juillet 1, 2025
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Les sanctions contre les responsables soudanais se multiplient sans réel succès

Le deuxième volet déclaré fin juin par l’Union européenne risque, à son tour, de produire peu d’effets, à moins d’un véritable changement de stratégie.

Le 24 juin, le Conseil de l’Union européenne a annoncé une nouvelle salve de sanctions à l’égard de six individus soutenant un camp ou l’autre du conflit qui ravage le Soudan depuis le 15 avril 2023. Du côté des Forces de soutien rapide (FSR) emmenées par le général Mohamed Hamdan Dagalo, alias « Hemeti », le général Abdulrahman Juma Barakallah, responsable de l’assassinat du gouverneur du Darfour-Occidental, le conseiller financier Mustafa Ibrahim Abdel Nabi Mohamed et le chef tribal Masar Abdurahman Aseel, pour sa participation au nettoyage ethnique du peuple massalit, ont été inquiétés.
Chez leurs adversaires, les Forces armées soudanaises (FAS) du général Abdel Fattah al-Burhane, le général Mirghani Idriss Suleiman, le général El Tahir Mohamed El Awad El Amin et l’ancien ministre des Affaires étrangères Ali Ahmed Karti Mohamed ont été visés pour leurs rôles respectifs dans l’approvisionnement de l’armée, les bombardements aériens n’épargnant pas les civils et les entraves à l’instauration d’un cessez-le-feu. C’est le deuxième volet européen depuis le début de la guerre.

Les États-Unis et le Royaume-Uni ont également ciblé, dès l’année dernière, des personnalités et des entités alimentant les hostilités. Malheureusement, le manque de coordination et de conséquences réelles ne permet pas à ces dispositifs répressifs de contraindre les généraux à faire taire leurs armes.

L’indispensable coordination avec les pays arabes

« Les mesures restrictives de l’UE visent à provoquer un changement dans la politique ou le comportement des personnes visées en vue de promouvoir les objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’Union européenne », résume Nabila Massrali, la porte-parole de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Le gel des avoirs, l’interdiction de fournir des fonds aux individus sanctionnés ou encore leur bannissement du sol européen s’avèrent relativement inefficaces, estime néanmoins Elhadi Idriss, ex-membre du Conseil de souveraineté soudanais qui affiche sa neutralité dans la guerre.
« La plupart des personnes sanctionnées n’ont aucune intention de se rendre aux États-Unis ou en Europe et n’y ont pas forcément d’intérêts financiers, ironise-t-il. Il est donc indispensable que les puissances occidentales coordonnent leurs sanctions avec les pays arabes afin de viser les responsables du conflit là où se trouvent leurs entreprises. Les mesures contre les entreprises doivent également être décrétées en connaissance de cause en sachant que de nombreux hommes d’affaires ont recours à des sociétés-écrans dont seul le faux nom apparaît dans les médias et les informations des services de renseignements », poursuit cet ancien rebelle darfouri devenu vice-président de la coalition Taqaddum, qui réclame la fin de la guerre.

Couper les conduits d’approvisionnement

Pour devenir plus utiles, les sanctions imposées par l’UE et le Royaume-Uni auraient tout intérêt à tomber en même temps que celles décrétées par les États-Unis. « Ces derniers sont les seuls capables d’envoyer un signal suffisamment fort à leurs alliés de la région, mais ils auront besoin que leurs alliés en dehors de la région leur emboîtent le pas. Il faut instaurer une stratégie de sanctions et non des sanctions ad hoc », préconise l’analyste Kholood Khair, du cercle de réflexion Confluence Advisory. Or le temps de latence de l’UE est lié aux désaccords entre ses membres : l’Allemagne et la Suède étaient partisanes de sanctions sévères dès le début du conflit, tandis que la France soutient une approche plus progressive.

Kholood Khair incite en outre Washington à « mettre un terme à l’approvisionnement des deux camps en faisant pression sur leurs soutiens, que ce soit sur les Émirats arabes unis pour les FSR ou sur l’Égypte et l’Arabie saoudite pour les FAS. Les Américains devraient enfin convaincre leurs alliés africains d’arrêter de servir de conduits pour les livraisons d’armes ». En attendant, les sanctions n’ont pas de rôle immédiat, toujours d’après l’analyste, mais elles pourront anéantir les ambitions politiques des individus désignés. « Même les islamistes comme Ali Karti, qui accueillent ces sanctions comme un honneur face à l’Occident qu’ils exècrent, seront pénalisés lors des négociations politiques susceptibles d’entraver leurs ambitions d’après-guerre », prévient-elle. Les noms et entités inscrits sur liste noire pourront par ailleurs contribuer à rendre justice pour les crimes commis.

Des sanctions utiles pour rendre justice

« Cela aidera la Cour pénale internationale à les considérer comme de potentiels responsables. La mission internationale indépendante d’établissement des faits pour le Soudan du Conseil des droits de l’homme de Genève pourra également enquêter sur ces noms », explique Salih Mahmoud, le président de l’Association du barreau du Darfour. Selon lui, la véritable solution consiste à déployer des troupes internationales ou régionales afin de mettre fin aux hostilités qui ont fait des dizaines de milliers de morts et jeté 12 millions de civils sur les routes.

Hormis leur manque de coordination et d’efficacité à court terme, la méthode pour appliquer les sanctions fait l’objet de débats. « Les sanctions jouent un rôle positif, mais elles visent pour l’heure autant les deux parties. Pourtant, la plupart des violations des droits de l’homme, des viols, des tueries de masse ou encore des incendies de villages sont perpétrés par les FSR. Les sanctions équivalentes envoient par conséquent le mauvais signal », assure Ahmed el-Gaili, juriste soudanais spécialiste du droit international.

De nombreux témoins ont en effet rapporté au Point Afrique les exactions commises par les FSR à chaque fois qu’ils conquièrent une nouvelle ville, que ce soit à Khartoum, au Darfour, dans l’État d’Al-Jazirah ou, plus récemment, dans le Sennar. Les services de sécurité des FAS perpètrent aussi des violations des droits de l’homme, incluant actes de torture et assassinats, dans les zones qu’ils contrôlent en ciblant généralement les activistes prodémocratie ou toute personne qu’ils soupçonnent d’entretenir des liens avec les FSR.

Des appels à viser les deux généraux

Alors que la guerre s’enlise et que la famine menace, avec d’ores et déjà 25,6 millions de Soudanais en situation d’insécurité alimentaire aiguë, la communauté internationale paraît toujours hésiter sur la méthode à adopter, bien plus encline à dénoncer l’invasion de l’Ukraine ou les massacres de la bande de Gaza. Certains appellent cependant à ne plus tarder et à s’attaquer directement aux deux hommes forts de la guerre.
« Sanctionner le général Hemeti ou le général Burhane pourrait ouvrir de nouveaux canaux de communication directe avec eux là où il n’en existe pas actuellement et accroître l’influence de Washington sur une situation où il s’est laissé mettre à l’écart. Il est essentiel de considérer les sanctions comme un facteur de motivation pour les prochaines étapes et non comme une punition pour les transgressions passées, détaille le chercheur et ancien analyste de l’Agence centrale de renseignements américaine Cameron Hudson dans un article pour le Center for Strategic and International Studies. Plutôt que de menacer d’imposer [les sanctions], nous devrions négocier leur suppression. »

Par Augustine Passilly, Pour Le Point Afrique

 

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