Vous vous intéressez à la politique, mais apparemment vous n’avez jamais milité dans un parti politique ?
Si, j’ai milité dans le parti Gaulliste en France en 1968. Je me suis inscrit à l’UNR, Union pour la Nouvelle République, parti du Général de Gaulle ; ensuite à l’Union des Démocrates de la République (UDR), au RPR de Jacques Chirac. J’ai milité aussi auprès du parti de Sarkozy. Ensuite, j’étais avec Jacques Chirac quand il a été candidat à la présidence de la République, contre Giscard et Mitterrand en 1981. Il était maire de Paris. A l’époque j’étais professeur dans la coopération française à la Faculté de droit d’Abidjan. Il m’avait nommé son mandataire pour l’élection présidentielle, c’est moi qui signais à l’ambassade française à Abidjan les résultats des élections pour lui. Il avait confiance en moi.
En 1984, Jacques Chirac, ancien maire de Paris et ancien Premier ministre, m’a nommé chargé de mission pour toutes les relations politiques avec les pays d’Afrique au Sud du Sahara. C’est là que j’ai commencé à connaître les chefs d’Etat africains. J’ai été le conseiller politique de onze chefs d’Etat africains sur 30 ans. J’ai connu Houphouët Boigny, Mohtar. J’ai travaillé avec Gbagbo, avec Abdou Diouf, avec Bédié, avec Eyadema, avec Sassou Nguesso, Idriss Déby, Blaise Compaoré, etc.
Qu’est-ce que vous pouvez dire sur Abdou Diouf ?
C’est un homme qui m’a beaucoup impressionné. Il a une clarté de l’intelligence vive. Quand Abdou Diouf me faisait dire par Bruno Diatta, (que le Seigneur ait pitié de son âme), « je reçois (….) à 18 heures. A 18 heures moins 30 secondes, Bruno Diatta venait me chercher dans la salle d’attente et me conduisait dans le bureau du président Diouf à qui il disait : « Monsieur le président, Robert Bourgi ». Qui était derrière la porte ? C’est le président de la République. A l’heure indiquéeje le rencontrais, avec ce respect de l’heure que je n’ai pas vu chez aucun autre chef d’Etat. Il était méthodique, posé, calme et connaissait ses dossiers. Il avait une lecture pointue de la politique sénégalaise et de la politique internationale.
Est-ce qu’il vous arrivait d’intervenir dans ses conflits avec son opposant d’alors, Me Abdoulaye Wade ?
Oui, absolument ! Je suis intervenu. Car, j’étais très proche du président Abdoulaye Wade quand il était opposant. Abdoulaye Wade a été le maître stage de mon jeune frère Rasseck Bourgi. Abdoulaye Wade a été aussi mon assistant à la Fac en économie politique vers les années 1960, quand j’étais étudiant. Lui aussi, il m’avait beaucoup impressionné alors qu’il n’était que simple assistant et vous avez vu la carrière qu’il a faite en droit. Comme j’étais très proche du président Omar Bongo Ondimba, qui était le sage de l’Afrique, le doyen. Abdoulaye Wade a beaucoup fréquenté Omar Bongo. Ce dernier disait : « Abdoulaye, il faut que tu travailles (avec Diouf) » et dans ce scénario, je dois rappeler aux jeunes que vous êtes, qu’il y a un homme qui a joué un rôle éminent, c’est le ministre de l’Intérieur de l’époque, Famara Ibrahima Sagna, dans le rapprochement entre Diouf et Wade sur une dizaine d’années, même quand Abdoulaye Wade était emprisonné à Reubeuss. Famara est un sage parmi les sages qui avait une grande audience auprès du président Diouf. Et vous avez vu aussi la responsabilité que lui a confiée le président MackySall.
Vous avez aussi des relations très poussées avec Nicolas Sarkozy…
Absolument ! Je suis très proche du président Sarkozy et je crois que l’actualité politique de ces dernières années a prouvé que je l’ai défendu sur tous les plateaux de Télévisions, sur toutes les chaînes de radios, que ce soit françaises ou africaines. Sarkozy est un ami.
Quel rôle avez-vous joué dans le déplacement de Me Abdoulaye WADE à Benghazi, lorsque Sarkozy était président de la République ? Vous étiez informé ?
