juillet 11, 2025
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AFRICAN INITIATIVE : De la diplomatie publique aux opérations d’influence numérique

Dans ce rapport, le gouvernement français explore les contours de « African Initiative », une agence de presse russe dont l’objectif est de devenir le principal « pont d’information entre la Russie et l’Afrique ». Intitulé « African Initiative : de la diplomatie publique aux opérations d’influence numérique », le document explique les principaux aspects de cette agence, es ramifications, ses buts et objectifs…

Pour comprendre ce rapport, le gouvernement français nous rappelle que depuis la mort de Evgueni Prigojine le 23 août 2023, de nombreuses questions ont été soulevées concernant l’avenir des activités numériques d’influence de la SMP Wagner, en particulier sur le continent africain. Les analyses contenues dans ce rapport tendent à confirmer que ces activités se poursuivent toujours aujourd’hui, bien que sous une forme différente, et qu’elles sont probablement intégrées au sein du dispositif d’influence informationnelle de l’État russe. Une part importante de ces activités est centrée autour d’African Initiative, une agence de presse russe créée au mois de septembre 2023 et basée à Moscou, aspirant à devenir le principal « pont d’information entre la Russie et l’Afrique ». À travers ses différents canaux (sites web et comptes de réseaux sociaux), l’agence diffuse des contenus de propagande pro-russes et anti-occidentaux dans plusieurs langues, dont le français.

African Initiative est dirigée par des individus suspectés par plusieurs enquêtes en source ouverte d’être liés à des services de renseignement russes laissant supposer qu’African Initiative ne serait qu’une façade, officieusement administrée par ces derniers pour diffuser de la propagande. En outre, plusieurs de ses dirigeants semblent avoir une expérience significative en matière d’influence, en particulier dans les pays de l’ancien bloc soviétique.

Par ailleurs, African Initiative est une structure « bicéphale », physiquement présente sur le continent africain à travers un modèle d’« ONG » qui recrute des influenceurs, des journalistes et des activistes locaux chargés de relayer et d’amplifier les récits pro-russes parmi les populations locales.

African Initiative cherche à institutionnaliser son modèle et à s’implanter dans diverses zones d’intérêt stratégique pour l’influence russe en Afrique, dans le cadre d’une stratégie de long terme visant à façonner un espace médiatique favorable aux objectifs de politique étrangère de l’État russe. Les activités d’African Initiative semblent donc s’inscrire dans une stratégie de diplomatie publique russe plus large sur le continent africain, menée notamment par l’agence d’État Rossotroudnitchestvo et le réseau des Maisons russes.

Se présentant comme une agence de presse « indépendante » et « objective », African Initiative est devenue le principal vecteur des activités de manipulation de l’information et d’ingérence (FIMI) de la Russie dans la région, et l’un des principaux outils du renouvellement de la stratégie d’influence informationnelle de la Russie en Afrique post-Prigojine, dont les activités sont vraisemblablement directement pilotées par les différentes structures de l’État russe impliquées.

À cet égard, VIGINUM décrit également dans ce rapport les tactiques, techniques et procédures (TTP) d’un mode opératoire informationnel (MOI) pro-russe baptisé « AI-Freak », qui est probablement lié à African Initiative, illustrant ainsi certaines des activités numériques clandestines d’une agence qui cherche pourtant à démontrer son innocuité.

Cependant, bien que les capacités d’African Initiative se développent, son impact réel et son influence sur le continent africain ne doivent pas être surestimés, ce que tend à démontrer la faible audience de ses différents canaux.

Présentation générale et environnement numérique

Créée au mois de septembre 2023, African Initiative se présente comme une « agence de presse » russe, basée à Moscou, avec pour objectif de « devenir le pont d’information entre la Russie et l’Afrique ».

