La lutte, un sport individuel a cette particularité : quand un des deux parties fait faux bond ou est contraint de le faire, il ne peut y avoir combat. Avant le choc générationnel entre Gris Bordeaux et Ama Baldé, d’autres grandes affiches ont capoté ou reporté en raison d’une blessure d’un des athlètes à quelques encablures de la date prévue pour le duel au grand dam des amateurs et du promoteur. Ainsi, soit ce sont les effets mystiques, le manque de professionnalisme ou encore une simple stratégie pour reporter l’échéance…, les spéculations vont bon train.
La nouvelle a fait l’effet d’une bombe jeudi dans le monde de la lutte. Initialement prévue ce 5 février à l’Arène Nationale, le combat devant opposer Gris Bordeaux à Ama Baldé est finalement reporté. La seule et unique cause de ce report est la blessure à la hanche contractée par le fils de Falaye Baldé. Il s’agirait d’une lésion musculaire à la hanche qui nécessite un repos de 25 jours selon le médecin de son écurie dans le Quotidien spécialisé, SunuLamb.
Pas convaincu par le camp opposé, son adversaire le « Tigre de Fass » exige une contre-expertise. Ce devrait être fait puisqu’il est prévu qu’Ama Baldé se rende chez le médecin du CNG (si ce n’est déjà fait), avec le dossier médical au complet, pour une contre-expertise. A coup presque sûr, ce combat sera à nouveau programmé comme cela s’est souvent fait avec d’autres affiches qui ont connus le même sort. D’ailleurs, le combat entre Mamalamine de Lansar et Double Moteur initialement prévu le même jour (5 février) pourrait subir le même sort ; le dernier nommé étant aussi blessé à l’entrainement.
La fréquence des reports pour blessure
Les cas de forfait de dernières minutes, on en a connus à la pelle ces dernières années. Parmi les plus hypothétiques, celui de Mohamed Ndao Tyson. Le leader de l’écurie Boul Faléavait déclaré forfait pour le combat qui l’opposait à Balla Gaye, et qui était initialement prévu le 3 avril 2011. Tysonavait contracté une blessure à la main droite pendant sa préparation, qui l’avait empêché d’honorer son contrat avec le promoteur et de livrer un combat qui été en ce temps, très attendu. « C’est malheureux pou r moi, pour tous les fans mais c’est la volonté divine et je prends cette décision avec philosophie » avait déclaré sur la RTS, l’ancien Roi des Arène.
Après Tyson, son ancien lieutenant Eumeu Sène avait aussi déclaré forfait, alors qu’il ne restait que quatre jours avant son combat choc contre Modou Lô initialement prévu le 30 juin 2013. Le leader de Tay Shinger été blessé à l’œil ; blessure contractée au contact avec un de ses partenaires à l’entrainement. Et un certificat médical établi l’obligeait à observer un repos d’au moins une semaine. Aziz Ndiaye, promoteur de cette affiche a été contraint au report de ce combat. C’est finalement la saison suivante (le 31 janvier 2014) que Eumeu et Modou se sont croisé pour la première fois, avec à la clé, une victoire du Rock des Parcelles Assainies.
Lui-même, Modou Lô, actuel « Roi » a fait capoter son très attendu choc contre Ama Baldé. Ce duel tant réclamé par les amateurs de la lutte devait se tenir 13 mars dernier à l’arène nationale de Pikine. Mais jusqu’ici, il n’a pu se tenir, et n’a même pas encore de nouvelle date. En cause, le lutteur des Parcelles Assainies, avait contracté une blessure aux ligaments croisés, alors qu’il préparait son combat en France. Il avait présenté à son retour, les documents médicaux témoignant de sa blessure avant d’annoncer qu’il allait subir une intervention chirurgicale.
Entre inquiétude et doute
La liste des forfaits in extrémiste sur blessure est loin d’être exhaustive. Le phénomène a fini d’installer à la fois une vive polémique et une grosse inquiétude sur l’intégrité physique des lutteurs. En réalité, les risques de blessures dans la lutte le sont plus à démontrer. Aux entrainements, pour la recherche de performances physiques comme lors des combats, on note toute sorte de blessures : perte de dents saignement du nez, ouverture de l’arcade sourcilière, fracture des mâchoires, des côtes ou des doigts, contusion des yeux… Il faut donc s’interroger les types de séances auxquels, s’adonnent ces montagnes de muscles, l‘environnement de cet entraînement et l’hygiène de vie même de ces mastodontes. Comment peut-on augmenter le volume musculaire en un temps record ? La fixation d’une échéance rend toutes les taches de préparation urgentes
On est donc en droit de se demander le pourquoi de ces blessures dans l’arène sénégalaise. Sans doute un manque de professionnalisme total. On peut penser que ces lutteurs qui font avorter les combats aux derniers moments à cause des blessures, n’ont certainement pas respecté le planning de préparation adéquat. Parce que de nos jours, l’entraînement sportif de haut niveau est un processus scientifique organisé et orienté vers le développement harmonieux du corps et du mental pour l’obtention de hautes performances. Un lutteur qui se dit professionnel, doit au moins maîtriser les différentes étapes de la préparation au risque d’exposer son corps à des blessures. Et quand ça arrive, le monde de la lutte avec toutes ses spécificités les interprétations sont diverses.
Outre l’aspect scientifique, chacun y va de son interprétation. Certains hésitent pas à opposer des considérations mystiques, s’ils n’accusent pas tout simplement la victime de ne pas être suffisamment prêt et dans une mauvaise posture. L’attitude du lutteur de Fass, Gris Bordeaux qui a aussitôt réclamé une contre-expertise pour s’assurer de la véracité de la blessure de son adversaire en dit long sur le doute que ces blessures d’avant-combat devenu récurrentes.
Jacques Victor GOMIS