J’étais informé. Mais, je n’ai joué aucun rôle. Le président Wade me faisait l’amitié de m’informer de ce qu’il avait en tête. Le président Omar Bongo, parti en 2009 et qui sentait que les choses allaient mal se terminer, me disait de faire savoir à Nicolas que sa position n’était pas acceptable, en disant « nous chefs d’Etat africains, sommes du côté de Kadhafi ». Mais, le seul rôle que j’ai joué, qui n’était pas d’ailleurs un rôle, c’est de dire à Nicolas Sarkozy « Non, n’y vas pas, les chefs d’État africains ne sont pas d’accord ». Jean Ping, président de l’union africaine à l’époque, n’était pas d’accord, le président Wade ne l’était pas, il y est allé.
Mais, avant cela le président Wade s’était déplacé à Benghazi….
Je n’ai joué aucun rôle (il se répète encore). Le président Wade tenait Sarkozy informé parce que le président Sarkozy avait une très grande estime et un grand respect pour le président Wade. Mais le président Sarkozy s’est entêté, influencé par Bernard Henry Lévy. Il est allé constituer une coalition internationale avec le feu vert de l’Onu et ils ont vitrifié Kadhafi.
Comment analysez-vous cette annonce en faveur de Karim Wade ? Pensez-vous qu’aujourd’hui, vu le contexte politique, que Karim a la chance en politique au Sénégal ?
Je voudrais qu’avec la paix, l’apaisement qu’apporte le temps, comme on dit le temps est complice, je voudrais tellement, et c’est mon désir personnel, qu’il revienne au pays. Parce qu’il a du talent. S’il a commis des erreurs, d’ailleurs qui n’en commet pas ? Je trouve qu’il devrait avoir un rôle à jouer dans ce pays. Il devrait revenir et le président Macky Sall ne m’en jamais parlé. Mais s’il me venait à me poser la question, comme souvent il m’interroge, pour prendre mon avis, mon conseil, sur le cas Karim Wade, je lui dirai : président, oui, fais le venir, il a sa place dans le jeu politique sénégalaise », comme Khalifa Sall aussi. Vous avez des gens talentueux dans l’opposition sénégalaise. Le Sénégal a toujours été riche d’hommes politiques, il y a aussi Idrissa Seck que j’aime beaucoup d’ailleurs, c’est un homme très intelligent qui a son caractère. Mais un homme politique sans caractère n’est pas un homme politique. Je pense que la voie devrait être ouverte à Khalifa Sal et à Karim Wade.
L’affaire Mame Mbaye Niang et Ousmane Sonko a pris le devant de l’actualité ces derniers temps. Pensez-vous avecla rencontre entre Ousmane Sonko et madame Nadège Chouat, numéro deux de la cellule Afrique de l’Elysée, que la DGSE française a joué un rôle dans l’apaisement suite à la décision qui a été prise et qui est un peu favorable à Ousmane Sonko ?
Ayant été avocat et m’intéressant à la vie politique, je ne pense pas que la rencontre entre cette collaboratrice de Macron et de Ousmane Sonko ait joué un rôle d’apaisement. La justice sénégalaise est indépendante. Le juge a tranché en toute indépendance. Et c’est un verdict d’apaisement.
La décision a ouvert la voie à l’apaisement ?
C’est un verdict d’apaisement. Les gens s’attendaient à ce qu’il soit condamné sévèrement et en première instance, le juge a rendu un verdict en toute indépendance. Personne n’a influencé ce magistrat, ni le côté du pouvoir encore moins du côté d’une puissance étrangère. Il a jugé en examinant le dossier qu’il ne pouvait ne pas rendre un jugement de deux mois. La justice sénégalaise est indépendante. Il y a des pays africains où les magistrats passent sous les fourches caudines de l’exécutif, je ne veux pas citer ces pays, on les devine. Mais au Sénégal, ce n’est pas le cas.
Est-ce que la France ne craint pas qu’au Sénégal, que les jeunes s’en prennent aux investissements français, en essayant de s’approcher d’Ousmane Sonko pour réduire le sentiment anti français. Parce qu’on sait que l’influence française est en train de chuter en Afrique. Est-ce qu’aujourd’hui le fait de voir la France s’approcher d’Ousmane Sonko n’est pas une manière d’amadouer la jeunesse ?
