Dans une lettre adressée au ministre de l’Industrie et du Commerce, l’Association des Meuniers Industriels du Sénégal (AMIS) demande «des éclaircissements suite à la décision de baisse du prix de la farine».
«Nous avons pris connaissance avec attention de la décision prise par l’État lors du dernier conseil de la consommation de baisser le prix de la farine de 19 200 FCFA à 15 200 FCFA » a indiqué l’AMIS.
Les meuniers ont rappelé que «lors de notre dernière séance de travail avec les services techniques de votre ministère, en revisitant la structure du prix de la farine, il était clairement apparu que les mesures annoncées, à savoir la suspension des droits de douane sur le blé et la suspension de la TVA sur la farine, ne permettaient qu’une baisse de 1 355 FCFA avec un coût moyen du blé de 292 euros CAF ».
Par ailleurs, ils ont souligné «un écart de 2 645 FCFA restait donc à combler. Nous avions également informé que les prochains stocks déjà achetés étaient bien au-delà de ce prix en raison du renchérissement des marchés internationaux ces dernières semaines ».
Selon les meuniers, «la décision de baisse étant déjà actée, nous, meuniers industriels, avons plusieurs points d’interrogation pour lesquels nous souhaitons être édifiés afin de pouvoir poursuivre nos activités de manière pérenne ».
Ainsi, les meuniers, parlant de prise en charge de la baisse, ont souhaité «savoir qui assumera la prise en charge complète de la différence de prix entre 19 200 FCFA et 15 200 FCFA, et quelles seront les modalités de paiement et du remboursement des droits de douane».
«Nous demandons le remboursement par l’État des droits de douane sur le blé et les farines en stocks chez les meuniers, compte tenu de notre stock important de blé et de farine pour lesquels les droits de douane ont déjà été payé» lit-on sur la lettre.
Par ailleurs, les grossistes ont parlé de la prise en charge des stocks des grossistes. A cet effet, ils ont souhaité, «la prise en charge par l’État des 4 000 FCFA/sac pour les stocks de farine chez les grossistes des meuniers, qui ne pourront plus les vendre au nouveau prix imposé ».
Concernant le prix de vente, l’AMIS a demandé «la confirmation que le prix de vente dans les régions est bien le prix départ usine plus les coûts de transport, y compris pour la zone de Dakar ».
Par rapport à la date d’entrée en vigueur de la suspension des droits de douane, l’AMIS souhaite «connaître la date d’entrée en vigueur effective de la suspension des droits de douane pour nos bateaux de blé déjà achetés et qui arriveront dans les prochains jours ». En outre, «face à cette situation d’incertitude, l’ensemble des meuniers industriels du Sénégal ont pris la décision, d’un commun accord, de suspendre la production et les ventes de farine boulangère jusqu’à nouvel ordre » lit-on dans leur lettre. Par ailleurs, l’AMIS a estimé que «cette décision s’impose à nous car nos investisseurs, la loi et le bon sens nous interdisent de produire et de vendre à perte ». Dans leur lettre, les meuniers, ont réitéré leur«disponibilité » à accompagner les autorités. En outre, dans un communiqué de presse, l’AMIS a rappelé les difficultés connues en 2021 par l’industrie meunière sénégalaise. Il s’agit selon elle «d’une situation dont la gravité avait mobilisé tous les acteurs de la filière dans la recherche de solutions ». En effet, «les Meuniers ont pris connaissance de la décision de l’État résultant du Conseil National de la Consommation du 21 juin 2024, de baisser le prix de la farine boulangère de 19 200 FCFA à 15 200 FCFA soit une réduction de 4000 FCFA » a indiqué le communiqué. Selon l’AMIS, «cette mesure intervient au moment où le coût moyen du blé est en hausse constante et dépasse 300 euros. Cette réalité ne permet pas d’apporter une réponse basée sur la baisse de l’essentiel des facteurs de production de farine ».
A cet effet, poursuit l’AMIS, «les travaux menés en réunion technique avec les services de l’État ont permis de relever que la renonciation aux droits de douanes et taxes sur la valeur ajoutée (TVA) représenterait 1355 FCFA sur le prix du sac ».
