Dans le rapport final de la 40ème session du Conseil de médiation et de sécurité au niveau des ambassadeurs tenue à Abuja le 29 Juin 2024, d’importances mesures ont été prises concernant la situation politique en Guinée Bissau. Mais, le débat tourne aujourd’hui autour de la position de la CEDEAO face à cette tentative de Emballo de s’accrocher au pouvoir.
Rappelons que le mandat du Président Bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embalo, arrive à terme, ce 27 février 2025. A moins de 20 jours de cette date, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) reste muette sur la situation politique à Bissau. Après le Mali, le Niger, le Burkina Faso et la Guinée, voilà Bissau filer tout droit vers une impasse politique. Et pourtant, la CEDEAO dispose de tous les leviers pour anticiper sur une crise dans ce pays.
Le président Emballo ne cesse, ces derniers temps, de poser des actes qui laissent croire qu’il veut violer la constitution de son pays. Aujourd’hui, l’inquiétude gagne l’opinion publique nationale, la communauté internationale, la société civile et des cadres Bissau-guinéens. En Guinée Bissau, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) joue sa crédibilité. L’échec de la CEDEAO en Guinée Bissau confortera les pays de l’Alliance des Etats du Sahel. La Guinée Bissau est exposée à l’insécurité et aux trafics illicites. La décision de Emballo d’éteindre toutes les Institutions du pays pose un énorme problème à son pays. Et son refus de convoquer le corps électoral pour la tenue de la présidentielle est assez étonnant. En plus, la Guinée-Bissau est un pays sans Parlement depuis le 4 décembre 2023. Après avoir dissout le parlement contrôlé par l’Opposition, il a cherché à installer la 2e Vice-présidente du Parlement, comme Présidente de l’Assemblée. Il s’agit d’un coup d’Etat que la CEDEAO n’a jusqu’à présent pas condamné. Tout laisse croire que les chefs de l’Etat de la CEDEAO cherchent à protéger leur collègue guinéen. «L’inexistence depuis le mois de novembre 2023 d’un président de la Cour suprême de justice et l’absence du quorum des juges pour son fonctionnement régulier, vient s’ajouter la caducité du mandat de la Commission nationale électorale sans président depuis mai 2022 » nous renseigne une note que nous avons reçue. Les opposants considèrent aujourd’hui, Emballo «comme un facteur de blocage de la démocratie et de l’Etat de Droit en Guinée-Bissau ». Car, toutes «les manifestations de contestation sont interdites, les opposants, au premier rang, Domingos Simoes Pereira, sont poursuivis et traqués ».
Dans ce passé récent, le président Emballo a déclaré :«Je ne serai pas candidat en 2025. Mon épouse m’a conseillé de ne pas me présenter. Je respecte donc ses conseils ». Selon une source documentaire, «derrière cette déclaration salutaire du Président bissau-guinéen, se trouve une intention cachée qui risque de plonger le pays dans des violences, si l’on ne prend pas garde, si la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ne s’implique pas pour les prévenir. Surtout que les contestations nées de sa victoire controversée ne sont toujours pas éteintes dans les mémoires. Son principal adversaire, Domingos Simoes Pereira, a toujours refusé de reconnaître la victoire ». Plus grave encore, le président Emballo a déclaré : « Ce ne sera ni Domingos Simoes Pereira, ni Nuno Gomes Nabiam, ni Braima Camara qui me remplaceront. Je ne serai pas remplacé par un bandit ». Ces propos graves démontrent de la tension qui existe au plan politique à Bissau.
«A l’heure actuelle, c’est l’ensemble de la communauté civile Bissau-guinéenne, de l’intérieure comme de la diaspora, qui plaide pour une médiation, d’où qu’elle vienne, avant qu’il ne soit trop tard. Le 27 février 2025, la Guinée-Bissau se retrouvera sans un Président de la République, sans gouvernement légitime, déjà sans Parlement, sans Cour Suprême » informe la note.
Déjà le rapport final de la 40ème session du Conseil de médiation et de sécurité au niveau des ambassadeurs tenu à Abuja le 29 Juin 2024 a informé concernant la Guinée-Bissau, que «depuis la dissolution de l’Assemblée Nationale Populaire, les autorités n’ont pas encore fixé la date des nouvelles élections législatives. De même, la date de l’élection présidentielle n’a pas encore été fixée conformément à la Constitution et à la législation électorale ». Le rapport du Conseil a aussi rappelé que «le procès des auteurs présumés de la tentative de coup d’État de décembre 2021 a été reporté à deux reprises ».