Je ne pense pas. J’ai beaucoup d’estime pour le président Macron. C’est un homme jeune. Il a bouleversé l’échiquier politique français en devenant président à 38 ou 39 ans. Je ne veux pas revenir sur l’affaire Fillon dans laquelle mon nom a été mêlé. C’est du passé. J’avais voté pour monsieur Macron au premier tour. J’ai voté pour lui au second tour. En 2022, bien que j’étais au parti républicain, j’ai voté pour lui au premier tour et au second tour. Ma famille et mes amis convaincus par moi, ont voté pour lui. D’abord, il n’en est pas responsable. Il y a eu la présidence de Hollande et les turpitudes de la Françafrique dans laquelle j’ai joué un rôle. Il y a eu les bons et les mauvais côtés de la Françafrique. Le président Sarkozy déjà avait hérité d’un passé peu reluisant ensuite le président Hollande et le président Macron. Et la France a reculé. C’est le résultat de ce que le président De Gaulle appelait le mouvement général du monde. La France a perdu pied. La France a reculé. Les opinions publiques africaines se sont déroutées de la France, mon pays. Et il y a eu l’apparition sur le marché économique africain d’autres puissances : la Turquie, la Chine, la Russie, le Brésil, les pays arabes. Et il faut prendre conscience d’une chose, ce n’est pas souvent dit, la France a certes un siège au Conseil de sécurité et fait partie des cinq (05) puissances nucléaires. Mais la France sur le plan économique, elle n’est plus la grande puissance d’avant. Le Général De Gaulle avait fait croire au monde que la France était une très grande puissance parce que lui-même était un grand personnage. Il écrasait de sa stature et de son passé politique tous les autres dirigeants du monde occidental. Mais la France n’est plus la grande puissance d’avant.
Mais maintenant on accuse la Russie d’être responsable de la chute de l’influence française en Afrique occidentale surtout en tout cas au niveau des pays francophones avec ces coups d’Etat qui s’enchainent. Est-ce que la Russie a joué une influence quelconque dans tout cela ?
Je suis au courant de rien et je ne suis pas mêlé à tout ça. Je constate comme vous que la Russie est de plus en plus présente en Centrafrique, au Tchad, au Mali, au Burkina Faso et l’influence russe va aller grandissante.
Alors aujourd’hui, le débat au Sénégal c’est la probable candidature du Président Macky Sall. Juridiquement, est-ce que cela pose problème ?
Je suis constitutionnaliste. Je suis docteur en droit public et en sciences politiques. Le Président Macky Sall en 2016 intervient une révision constitutionnelle qui réduit le mandat présidentiel à cinq ans. Et qui dit qu’on ne peut pas faire plus de deux mandats. Lorsque le Président Macky Sall se présente en 2019, c’est sous l’empire de la révision constitutionnelle de 2016 qui dit qu’il ne peut pas faire plus de deux mandats. J’estime qu’en toute légitimité, qu’en toute légalité que le Président Macky Sall est en train de terminer le premier mandat et qu’il est habilité à concourir en 2024 sur le plan politique, légal et constitutionnel. Mais, il ne s’est pas encore prononcé. Personne ne sait s’il va se représenter. La décision lui appartient en conscience et il ne la livrera le moment venu qu’au peuple sénégalais. Et ensuite, c’est au Conseil constitutionnel de valider ou pas. Aujourd’hui, il termine le premier mandat sous l’empire de la révision constitutionnelle. Va-t-il se présenter en 2024 ? La décision lui appartient. Mais s’il se représente sur le plan légal et constitutionnel, il est habilité.
