Timbuktu Institute a publié une note sur l’insécurité qui sévit au Nord du Bénin, plus particulièrement dans la commune de Banikoara. Selon des témoignages analysés par le centre, le terrorisme s’est emparé de cette zone frontalière contigu au Burkina Faso. Timbuktu Institute a émis un certain nombre de recommandations pour juguler ce phénomène.
Selon la note, la commune de Banikoara, dans le département de l’Alibori, au nord du Bénin, est actuellement « l’une des zones les plus dangereuses en matière d’insécurité », témoigne cet habitant de la localité. C’est une zone frontalière contigu au Burkina Faso par le Parc national du W, qui abrite certains des éléments appartenant à des groupes terroristes d’après des témoignages concordants. Dans cette commune, plusieurs attaques djihadistes ont été enregistrées de par le passé. Mais celle du 8 janvier semble avoir profondément secoué les populations de cette zone. Pour les habitants de Banikoara, cette attaque a été la plus meurtrière et la plus douloureuse, les laissant perplexes quant à la sécurisation de leur localité.
En analysant les témoignages fournis par la population, la commune de Banikoara est plus que préoccupée par l’infiltration de complices terroristes. « Nous ne savons plus qui est qui dans nos villages, nous sommes stupéfaits par le simple fait que les terroristes connaissent nos localités mieux que nous. Ils connaissent bien les habitants et connaissent même les liens familiaux qui existent entre nous », déclare un agriculteur rencontré au sein de la communauté.
Tous les signaux de même que les témoignages recueillis sur place indiquent que l’infiltration des communautés locales par les éléments des groupes armés terroristes est devenue une réalité et aurait même « progressé de manière significative dans cette commune ». Un sage ancien, déplore après avoir pris son temps pour éviter de parler à l’équipe de recherche : « Aujourd’hui à Banikoara, plus personne n’a confiance ; Nous ne savons pas qui est qui. » De plus, un habitant de l’un des quartiers de la commune déclare : « les terroristes viennent ici et n’ont pas peur de communiquer avec nous, en recherchant notre coopération. A ce stade, nous avons deux choix : soit fuir le village, soit collaborer pour assurer votre vie et celle de vos enfants ».
Cette inquiétude confirme celle d’un autre individu qui raconte la mésaventure d’un artisan dans le centre-ville de Banikoara : « Ils sont venus lui proposer un marché, mais il a refusé malgré les promesses alléchantes. Comme il a refusé, il a dû quitter la municipalité pour éviter d’être kidnappé ou tué. » L’information concernant cette situation choquante d’implication de la population locale dans des activités terroristes ne doit plus être banalisée dans cette commune.
Un citoyen résident de Banikoara révèle « les assaillants, plus de 100, du 8 janvier auraient été hébergés la nuit précédant l’attaque par un habitant de Banikoara », indiquant une interaction ou une crainte de représailles au sein des habitants. À une autre d’ajouter : « Nous les voyons circuler la nuit, se déplaçant le plus souvent sur la route sans inquiétude et à des heures non tardives même », ce qui suggère que les informations sur les patrouilles des FDS sont à leur portée.
Couveuses locales ou « rapports de collaboration » qui se consolident ?
Pour les habitants de Banikoara, la sécurité pour une vie paisible est loin d’être une réalité. L’analyse de certains facteurs-clés sert de porte d’entrée à l’émergence de l’insécurité. Depuis un certain temps, les jeunes de Banikoara sont devenus des fournisseurs potentiels de carburant pour les groupes terroristes, d’après de divers témoignages. De nombreux cas de massacres impliquant ces jeunes livreurs et des « rapports de collaboration ont fait surface et se consolident de jour en jour ». « Avant-hier, des soldats ont tué huit jeunes fournisseurs , et chaque jour que Dieu fait, nous les perdons, mais ils refusent d’abandonner » , selon les propos d’un chef de village. « Il faut reconnaître qu’il s’agit d’un métier pas comme les autres », se désole un habitant d’un village de la commune.
