juillet 5, 2025
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Politique

Cessez-le-feu entre Israël et l’Iran : les lacunes de l’approche de la « paix par la force »

Dans cette note, deux chercheurs de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), Laure Foucher et Ilai Berissi, dissèquent les possibilités d’un cessez le feu entre Israël et Iran, et l’implication du président américain Donald Trump. Les deux auteurs exploitent ce qu’ils nomment les « lacunes de l’approche » de cette éventualité.

L’annonce du cessez-le-feu par le président Trump le 23 juin n’a pas permis de résoudre les problèmes sous-jacents qui ont déclenché le conflit. Le cessez-le-feu comporte une série d’embûches, principalement le flou autour de ses termes et l’incertitude quant à l’état du programme nucléaire iranien après les frappes. Dans ce contexte, non seulement les calculs de Téhéran sont imprévisibles, mais le gouvernement israélien pourrait facilement revenir à son désir d’imposer un changement de régime chaotique en Iran ou d’imposer une domination militaire continue, les deux offrant des perspectives de déstabilisation supplémentaire.

Cessez-le-feu ou accord politique

Le cessez-le-feu annoncé par le président Trump sur son compte X le 23 juin est semé d’embûches. Deux éléments clés rendent son sort particulièrement précaire.

Tout d’abord, malgré les déclarations de l’administration américaine, de nombreuses incertitudes subsistent quant à l’impact effectif des frappes israéliennes et américaines sur les capacités nucléaires de l’Iran, et donc sur la durée de la prolongation – le cas échéant – du délai avant que Téhéran ne soit en mesure d’obtenir une bombe. Où se trouve le stock d’uranium enrichi à 60 % ? Quelles sont les capacités déployées dans la nouvelle installation secrète que l’Iran a annoncé avoir construite juste avant la guerre ? Que reste-t-il des installations de fabrication de centrifugeuses de Natanz ?

Dans l’ensemble, on peut affirmer que les frappes militaires n’ont pas résolu la question nucléaire iranienne, certainement pas à long terme.

Dans ces circonstances, le risque d’un manque de visibilité prolongé sur les développements nucléaires actuels en Iran est une perspective inquiétante. Sa dissuasion militaire ayant été sévèrement dégradée, l’Iran pourrait décider, afin d’obtenir un effet de levier politique, de suspendre sa coopération avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et d’être tenté de se retirer du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

Le Parlement iranien a approuvé un projet de loi accéléré sur la suspension de la coopération avec l’AIEA, illustrant le durcissement de ses positions.  Cela entraînerait un grave revers en matière de non-prolifération.

Deuxièmement, le manque de clarté concernant les termes convenus pour un cessez-le-feu pourrait permettre à Tel-Aviv et à Téhéran de sauver la face et de poursuivre leurs propres récits, mais cela le rend encore plus fragile. Compte tenu des doutes qui entourent la situation des capacités nucléaires de l’Iran, il semble peu probable que le cessez-le-feu survive sans un accord technique et politique. Mais il est très peu probable qu’un tel accord soit obtenu à ce stade. L’utilisation de la force militaire par Washington et Tel-Aviv ne permettra pas de combler le fossé entre les lignes rouges de toutes les parties en ce qui concerne la capacité d’enrichissement. Pour sortir de ce piège, il faudrait un tout nouveau cadre de négociations dans lequel aucune des parties ne semble, pour l’instant, prête à s’engager. Même le président Trump semble passer sous silence la nécessité d’un accord : ses perspectives à court terme – motivées par l’envie de revendiquer une victoire, aussi discutable soit-elle – découragent tout engagement profond sur la question nucléaire.

Une autre question importante est de savoir quel acteur pourrait être capable de ramener les parties à la table des négociations. Alors que des négociations bilatérales entre les États-Unis et l’Iran restent possibles, la légitimité de ce cadre a été sapée par le cours du conflit lui-même. Dans le contexte d’un nouveau niveau de tensions entre Téhéran et Washington, l’E3 a une occasion en or de se rendre à nouveau indispensable dans le jeu diplomatique. Mais en s’alignant sur le gouvernement israélien et l’administration Trump sur une position d’enrichissement zéro et une approche globale qui inclut la menace balistique et le levier de déstabilisation régionale de l’Iran, l’E3 aurait pu se tirer une balle dans le pied.