Selon l’AMIS, «dans ces conditions le financement de l’écart de 2645 FCFA sur le prix de la farine demeure incertain pour les entreprises meunières et pour l’ensemble des acteurs de la filière. La baisse de 4000 FCFA n’est pas financée à ce jour ». Ils ont engagé les 07 membres de l’Association des Meuniers Industriels du Sénégal dans une mesure de retrait. «Les Meuniers ne peuvent s’engager dans un dispositif de vente à perte et déclare officiellement un arrêt provisoire de production. Nous rappelons que l’article 30 de la loi du N°94-63 du 22 août 1994 (sur les prix, la concurrence et le contentieux économique) nous interdit formellement de vendre à perte. Actuellement, la hausse continue des prix du blé est ignorée par les autorités » dit le communiqué. Ainsi, l’AMIS a alerté le Ministère de l’Industrie et du Commerce, «sur les effets d’une mesure hâtive au regard des stocks de blé déjà dans le circuit de production et des volumes farines en vente dans les réseaux de distributeurs ». Malheureusement, «mais malgré ces alertes sur l’impréparation du secteur, le prix de revient de la farine annoncé au sortir du Conseil National de la Concurrence est bien en-dessous du prix de vente réel, et la date d’entrée en vigueur est un coup porté à l’activité des parties prenantes. De sorte que chaque sac de farine boulangère livré depuis les unités de production constitue une infraction manifeste à la loi sénégalaise en plus d’amplifier les pertes des entreprises productrices. L’application des prix annoncés oblige indirectement les meuniers à subventionner le prix du pain. Une situation qui mènera inéluctablement les 7 entreprises vers une faillite programmée et collective ». Les Meuniers ont rappelé «leurs attentes d’éclaircissements sur les 4 points qui suivent : 1. Le régime de compensation de la baisse est flou. La prise en charge intégrale des 2645 FCFA restante de compensation sur le prix du sac de farine boulangère est sans réponse à ce jour. Il est nécessaire d’identifier la partie qui finance et d’en savoir sur les modalités de paiement. 2. Le régime de renonciation sur les droits de douane et la TVA , ainsi que la date d’entrée en vigueur manquent de clarté. Il est essentiel de clarifier les modalités de prise en compte des stocks de blé déjà taxés en attente chez les Meuniers du fait de la révision de prix sur décision unilatérale de l’État. 3. Le régime de compensation des volumes en vente chez les distributeurs et grossistes de farine boulangère est méconnu. Pourtant ces acteurs de la filière sont contraints eux aussi de vendre à perte. 4. Le régime de prix applicable en région et Dakar tenant compte du transport fait défaut. De sorte que toute la filière s’expose à des sanctions à la date d’entrée en vigueur annoncée. Nous rappelons que les Meuniers Industriels sont des entrepreneurs consciencieux, des acteurs économiques responsables et des défenseurs indéfectibles de la production locale ».
C’est en cela que l’AMIS s’adresse à tous les partenaires économiques et gouvernementaux «pour la préservation d’une production industrielle vitale pour tous ». Ensuite, il est décidé, «à compter de ce lundi 24 juin 2024 un arrêt périodique et collectif de production permettant de ralentir le niveau des pertes induites quotidiennement, ce jusqu’à ce qu’une réponse assurant la survie des meuniers soit apportée ». L’AMIS a ajouté que «par ce procédé nous faisons nôtres, les préoccupations de l’ensemble des acteurs de la filière face aux incertitudes persistantes concernant la baisse des prix. Par ce procédé, nous ralentissons le chômage technique, inéluctable dans les prochaines semaines au regard des enjeux de sauvegarde de l’emploi préalable aux options de licenciement économique ». L’AMIS a exhorté les autorités gouvernementales «à veiller à la stabilité du marché dans l’intérêt de la filière et à relancer le dialogue nécessaire et salutaire. La filière est au bord d’une crise sans précédent et joue sa survie. Les mesures que nous venons d’annoncer ont vocation à être reconduite à l’initiative des Meuniers Industriels du Sénégal tant qu’une réponse définitive n’est pas trouvée ». «Nous restons convaincus que seule une industrie forte et dynamique peut apporter du développement, de l’emploi et des recettes fiscales nécessaires au devenir du Sénégal. Les Meuniers Industriels du Sénégal remercient l’ensemble des collaborateurs, acteurs économiques et partenaires sociaux pour les messages d’encouragement et de solidarité reçus. Les Meuniers ne peuvent engager toute la filière à la dérive » dit le texte. Modou FALL