Par ailleurs, le document du Conseil a aussi souligné que «concernant la Mission d’Appui à la Stabilisation en Guinée-Bissau (SSMGB) de la CEDEAO et la Mission de la CEDEAO en Gambie (ECOMIG), la Commission a informé le Conseil de la poursuite de l’exécution de leurs mandats respectifs, permettant ainsi de garantir la sécurité des fonctionnaires clés et des institutions stratégiques du Gouvernement ». Il a demandé l’accélération du «processus de la restauration du Parlement en organisant des élections législatives pour permettre l’élection de tous les membres de la Commission Électorale Nationale, de « l’élection du Président de la Cour suprême conformément aux dispositions constitutionnelles du pays ». Il avait aussi exigé l’accélération «des procès des personnes accusées ou détenues du fait de leur rôle présumé dans des actes subversifs contre l’État ».
LA LETTRE DU PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE ILLEGALEMENT DISSOUTE
Dans une lettre du président de l’Assemblée Nationale Domingos Pereia du 21 novembre 2024, a été interpelé Monsieur Martin Chungong Secrétaire général de l’Union interparlementaire sur les «violences contre des parlementaires, des dirigeants politiques et des citoyens sans défense ». Le président de l’Assemblée Nationale Domingos Pereia rappelle dans sa lettre que «le 21 novembre 2024, une visite de sensibilisation politique organisée par deux plateformes de partis politiques représentant environ 90 % des membres de l’Assemblée populaire nationale a été brutalement réprimée et dispersée par les forces de police opérant sous l’autorité du ministère de l’Intérieur et agissant sur ordre du président de la République, Umaro Sissoco Embaló ».
Il a noté que «la visite visait à donner aux dirigeants politiques l’occasion d’engager un dialogue avec les habitants de certains quartiers de la capitale, afin de promouvoir la démocratie, le respect de la volonté populaire et l’adhésion aux lois de la République. Les participants étaient en grande partie des enfants, des personnes âgées et des femmes, étant donné que la journée était un jour de semaine ». Alors, Monsieur Domingos a noté que «malgré le caractère pacifique et légitime de cette initiative, les forces de police ont choisi d’agir avec une extrême violence ». Il s’agissait d’une agression avec «l’utilisation de grenades lacrymogènes périmées (périmées depuis 2020) : Celles-ci ont été lancées sans discernement dans un quartier résidentiel, où la plupart des maisons n’ont pas de fenêtres en verre, exposant les habitants aux effets néfastes du gaz ». Les acteurs politiques ont été les principales cibles de cette agression. Ainsi, «le député et chef du groupe parlementaire du plus grand parti de Guinée-Bissau, l’ingénieur Califa Seidi, a été touché à la tête par une grenade lacrymogène, qui semblait être délibérément ciblée. Malgré la blessure, il s’en est sorti avec un traumatisme causé par l’impact ». Il n’est pas le seul car, «Vicente Fernandes, dirigeant du Parti de la convergence démocratique (PCD) et avocat, a été brutalement battu sur place, forcé de monter dans un véhicule de police et a continué d’être agressé à l’intérieur, selon des témoignages oculaires ».
Sous Emballo le pays a connu des détentions arbitraires de personnalités publiques notamment des députés et des membres du PAIGC, dont l’ingénieur Dan Ialá et l’ingénieur Wasna Papai Danfá. Ils ont été arrêtés « pour avoir rendu visite à un collègue blessé lors de l’événement de sensibilisation ». On peut aussi citer António Patrocínio Barbosa, député et secrétaire national du PAIGC, qui a été arrêté devant la résidence du président de son parti sans aucune justification plausible. D’autres personnes, notamment des dirigeants de partis, des journalistes et des citoyens affiliés à l’opposition, «ont également été battus et détenues arbitrairement. Il s’agit notamment d’Abdulai Queitá, Joana Cobde Nhanque, Sene Dabó, Benjamin Correia, entre autres ».
Selon le président de l’Assemblée Nationale Domingos Pereia, «ces actes constituent de graves violations des droits humains et une tentative claire de réduire au silence l’opposition et d’asservir la société civile par la force. L’utilisation de matériel de sécurité périmé et la violence excessive contre les populations vulnérables aggravent encore la situation politique et sociale déjà fragile dans le pays ». L’opposant Domingos a déposé cette correspondance accompagnée «de preuves photographiques, non seulement dans l’espoir que la communauté internationale abandonne sa posture de silence complice, mais aussi pour faire en sorte que personne ne puisse prétendre ignorer les atrocités commises ».
«La Guinée-Bissau est confrontée à une crise humanitaire et institutionnelle sans précédent, et il est impératif que les nations et les institutions internationales, ainsi que tous les individus engagés pour la justice, prennent des mesures pour amener les auteurs à répondre de leurs actes et restaurer la dignité et les droits fondamentaux du peuple guinéen » a écrit le président de l’Assemblée Nationale Domingos Pereia.
Dans un communiqué publié le 18 Octobre 2024 en réponse à la lettre de l’opposant, l’Union interparlementaire a écrit : «Le Président du Parlement, M. Domingos Simões Pereira, a été empêché de participer à la 149e Assemblée de l’UIP. D’autres parlementaires et lui sont victimes de violations, notamment d’invalidation arbitraire de mandats et de restrictions à la liberté d’expression et de circulation ».
Cheikh GUEYE