Dans un entretien exclusif au Grand Jury de ce dimanche, l’avocat franco-sénégalais Robert Bourgi a livré une analyse tranchée de la victoire de Pastef aux dernières élections législatives. Revenant sur le rôle central d’Ousmane Sonko, les dynamiques politiques actuelles et les défis à venir, il a salué l’émergence d’un nouveau leadership tout en appelant à la vigilance sur les dérives possibles.
Pour Robert Bourgi, la victoire de Pastef marque un tournant décisif dans l’histoire politique du Sénégal. Il n’hésite pas à qualifier ce succès de « tsunami », insistant sur l’ampleur de la transformation qu’il représente. Selon lui, ce triomphe repose principalement sur la connexion d’Ousmane Sonko avec la jeunesse, qu’il considère comme la force motrice du pays. « Sonko a su capter la volonté intime de la jeunesse sénégalaise, » explique Bourgi, avant de souligner que cette tranche d’âge, représentant 65 % de la population, continuera de façonner le paysage politique pour les années à venir.
Un duo politique aux commandes
Le succès de Pastef repose également sur la complémentarité entre Ousmane Sonko, désormais Premier ministre, et Diomaye Faye, président de la République. Pour Bourgi, cette alliance est unique : « l’un a un tempérament explosif, l’autre incarne une sagesse modératrice ». Malgré les spéculations sur de possibles tensions au sein de ce duo, il se dit confiant : « ils marchent ensemble, et face à eux, rien ne résistera ». Cependant, il met en garde contre les pièges liés à une gestion populiste ou à des divisions internes. « Il leur revient maintenant de bien gouverner et de ramener le Sénégal à plus de paix sociale » prévient Robert Bourgi, qui présentera son livre « ils savent que je sais », le 30 novembre prochain.
Les erreurs de Macky Sall
L’ancien président Macky Sall n’a pas échappé à la critique. Robert Bourgi a vivement condamné sa décision de se présenter en tête de liste lors des dernières législatives. « C’était une faute majeure. Macky Sall aurait dû partir comme Abdou Diouf, la tête haute » se désole l’avocat. Il déplore également l’affaiblissement de son héritage politique, estimant que son engagement récent n’a fait qu’accentuer son isolement : « aujourd’hui, il se retrouve avec 10 ou 15 députés. Ce n’est pas digne d’un ancien chef d’État ».
Dans cet entretien, Robert Bourgi est revenu sur les relations entre le Sénégal et la France, Bourgi affirme que l’époque de la Françafrique est définitivement révolue. « Il n’est pas pensable de réactualiser les anciennes relations entre la France et les républiques africaines, » tranche-t-il, prônant un modèle « gagnant-gagnant » adapté à la mondialisation. Il loue également la capacité de la nouvelle équipe sénégalaise à naviguer dans un contexte international complexe, en jouant des rivalités entre grandes puissances.
Appel à la patience
Bourgi se montre particulièrement élogieux envers Ousmane Sonko, qu’il qualifie de figure exceptionnelle dans le paysage politique africain. « Je n’ai jamais vu un homme politique en Afrique de l’Ouest avec le charisme d’Ousmane Sonko, » déclare-t-il. Il attribue à Sonko un rôle central dans la dynamique actuelle, soulignant son autorité naturelle et sa capacité à inspirer la jeunesse. « Le combustible qui a fait démarrer la fusée Pastef, c’est Ousmane Sonko, » insiste-t-il, tout en rappelant que cette énergie doit être canalisée pour éviter les dérives populistes.
Malgré son optimisme, Robert Bourgi n’élude pas les critiques sur certaines dérives observées sous le nouveau régime. Il appelle à la patience, estimant qu’il faut du temps pour s’adapter aux responsabilités du pouvoir : « Laissons passer le temps des erreurs et de l’apprentissage. On ne s’improvise pas président de la République. » Confiant dans la capacité de Sonko et Diomaye Faye à corriger leurs erreurs, il souligne l’importance du respect des libertés démocratiques, un pilier essentiel pour consolider leur légitimité.
Dans cet entretien, Robert Bourgi met en lumière les espoirs et les défis qui accompagnent l’arrivée de Pastef au pouvoir. S’il salue l’émergence d’une nouvelle génération de leaders, il rappelle que leur succès dépendra de leur capacité à gouverner avec sagesse, à préserver la paix sociale et à respecter les principes démocratiques.
El Hadji Malick SARR