu’en Afrique, principalement dans le Sahel, Riyad fera face à l’influence de l’Iran qui vise à renforcer sa présence, surtout dans les pays ayant une ouverture maritime notamment au Sénégal, en Mauritanie, en Gambie et en Côte d’Ivoire. Mais, face aux difficultés auxquelles se heurtent la France et l’Union Européenne en Afrique, Riyad semble être la solution pour l’Occident dans le continent. Mamadou Mouth BANE
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