Pour la première fois depuis son élection en avril 2024, le chef de l’Etat Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a sacrifié à la tradition républicaine de présenter ses vœux de nouvel an aux Sénégalais, le 31 décembre dernier. A cette occasion, il a déclaré avoir « d’ores et déjà instruit le ministre des Forces armées de proposer une nouvelle doctrine de coopération en matière de défense et de sécurité, impliquant, entres autres conséquences, la fin de toutes les présences militaires de pays étrangers au Sénégal, dès 2025 ».
Une volonté des nouvelles autorités sénégalaises guidée par l’exigence de souveraineté nationale à laquelle aspire le peuple sénégalais, selon son Premier ministre, Ousmane Sonko qui en a fait l’annonce plutôt lors de sa Déclaration de politique générale devant les députés de la quinzième législature, vendredi 27 décembre passé, à l’Assemblée nationale. Le Sénégal abrite trois sites militaires français où sont déployés près de 350 soldats.
Poursuivant son discours à la nation, le Président Faye a rassuré que « la diplomatie sénégalaise, fidèle à sa doctrine, continuera à promouvoir les idéaux de paix et de justice tout en apportant sa solidarité agissante et son soutien actif aux peuples opprimés du monde ». « Tous les amis du Sénégal seront traités comme des partenaires stratégiques, dans le cadre d’une coopération ouverte, diversifiée et décomplexée », a-t-il ajouté.
« C’est aussi la volonté de l’Etat Français »
Directeur de publication du journal privé « Dakar Times », auteur de « Les Sénégalais de Boko Haram » et « Le crime organisé dans le Sahel, l’utilisation du numérique et les politiques de prévention » respectivement parus aux Éditions l’Harmattan en novembre 2020 et en janvier 2019, Mamadou Mouth Bane pense que la décision annoncée par les autorités sénégalaises rejoint la volonté de l’Etat français. Car pour lui, il était question de transformer les bases militaires Sénégal, Gabon, Côte d’Ivoire et Tchad en académie militaire à travers une nouvelle politique prônée par l’envoyé spécial du président Emmanuel Macron, Jean Marie Bockeul.
« Déjà en 2008, dans son livre blanc sur la sécurité, l’ancien président français Nicolas Sarkozy avait décidé de réduire la présence française en Afrique. Cette volonté politique a été suivie d’effet. Car, en 1970, la France comptait 20.000 soldats en Afrique. En 2024, ils sont moins de 2500 dans les quatre bases restantes. Avec la récente fermeture des bases au Tchad, l’effectif va dépasser difficilement 1500 soldats », a-t-il fait savoir.
Les imprécisions d’une décision de souveraineté
Seulement, M. Bane est d’avis que le Premier ministre Ousmane Sonko devrait aller plus loin en annonçant un timing de départ des troupes étrangères au Sénégal. Il devait, selon notre interlocuteur, donner une date claire aux députés puisque, avant lui, le chef de l’État avait déjà annoncé la fermeture des bases. « On attend maintenant les délais et l’agenda. Le Tchad a bouclé ce dossier en moins de 15 jours. Il revient aux autorités sénégalaises d’acter cette décision », a-t-il fait remarquer ; estimant que « du côté des français, ils n’attendent que la décision officielle des autorités sénégalaises ».
Selon le traité de 2012, un préavis de six mois est nécessaire pour dénoncer l’accord, permettant ainsi une transition en douceur. Ce traité accorde à la France des installations militaires spécifiques au Sénégal, tout en offrant au pays des formations militaires et un soutien logistique.
Le Premier ministre a parlé de « fermeture de toutes bases militaires étrangères au Sénégal ». Ce qui veut dire qu’en dehors des bases françaises, celles des Américains seront aussi fermées. Le Sénégal et les Etats-Unis ont signé en février 2016 à Dakar un accord de défense permettant « la présence permanente » de militaires américains dans le pays, pour notamment lutter contre « la menace terroriste » en Afrique de l’Ouest. On peut aussi penser aux autres pays européens.
Reste à savoir, selon le journaliste spécialiste des questions sécuritaires en Afrique subsaharienne, Mamadou Mouth Bane, si cette décision des nouvelles autorités sénégalaises est « positive ou pas pour le Sénégal ». Il estime que de toute façon, le Sénégal a besoin des autres dans le cadre de la coopération au plan sécuritaire.
Le Plan Diomaye pour la Casamance (PDC) pour une paix définitive
Par ailleurs, le chef de l’Etat est revenu sur l’une de ses priorités, à savoir la paix définitive en Casamance au sud du Sénégal, minée par un conflit armé depuis 42 ans. « C’est un impératif pour permettre à tous les projets de développement, portés par la Vision Sénégal 2050 dans le Pôle Économique Sud de voir le jour. Dans cette perspective, j’ai initié le Plan Diomaye pour la Casamance (PDC), afin d’accompagner le retour des populations déplacées et de soutenir le processus de paix en Casamance », a-t-il indiqué ; tout en rendant un hommage « appuyé » aux Forces de défense et de sécurité nationales. « Votre discipline, votre professionnalisme et votre courage garantissent notre souveraineté et contribuent significativement à la paix et à la sécurité dans le monde », s’est réjoui le Président Faye. SOURCE : AFRICAEYE.ORG
Abdoulaye SIDY, journaliste sénégalais
Directeur de publication,
Chargé de Suivi et Évaluation de l’Association sénégalaise journalistes en santé, population et développement (AJSPD) et de l’Association sénégalaise des professionnels de l’information sur le genre (APIG)