On entend des députés français récemment même lorsqu’on votait la loi sur la coopération judiciaire, des députés de l’opposition en France parler de troisième mandat. Ils disent même que c’est illégal…
C’est une lubie. Vous savez les hommes politiques quelques fois ils ont des lubies influencées par des journalistes. Vous savez, j’ai beaucoup de respect pour le métier de journaliste. J’ai beaucoup d’amis journalistes qui m’ont taquiné aussi. Mais j’ai du respect pour la fonction. Mais le Général De Gaulle était toujours méfiant vis-à-vis d’eux. Quand il lisait des articles qui lui étaient défavorables. Il disait : « vous savez j’ai d’autres choses à faire que de lire des journaleux ». Et pour moi, il y a des journalistes aujourd’hui qui sont à l’image de ce que disait De Gaulle, des journaleux. Le troisième mandant, le troisième mandat … Mais dites-moi, contrairement à ce que j’ai lu ce matin dans le journal L’Indépendant, le professeur Alassane Kitane me répond à ce que j’avais dit à L’Observateur. Il dit « au Sénégal, ce n’est pas la France qui donne le pouvoir ou qui le retire ». J’ai beaucoup de l’estime pour le professeur. Mais Robert Bourgin’a jamais dit dans son interview de L’Obs autre chose que ce que je vais vous dire, c’est le sénégalais, la sénégalaise et c’est le peuple sénégalais qui élisent le Président de la République. C’est ce peuple qui a la clé du succès. Je n’ai jamais dit que la France joue un rôle dans l’élection du président de la République. La France jouait un rôle dans le passé du temps de la Françafrique ? Oui. C’est ce que j’appelle les turpitudes du passé. J’avoue les fautes. Et c’est pour cela qu’en septembre 2011, j’ai dénoncé certaines turpitudes de la Françafrique c’est-à-dire le financement de la part de certains chefs d’Etat africains de la politique française. Et la planète m’est tombée dessus alors que tout le monde le savait. Mais sortant de ma bouche, cela avait une autre valeur. Il fallait le faire de le dénoncer. J’ai été suspendu du barreau pendant un an. J’ai eu des contrôles fiscaux. Mais il fallait le faire. Depuis 2011, mon cabinet à Paris est rempli régulièrement d’opposants au régime. Je reçois des gens des régimes. Mais de nombreux opposants font anti chambre chez moi. Je suis ouvert. D’abord, l’âge est là et l’expérience est là. Même aux opposants au Président Macky Sall mais il le sait. Pensez-vous que je n’ai pas de relation avec des gens de Sonko ? Mais j’en ai. Aisément, je l’ai dit au Président Macky Sall que j’ai des relations avec telle personne et il m’a dit libre à toi. Je m’interdis le droit de t’empêcher. Tu es Robert Bourgi. Cela fait plus de 50 ans que tu es en politique, tu as le droit de voir qui tu veux. Je vois des opposants de Ouattara, de Déby, des opposants mauritaniens alors que le général Ghazouani est un ami, un frère. C’est mon rôle de dire tu as raison, tu as tort. Mais doyen vous ne pourriez pas … Je passe le message. Mais le regret, je le dis haut et fort. En 2019, le Président MackySall m’a fait participer à sa campagne électorale en Casamance. J’ai fait des centaines de kilomètres dans sa voiture avec lui. J’assistais à ses meetings, à Ziguinchor dont le maire était à l’époque Abdoulaye Baldé. Et dans la voiture, tu sais Macky Sall j’ai écouté Ousmane Sonko. Il est brillantce garçon. Il ne m’a pas dit « tais-toi ». Il ne m’a pas éconduit. Et je l’ai dit dans une interview à L’Obs que c’était un garçon intelligent, qui a du charisme et qui a une certaine équation personnelle. Et si j’avais été consulté à l’époque, j’aurai donné ce conseil à Macky Sall : «Président, ne le radie pas de la fonction publique ». Parce que ce sont des mesures discriminatoires qui créent la colère, la frustration et ce n’est jamais bon. Nous avons la chance que le Sénégal s’appelle le pays de la Téranga. J’ai connu le Dakar où il n’y avait pas de porte. Vous aviez des petits lotissements et il n’y avait pas de porte. Et au milieu de la cour, il y avait la calebasse et tout le monde pouvait venir s’asseoir pour manger.
Il y a des gens de Sonko avec qui je parle et ils me disent que j’aurai pu intervenir. Mais dommage. Parce que Macky Sall, je m’élève contre le fait de dire que c’est un homme répressif, sectaire, dur. Non. C’est quelqu’un de pieux et qui respecte comme il le fait l’enseignement de notre Prophète. Il ne peut pas être un homme répressif. Je l’ai dit à Sarkozy, n’écoute pas les faucons autour de toi. En 2012, il a connu l’échec. Je l’ai mis en garde en lui disant, Nicolas, intéresse toi à la banlieue, aux travailleurs immigrés, aux binationaux et parle avec eux. Il ne m’a écouté. En 2012, un inconnu qui s’appelle Hollande l’a remporté. Vous savez en 2016 avec les primaires sur les plateaux de LCI, BFM, France 24, je lui ai dit, « refuse la primaire », tu es l’ancien président, tu es le chef de parti, tu vas te faire humilier ». Il a fait la primaire ouverte et se sont engouffrés dans le corps électoral des socialistes. Il est éliminé à la surprise générale. Fillon est passé devant ensuite Alain Juppé. Il y a toujours des gens dans l’entourage qui nuisent. Le Président Macky Sall est un homme vraiment généreux. Je regrette simplement cette radiation de Sonko. C’est simplement la radiation de la fonction publique qui a créé la colère et la frustration. On pouvait régler cela à la sénégalaise.
