La Russie de Poutine cherche à renforcer ses alliés alors que la guerre en Ukraine se poursuit. D’ailleurs, l’année dernière, le Mali a tourné le dos à l’ancienne puissance coloniale qu’était la France, préférant l’aide de la Russie. Et depuis lors, l’appui militaire russe va crescendo avec des avions de combat et des drones turcs. Avec le groupe paramilitaire Wagner, le gouvernement malien a désormais les capacités pour espionner le Sénégal. Et nul n’ignore que les colonels au pouvoir n’ont pas de bonnes relations avec les autorités sénégalaises accusées de faire le jeu de la France depuis les sanctions de la CEDEAO.
Au début du mois de février dernier, le très célèbre ministre des Affaires étrangères de la Russie, Sergueï Lavrov a effectué un voyage de deux jours au Mali. Le diplomate avait souligné l’ambition de Moscou de fournir un soutien militaire aux gouvernements d’Afrique de l’Ouest dans la lutte contre les militants islamistes. Et cela fait maintenant plus d’un an que les combattants du Groupe Wagner ont commencé à opérer au Mali, bien que les autorités ne l’aient jamais formellement confirmé. Encouragé par son travail au Mali et par son succès à influencer l’opinion publique, Wagner fait des ouvertures au Burkina Faso qui a connu deux coups d’État militaires en 2022, et peut-être en Côte d’Ivoire. Le Sénégal pourrait bien être la prochaine cible pour étendre l’influence du Groupe paramilitaire et de la Russie.
Acquisition de drones et d’avions de combat de type Albatros L-39
Au moment où les autorités sénégalaises cherchent à contenir les manifestations violentes de l’opposition radicalisée, le voisin malien s’arme davantage. En effet, le gouvernement des colonels à Bamako réceptionne des drones et des avions de combats de type Albatros L-39. « Des avions de combat russes et des drones turcs remis officiellement à l’armée de l’air malienne. Au Mali, le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, a remis officiellement hier des aéronefs à l’armée de l’air. Il s’agit d’avions russes et de drones turcs. C’était au pavillon présidentiel de l’aéroport international président Modibo-Keïta. Les autorités de la transition malienne viennent de faire une nouvelle acquisition de drones et d’avions de combat de type Albatros L-39. Une acquisition qui vient s’ajouter à d’autres équipements de transport et de combat. Sur la page Facebook de la présidence de la république on peut lire que cette acquisition participe à l’amélioration de la puissance de frappe, mais aussi à l’efficacité de l’outil de renseignement des forces armées. Pour le chef d’état-major général de l’armée de l’air, le général de division Alou Boï Diarra, avec ces équipements le harcèlement des terroristes ne durera pas longtemps car ils seront, selon lui, traqués jusque dans leurs derniers retranchements. Une démonstration des Albatros L-39 a mis fin à cette cérémonie suivie par une minute de silence à la mémoire des militaires et civils disparus depuis le début de la crise », a publié La voix de l’Amérique, le samedi 17 mars. Les Etats-Unis confirment donc le réarmement du Mali.
Un système de missiles sol-air guidé par radar
Grace à l’Arsenal fourni par la Russie, le Mali est désormais en capacité non seulement d’espionner ses voisins mais aussi de les frapper. Les colonels au pouvoir ont en à leur disposition une batterie antimissile télécommandée par guidage radar capable d’intercepter les avions qui franchiront l’espace aérien malien. La FAA (Administration Fédérale de l’Avion américaine) a précisé dans ses communiqués que Wagner avait déployé au Mali, au printemps 2022, « plus de 1 000 militaires privés ainsi que diverses capacités d’armement, telles que des systèmes d’aéronefs sans pilote (UAS) [acronyme utilisé pour désigner des drones] et des systèmes de défense aérienne plus sophistiqués ». L’instance régulatrice américaine a notamment évoqué la présence à Bamako d’un « système de missiles sol-air guidé par radar, capable d’attaquer des cibles jusqu’à 15 000 mètres avec une portée de 36 kilomètres » et ainsi invité les compagnies américaines à « faire preuve de prudence » « à toutes les altitudes y compris lors du survol de l’espace aérien, des phases d’atterrissage et de décollage et à l’aéroport, au sol ». Car Wagner, rappelle l’instance régulatrice, « a des antécédents discutables en matière de tirs de défense aérienne », notamment en Libye, où ce dispositif antiaérien nommé Pantsir aurait conduit les mercenaires russes à des « incidents fratricides » lors de tirs mal orientés.