Pour diffuser ses narratifs, African Initiative dispose d’un site internet, afrinz.ru, enregistré le 13 septembre 2023 et sur lequel sont publiés des articles en langues russe, anglaise, française et arabe. Depuis son lancement et jusqu’au 30 avril 2025 inclus, au moins 18 127 articles y ont été publiés, toutes langues confondues. En dépit de sa place centrale dans le dispositif, ce site n’attire pas de grands volumes d’audience. En effet, selon l’outil Similarweb, la totalité du trafic enregistré sur ce portail entre décembre 2024 et février 2025 inclus était de seulement 104 818 visites uniques.

En parallèle, African Initiative dispose d’un réseau de cinq chaînes Telegram « officielles » qui relaient les contenus du site afrinz.ru en langues russe, anglaise, française, portugaise et arabe, et cumulent un total de 69 720 abonnés. À ces chaînes s’ajoutent une page Facebook, un compte VK et deux chaînes Rutube. African Initiative dispose également d’un compte TikTok ciblant les audiences hispanophones.

La rédaction d’African Initiative

Les cadres d’African Initiative ont très probablement été recrutés en raison de leur expérience en matière d’opérations d’influence, précédemment exercée dans les pays de l’ex bloc soviétique (pays Baltes, Ukraine, Balkans). Par ailleurs, ils semblent avoir des liens avec différentes structures étatiques russes, telles que le ministère des Affaires étrangères ou le ministère de la Défense, ainsi qu’avec différents médias à la ligne éditoriale pro-Kremlin, ce qui leur confère une forme de crédibilité, et surtout un réseau utile pour déployer à une plus large échelle les activités de l’agence de presse.

Plusieurs de ces cadres sont même issus des anciennes structures d’E. Prigojine et recyclent, sur le « terrain » africain, des pratiques ayant déjà démontré leur efficacité dans le passé.

Enfin, parmi ces individus, plusieurs sont suspectés d’entretenir des liens plus étroits avec les services de renseignement russes, laissant supposer qu’African Initiative ne serait qu’une façade, officieusement administrée par ces derniers pour diffuser de la propagande, ce qu’a notamment confirmé le département d’État américain le 12 février 2024. À cet égard, le profil du rédacteur en chef de l’agence, Artyom Koureïev, est particulièrement représentatif de cette dualité : celui-ci a en effet probablement accumulé une expérience significative en Europe dans les opérations d’information et les projets d’influence, possiblement en tant qu’officier des services de renseignement, avant de se prétendre expert du continent Africain et d’y répliquer certaines méthodes.

Liens avec l’État russe 

Bien qu’African Initiative se présente comme une « agence de presse indépendante », elle semble être entièrement intégrée au dispositif d’influence informationnelle russe, et possède plusieurs liens avec des structures étatiques russes ou des personnalités politiques de premier plan.

Une agence de presse dont l’image et les activités sont promues par des acteurs liés au ministère de la Défense russe : Le lancement officiel d’African Initiative a été couvert médiatiquement par Zvezda, la chaîne de télévision officielle du ministère russe de la Défense, avant même la mise en ligne de son site. Le lancement s’est déroulé en présence de Youri Podoliaka, un influenceur ukrainien pro-Kremlin populaire et fervent défenseur de la guerre d’agression russe en Ukraine. La couverture médiatique de Zvezda suggère ainsi que, dès son lancement, African Initiative disposait d’un réseau important au sein de l’écosystème d’influence informationnelle russe.

Promotion du « Corps africain », structure militaire substitut de la SMP Wagner en Afrique

Le 20 novembre 2023, la chaîne Telegram d’African Initiative a publié un texte indiquant qu’une « source militaro-diplomatique » avait confirmé la création d’une unité spéciale, le « Corps africain » (Afrikansky Korpous), intégrée aux forces armées russes, et chargée de « coordonner la présence militaire en Afrique, d’assurer une coopération militaro-technique, de lutter contre le terrorisme et d’être capable de résoudre, entre autres, des problèmes d’infrastructures et humanitaires […] notamment épidémiologiques ».