Est-ce qu’ils ont atteint un point de non-retour dans les rapports actuellement ?
Si je peux être écouté, tout le monde sait combien je suis proche du Président Macky Sall et que je l’affectionne. Mais combien je dis aussi qu’Ousmane Sonko ne doit pas rester sur le bord de la route. Si le dialogue est possible alors j’appelle au dialogue. Nous avons la chance d’avoir nos anciens auxquels le Président a fait appel hier dans son discours. On a des anciens dans ce pays qui peuvent parler à Macky Sall. Abdou Diouf ? Il est impensable que l’ancien Président Abdou Diouf demande à Ousmane Sonko et Macky Sall de venir lui voir. Personne ne dira non à Abdou Diouf. Pareil pour Abdoulaye Wade. Qui n’a pas de respect à Abdoulaye Wade ? Vous croyez que le Président Macky Sall ne parle pas à Abdoulaye Wade ? Vous croyez qu’il ne lui téléphone pas pour son anniversaire ou autres ? Il ne serait plus sénégalais le Président Macky Sall lui qui est fidèle aux enseignements des anciens, aux legs de la sagesse des anciens. Il y est très attaché. Qu’Ousmane Sonko sorte une interview pour me dire que je n’irai pas répondre à Abdou Diouf : «Je lui dirai, tu mens Ousmane. Tu iras à la demande de Diouf ». Le Président Diouf qui est assez fatigué aujourd’hui. C’est homme de 88 ans. Il est fatigué. Mais Abdou Diouf dispensant de la bonne parole, elle sera écoutée. Aussi, Abdoulaye Wade même s’il est président d’honneur d’un parti. Vous savez que j’ai participé au côté du Président Wade debout dans sa voiture à sa campagne électorale, il y a 15, 17 ans. Je suis allé avec lui à Joal, à Mbour. J’ai vu cet homme idolâtré. Tu sors Abdoulaye Wade dans la rue, il y aura mille personnes autour de lui. Hier soir, à l’hôtel où je me trouve. Ils ont ma fiche d’identité et ils ont vu que c’était mon anniversaire. Je rentre d’un rendez-vous, avec un sage, Moustapha Niasse vers 21h30. Je suis rentré et je prends mon chapelet. On sonne à la porte et je vois 6 personnes de l’hôtel avec un gâteau d’anniversaire en me disant « bon anniversaire tonton ». J’étais ému aux larmes. Ils m’ont dit « Maitre, tu es notre grand-père ». Je suis né ici. Mon père est enterré au cimetière de Yoff et ma mère celui de Soumbédioune. C’est ma terre. Mon père est arrivé en 1918 dans ce pays. Il avait 20 ans.
La dernière question porte sur la situation au Tchad. Il y a le décès d’Idriss Déby remplacé par son fils, il y a eu les dialogues au Ndjamena, au Qatar. Ensuite il y a eu le soulèvement du 20 octobre 2022, dirigé par l’opposant Succès Masra, qui est parti après aux États-Unis. Aujourd’hui, on prétend que Mouhamat Kaka pourrait devenir un candidat à la présidentielle de la République,avec la situation sécuritaire où le Mali est tombé, le Niger est menacé, les menaces en Libye au nord, etc. Comment analysez-vous la situation ?
Je vous répondrai en juriste, en constitutionnaliste. J’étais très lié à Idriss Déby et je le voyais à chacun de ses passages à Paris, et souvent je lui rendais visite quand il était hospitalisé à l’hôpital américain à Neuilly. Après on s’est perdu un peu de vue. J’ai connu son fils.
Aujourd’hui pensez-vous qu’il a de la chance pour stabiliser la situation ?
Je le souhaite. Je lui souhaite plein succès. Il est au pouvoir. C’est un pays qui est difficile à gouverner et on connaît les tourments politiques du Tchad depuis 50 ans. C’est très compliqué pour gouverner le Tchad qui est un pays charnière. Le Tchad est très important dans la mémoire Gaulliste parce que c’est du Tchad qu’est partie la France libre en Afrique, avec le gouverneur, Général Félix Eboué. Vraiment je lui souhaite plein succès parce que le Tchad a une position stratégique très importante. Je crois qu’il a les capacités de diriger ce pays, parce qu’il a appris aux côtés de son père. Idriss était un chef. Attention, il n’était pas uniquement un chef politique, il était aussi un chef militaire, un stratège et un homme d’autorité. Quand il parlait personne ne contestait.
Entretien réalisé par Mamadou Mouth BANE