En adoptant cette posture maximaliste, l’E3 a peut-être perdu le seul rôle qu’il peut véritablement revendiquer dans la région, à savoir ses capacités diplomatiques et d’expertise, notamment sur la question nucléaire iranienne. Leur capacité à retrouver une position de médiateur efficace est donc très incertaine. À ce stade, ce sont principalement les États arabes du Golfe, qui ont intérêt à limiter le potentiel nucléaire de l’Iran et la domination militaire régionale d’Israël, qui pourraient être en mesure d’offrir une médiation crédible.

Que se passe-t-il ensuite ?

Ces pièges du cessez-le-feu ouvrent la voie à toutes sortes de scénarios, dépendant principalement de la volonté et de la capacité des États-Unis à maintenir la cessation des hostilités et des calculs de Téhéran et de Tel-Aviv.

Les décideurs iraniens pourraient sortir de cette guerre avec la conviction que seules les armes nucléaires, même primitives, permettraient de reconstruire la dissuasion brisée du pays et de se précipiter vers la militarisation du programme nucléaire du pays. Téhéran devra certainement évaluer la viabilité de toute relance ou expansion de ce programme, puisque les États-Unis ont clairement indiqué qu’ils ne permettraient pas à l’Iran de le reconstruire.

Mais en cas de décision politique de poursuivre le programme, celui-ci s’enfoncerait certainement encore plus profondément dans la clandestinité.

Tant que l’incertitude entourant les capacités nucléaires de l’Iran persistera, les décideurs israéliens chercheront probablement à recourir davantage à la force militaire. Une option serait de renouveler son plan de déstabilisation du régime iranien, en se basant sur l’argument selon lequel les attaques n’ont pas donné de résultats décisifs jusqu’à présent. Le programme nucléaire étant si étroitement lié au régime iranien lui-même, renverser ce régime ou l’affaiblir en pariant sur la fragmentation politique et sectaire pourrait être présenté comme la seule option pouvant offrir de solides garanties de sécurité à Israël. Tel-Aviv pourrait également être tenté d’essayer de reproduire sous une forme ou une autre le modèle du cessez-le-feu convenu avec le Hezbollah en novembre dernier. Il pourrait chercher à maintenir la liberté d’action dans l’espace aérien de l’Iran, associée à des garanties américaines qui légitimeraient de nouvelles frappes en cas de menace identifiée sans que celles-ci ne soient interprétées par Washington comme une violation du cessez-le-feu. Mais même si les options de l’Iran seraient limitées dans un tel scénario, il a toujours plus de cartes en main que le Hezbollah.

Quoi qu’il en soit, le risque de déstabilisation régionale est loin d’être négligeable. Et cette perspective inquiète les États arabes du Golfe.

S’ils se félicitent certainement du rétrécissement des capacités nucléaires et balistiques de l’Iran ainsi que de l’érosion de son influence régionale, ils s’opposent à toute aventure militaire qui pourrait conduire à un scénario de chaos dans la cour de leur voisin – d’autant plus qu’ils soupçonnent que ni Tel-Aviv, ni Washington ne s’en occuperaient. Ils craignent également la montée d’une hégémonie militaire israélienne qui, renforcée par ses succès opérationnels en Iran, pourrait réduire drastiquement sa marge de manœuvre dans la région et régler brusquement la question palestinienne sans laisser de place à un règlement durable et viable. Les crises résultant d’une stratégie du chaos constitueraient des menaces majeures pour leur sécurité et leurs intérêts économiques, d’autant plus que leur trajectoire de croissance exige une plus grande stabilité et une plus grande intégration régionales. Le Moyen-Orient serait alors régi par un équilibre problématique dans lequel, paradoxalement, la déstabilisation servirait de garantie de sécurité pour l’État d’Israël.

 

Avec la FRS

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