Selon des informations recueillies début mars, les jeunes bénéficient d’une marge bénéficiaire de plus de 50 %, et en cas de pénurie de carburant, « elle monte à plus de 150 % sur chaque bidon de carburant de 25 litres douteux », affirme un autre jeune impliqué dans ce trafic. « Il est universellement reconnu que personne ne peut résister aux gains faciles, ces jeunes n’abandonneront jamais cette entreprise de vente de carburant avec les terroristes », s’alarme un autre chef de village.
Fragilisation de la filière coton : accentuation des socioéconomiques ?
Le deuxième plus important déterminant est la fragilisation de la filière coton. Facteur aggravant : l’affaiblissement du secteur du coton cette année. En effet, la campagne cotonnière de cette année à Banikoara, qui est la plus grande zone de production de coton, ne s’annonce pas prometteuse. Les producteurs expriment leur mésaventure à l’égard de cette campagne 2024-2025.
« Cette année, je le répète, personne ne peut se targuer d’être satisfait de ce qu’il a reçu. Ce n’est pas le coût d’achat qui est en cause, mais plutôt la flambée des prix des intrants pour cette campagne. Nous avons engagé des remboursements de plus de 50 % sur le prix de vente uniquement pour les intrants », affirme un producteur de coton et secrétaire d’une coopérative à Banikoara.
Les habitants semblent de plus en plus préoccupés de ce qui pourrait se passer dans les années à venir si des alternatives préventives ne sont pas rapidement mises en œuvre. « Une commune dont l’économie locale est basée sur le coton risque de tomber dans une voie alternative qui mène à l’extrémisme », se désole un analyste béninois travaillant dans la zone depuis quelques mois.
De l’efficience des mesures sécuritaires : Entre méfiances et lacunes du renseignement
Les mesures de sécurité prises par l’État béninois dans cette zone sont appréciables en général selon les populations locales. Mais ces mesures semblent insuffisantes pour renforcer le niveau de sécurité dans la commune. Le nombre de soldats déployés dans la zone est insuffisant, comme le souligne un citoyen : « notre commune est vaste et nous partageons une frontière avec le Parc W, il est donc essentiel que le Bénin entoure la commune d’un mur militaire. Les zones stratégiques où sont stationnés les soldats béninois sont connues des terroristes, et ils peuvent passer par des zones que nous ne pouvons pas croire ».
De plus, certaines personnes ont signalé que la stratégie de renseignement n’est pas fiable : « Lorsque vous signalez deux ou trois fois, les soldats se demandent comment vous obtenez cette information à chaque fois et vous risquez d’être pris. » Cela nuit à la collaboration entre les populations et les forces de défense et de sécurité. Par ailleurs comme le signalent les habitants, la question de la « gestion des complices est lamentable », compte tenu des ordres préétablis. C’est ce que démontrent les témoignages d’un citoyen frustré qui exprime : « Il suffit d’un rapport sur quelqu’un, c’est terminé sans enquête plus approfondie, soit les soldats les tuent, soit ils les emmènent à la CRIET sans issue favorable pendant des années, oubliant qu’il y a toujours des personnels parmi les non griefs résolus populations, qu’elles soient petites ou grandes. » Pendant ce temps, les actions des organisations et des communautés comment à ne plus répondre aux attentes des populations mais aussi à la situation délétère. Les campagnes de sensibilisation en matière de sécurité ne sont plus évidentes.
Par conséquent, des actions concrètes pour soutenir les jeunes chômeurs sont essentielles. Plusieurs comités et cadres ont été mis en place. Cependant, ils peinent à contribuer réellement à réduire l’insécurité. La lutte contre le terrorisme devrait être repensée, en éliminant également les griefs de la communauté.