Le 21 novembre, le lendemain de cette première publication, un long article a été publié sur le site afrinz.ru, revenant plus largement sur les raisons de ce renforcement de la présence militaire russe en Afrique et sur la manière dont « tout cela effraie les élites occidentales, sape leur base de ressources pour combattre la Russie et ouvre d’énormes perspectives de coopération russo-africaine mutuellement bénéfique ». African Initiative a été parmi les premiers médias à promouvoir le lancement du « Corps africain », près d’un mois avant la création de la chaîne Telegram officielle de l’unité, @KorpusAfrica.

Par la suite, le 8 décembre, après une nouvelle tournée de Iounous-bek Yevkourov en Libye, au Mali et au Niger, African Initiative a publié un autre article, signé par Artyom Koureïev lui-même, présentant notamment le « Corps africain » comme une opportunité pour aider « la plupart des pays africains » à réaliser le triptyque « sécurité, stabilité, infrastructures ». Il a ajouté que « le soutien militaire dans le contexte d’une forte influence française n’est pas suffisant » mais que la Russie devrait également « aider ses alliés à transformer le système bancaire et financier, en garantissant son indépendance ».

Un article du média russe Vedomosti, publié le 22 décembre, a indiqué que la création de cette unité devait s’achever à l’été 2024 dans cinq pays du continent : le Burkina Faso, la Libye, le Mali, la République centrafricaine et le Niger. Selon l’article, le « Corps Africain » s’est formé « sur la base d’unités de l’ancienne SMP Wagner […] avec un processus de création commencé directement après la mort d’Evgueni Prigojine ». African Initiative est mentionnée comme étant « la première » à avoir rendu compte du début de la formation du « Corps africain ». L’article de Vedomosti qui indique avoir obtenu des informations « auprès du ministère de la Défense, de la Garde nationale et du FSB », a été rédigé par un contributeur d’African Initiative.

Depuis, African Initiative a promu à plusieurs reprises via ses différents canaux le « Corps africain », et inversement. Ce fut notamment le cas, le 24 janvier 2024, lorsque la chaîne Telegram d’African Initiative a publié des « images inédites », avant même le canal officiel du « Corps africain », du débarquement d’un contingent de 100 spécialistes militaires russes, accompagnés de matériel et d’armes à l’aéroport de Ouagadougou. Selon la publication, ces militaires russes « organiseront l’éducation et la formation de leurs collègues burkinabè et renforceront les forces armées du pays. Ils fourniront également un soutien lors des patrouilles dans les zones dangereuses [comme] l’autoroute Bamako-Ouagadougou […] où opèrent des militants et bandits soutenus par la France ». Il est ajouté que « des spécialistes russes assureront la sécurité du président de transition Ibrahim Traoré », un mode opératoire déjà observé lors du déploiement du groupe Wagner en Centrafrique, lorsque ce dernier protégeait des hauts fonctionnaires du gouvernement, sous la couverture de l’entreprise privée Sewa Security Services, une filiale de la Lobaye Invest

Cette structure, supervisée par le vice-ministre de la Défense Iounous-bek Yevkourov et par le service renseignement militaire russe (GRU), apparaît comme l’une des solutions mises en place par les autorités russes pour remplacer la SMP Wagner en Afrique. Dans ce nouveau dispositif, African Initiative pourrait animer le volet informationnel du « Corps africain », afin de faciliter, entre autres, l’acceptation d’un (re)déploiement à grande échelle de contingents militaires russes sur le continent africain.

Coopération avec des structures universitaires publiques de premier rang

African Initiative fait régulièrement intervenir des chercheurs, des étudiants ou des intervenants issus de structures universitaires de premier rang, lui permettant ainsi d’élargir son réseau de relais et son champ d’influence et de légitimer son statut auprès des audiences ciblées.

Le « RusAfro Club » de l’Université d’État de Moscou (MGU)

L’une des structures « partenaires » d’African Initiative est le RusAfro Club, une plateforme d’influence qui rassemble des diplomates, des personnalités politiques et scientifiques, ou encore des représentants des milieux d’affaires, de l’éducation ou de la culture. Sa mission principale est de « renforcer les relations amicales et les liens globaux entre les pays africains et la Russie ». Créé le 23 juin 2022 à l’initiative de l’Université d’État de Moscou (MGU), le RusAfro Club a pour président le recteur de cette même université, Viktor Sadovnitchi, un fervent soutien de Vladimir Poutine.