« Pour montrer les muscles »
La compagnie Air France, jointe par l’AFP, ne semble pas s’inquiéter outre mesure puisque « à ce stade, la desserte de Bamako est inchangée ». Dans la capitale malienne, les diplomates européens joints par Le Monde se sont montrés également prudents. Selon l’un d’entre eux, ce nouvel équipement de défense aérien aurait été acquis par la junte malienne auprès de ses nouveaux alliés russes « il y a quelques mois » et n’aurait pas servi depuis. « Les colonels l’ont surtout déployé pour montrer les muscles et symboliser leur prétendue puissance militaire retrouvée, pas pour taper des avions civils, ce serait un suicide. Ils savent que ça les exposerait à des représailles », glisse-t-il. Washington estime pour sa part que Pantsir a « probablement » été déployé au Mali pour « contrer l’utilisation éventuelle d’UAS [drones] par des extrémistes ». L’Etat islamique au grand Sahara (EIGS, affilié à l’organisation Etat islamique), l’un des deux groupes djihadistes qui, avec Al-Qaida, ne cesse d’étendre son emprise dans le pays depuis le début de la guerre en 2012, aurait en effet, toujours selon la FAA (Administration Fédérale de l’Aviation américaine), « revendiqué la responsabilité d’avoir abattu un UAS de Wagner avec une arme antiaérienne inconnue le 16 juillet 2022. »
Au Mali, plusieurs sources diplomatiques et sécuritaires se sont interrogées sur les motifs réels ayant poussé les Etats-Unis à communiquer sur ces systèmes de missiles de Wagner au Mali. « S’ils étaient vraiment inquiets pour leurs compagnies américaines, ils leur auraient directement interdit l’espace aérien malien », remarque le responsable de sécurité d’une ONG occidentale. Comme d’autres, ce dernier y voit davantage une manière pour Washington de « donner un coup supplémentaire à Wagner », alors que ces dernières semaines, l’administration américaine est passée à l’offensive en Afrique en déployant une stratégie de lutte pour contrer l’influence jugée néfaste des mercenaires russes sur le continent. L’affaire tourmente les pilotes d’Air France. Jeudi 16 mars, le principal syndicat de pilotes de la compagnie aérienne française, qui effectue une rotation par jour entre Paris et la capitale malienne, a indiqué à l’Agence France-Presse (AFP) avoir appelé ses membres à « exercer leur droit de retrait » pour ne plus voler vers Bamako. L’inquiétude sur l’impact que pourrait avoir l’existence d’un nouveau système de missiles sol-air russe au Mali, formulée par l’agence américaine de l’aviation civile (FAA) sur son site Internet fin février, semble avoir motivé cet appel syndical pour le moins inédit. Dans ces deux communiqués diffusés le 23 février, l’agence gouvernementale chargée de réguler l’aviation civile américaine avait en effet mis en garde les compagnies aériennes enregistrées aux Etats-Unis contre le « risque potentiel » que représentait désormais l’espace aérien malien, en raison notamment de « l’introduction d’un système de défense aérienne avancé » au Mali par les mercenaires de Wagner, un groupe de sécurité privée russe qui a commencé à se déployer dans le pays fin décembre 2021. Dans la foulée, les deux notes ont été commentées sur les réseaux sociaux par des comptes d’internautes habitués à chanter les louanges de la junte et de la coopération militaire russo-malienne, en pleine expansion depuis l’installation au pouvoir des colonels suite à deux coups d’Etat en août 2020 et mai 2021.
Les autorités sénégalaises face à la menace Wagner
Depuis l’arrivée de Wagner au Mali, les capacités militaires de l’armée malienne augmentent considérablement. Le groupement paramilitaire, grâce à l’appui de Moscou, a réussi à pousser la France en dehors du Mali. A côté, les militaires français sont également chassés du Burkina Faso. Le Groupe Wagner a réussi à étendre son influence et compte chasser définitivement la France de ses anciennes colonies.
Et depuis les sanctions de la CEDEAO, les autorités maliennes gardent une dent contre le gouvernement sénégalais qui devrait s’armer au même titre pour éviter une déstabilisation du pays. Après tout qui veut la paix se prépare à la guerre. Le gouvernement malien grâce à ses drones peut espionner le territoire sénégalais et rien ne l’empêche de s’en servir pour nuire au gouvernement en place à Dakar. Pour le Sénégal, il est devenu urgent de trouver les voies et moyens pour contenir la propagande de Wagner. Sinon, la contestation des autorités sénégalaises ne sera que plus vive au fur et à mesure que l’influence de Wagner touchera les populations sur la jeunesse sénégalaise.
Mamadou DIALLO