En effet, des ressources doivent être allouées pour soutenir les jeunes en leur offrant un environnement économique et financier florissant, comme le souligne un citoyen : « On ne peut pas convaincre quelqu’un d’abandonner ce qui met de la nourriture sur sa table sans nécessairement lui offrir quelque chose de valeur égale qui l’obligerait à lâcher prise. »
Conclusion et recommandations
La municipalité de Banikoara fait face à une dégradation croissante de sa situation sécuritaire, aggravée par un ancrage progressif des éléments terroristes dans le tissu local. Cette zone frontalière, proche du Burkina Faso et du Niger, est exposée à des menaces multiformes qui, sans mesures urgentes et préventives, risquent de compromettre la stabilité locale et, au-delà, la cohésion sociale fragilisée par une situation délétère liée aux opérations anti terroristes.
Risques sécuritaires accrus en l’absence de mesures à court-terme : Sans des mesures urgentes, plusieurs risques majeurs pourraient s’amplifier et fragiliser davantage la situation à Banikoara. L’émergence d’une « complicité communautaire » volontaire ou forcée avec des groupes extrémistes ou criminels est une préoccupation croissante. Cette dynamique pourrait résulter d’innombrables griefs qui perdurent. Il y a le manque d’accès aux services sociaux de base en plus des tensions palpables « Il suffit d’un rapport sur quelqu’un, c’est terminé… » entre agriculteurs et éleveurs. De telles risquent tensions d’être instrumentalisées par les éléments des groupes armés terroristes qui sillonnent déjà la zone.
Par ailleurs, les contrecoups de l’approche sécuritaire dominée emprisonnements par arbitraires l’exécution des et sommaire d’individus et d’autres exactions contre des communautés favorisent un climat de méfiance envers les autorités, les forces de sécurité et pourraient constituer des facteurs incitatifs de radicalisation. Enfin, les enlèvements d’individus se multipliant dans différentes localités témoignent d’une pression croissante de la part de groupes armés, menaçant directement la vie quotidienne des habitants et l’économie locale à court et moyen termes.
Des solutions urgentes de renforcement de la résilience socioéconomique : Pour contrer ces menaces, des actions concrètes et immédiates sont nécessaires. Tout d’abord, il s’imposerait, selon les populations locales, un certain assouplissement des réformes fiscales dans la municipalité pourrait soulager différents secteurs, de plus en plus confrontées à une pression économique accrue dans un contexte d’insécurité. Cet allègement, ciblé et temporaire de l’approche jugée « trop répressive », permettrait de restaurer une certaine confiance envers l’État et les services administratifs au contact quotidien des populations Certaines propositions émanant des populations locales vont dans le sens d’une amélioration de l’environnement local des affaires. Cette amélioration s’impose comme une nécessité et est essentielle pour stimuler l’économie et réduire la vulnérabilité des jeunes au recrutement par des groupes terroristes et criminels. Certains acteurs locaux prônent même des subventions pour les petites entreprises individuelles, des groupements économiques locaux ou des facilités d’accès au crédit.
Mitigation d’une approche à dominante sécuritaire : Sur le plan sécuritaire, il semble impératif de revoir certains dispositifs perçus comme source de répression policière et douanière qu’il faudrait mitiger avec des actions préventives et éducatives voire de dialogue communautaire tel qu’il a été entamé, récemment, par les autorités. Plutôt que des opérations brutales parfois jugées arbitraires par les populations locales, il serait pertinent d’initier une approche alternative basée sur le renseignement collaboratif et le renforcement de la confiance entre les communautés et les forces de sécurité. L’enjeu est de restaurer cette confiance sans laquelle la légitimité des forces de l’ordre s’en trouve contestée avec un fort risque de perdre la bataille cruciale du renseignement au profit des groupes extrémistes. Pour que ces derniers ne puissent pas continuer à s’improviser en « protecteurs » communautés des se considérant comme « ostracisées et marginalisées », il serait important d’initier et de renforcer les initiatives civilo-militaires par des actions cultivant l’esprit civique. De ce point de vue, des initiatives telles que des impliquant projets communautaires militaires et civils (construction d’écoles, puits, etc.) ou des campagnes de sensibilisation conjointe pourraient favoriser une collaboration constructive susceptibles de réduire les tensions et de renforcer la résilience des communautés locales face à la poussée des groupes extrémistes.
Synthèse de Awa BA