Le 9 novembre 2023 s’est tenue une réunion de l’association des journalistes du RusAfro Club à l’Université d’État de Moscou, pour présenter un nouveau portail d’information et de communication, rusafromedia.ru, destiné aux journalistes et aux blogueurs russes et africains. Lors de cette réunion, les discussions se sont notamment concentrées sur la « guerre de l’information » menée par « les médias occidentaux à l’encontre de la Russie » et sur les « solutions » pour développer les médias et la communication de masse dans un cadre russo-africain.

Présent à cette réunion, A. Koureïev a témoigné de la manière selon laquelle « avec l’aide d’investisseurs, il a réussi à déployer un réseau de correspondants en Afrique en deux mois ». Le rédacteur en chef d’African Initiative a ajouté que « pour optimiser le travail des médias russes en Afrique, il est nécessaire de s’appuyer sur les diplômés africains des universités russes qui pourraient contribuer à cette activité sur le terrain. Il est nécessaire de maintenir constamment des liens étroits avec les diplômés, et cela devrait devenir l’une des principales tâches de la plateforme RusAfro Media ». Depuis, la chaîne Telegram @rusafroclub constitue un relais fréquent, voire systématique des publications de la chaîne @africaninitiative et la plateforme rusafromedia.ru a déjà été impliquée dans la rediffusion de narratifs trompeurs véhiculés par « l’agence de presse » d’A. Koureïev.

L’Institut d’État des relations internationales de Moscou (MGIMO) 

African Initiative collabore également avec des chercheurs ou des étudiants de l’Institut d’État des relations internationales de Moscou du ministère des Affaires étrangères de Russie (MGIMO), considéré comme l’une des universités les plus prestigieuses du pays et publiquement connu comme étant l’un des principaux centres de formation pour les futures recrues du ministère des Affaires étrangères et des services de renseignement russes. Par exemple, en octobre 2023 à l’occasion de la « Semaine de l’Afrique », organisée au MGIMO, un journaliste d’African Initiative s’est entretenu avec un professeur associé au département de théorie politique de l’Institut, qui a abordé des sujets comme la formation de l’Alliance des États du Sahel (AES), le départ des troupes françaises du Niger ou encore les opportunités russes sur le continent.

Coopération avec la Douma d’État russe 

À plusieurs reprises, African Initiative a organisé ou participé à des événements impliquant directement des membres de la Douma d’État, la Chambre basse du Parlement russe. Par exemple, le 6 mars 2025, A. Koureïev a pris part à une table-ronde organisée par la Douma d’État aux côtés de personnalités influentes comme la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, ou le chef du service Afrique du groupe RT. Dans cette réunion, A. Koureïev a notamment plaidé pour la création d’un « centre unique de surveillance et de travail avec les blogueurs africains » en mettant en avant l’importance de diffuser ses messages sur les réseaux sociaux.

Autre exemple, African Initiative a collaboré à plusieurs reprises avec le député Dmitry Kouznetsov, membre de la World Christian Association of Parliamentarians, dirigée par un ancien député du parti d’extrême-droite allemand Alternative für Deutschland

(AfD).

À travers cette association, D. Kouznetsov a fondé la plateforme Volunteers of Peace, qui se présente comme « une plateforme internationale pour les volontaires et les projets humanitaires fondés sur les valeurs morales, traditionnelles et spirituelles » mais qui sert en réalité à renforcer un autre pan de l’influence russe en Afrique, sous couvert d’actions humanitaires. Cette plateforme est régulièrement promue par African Initiative, et le site volunteersofpeace.org affiche une icône Telegram qui redirige directement vers le la chaîne @africaninitiativeen. D. Kuznestov est par ailleurs l’assistant de l’écrivain ultranationaliste russe Zakhar Prilepine et participe activement aux activités de son « Quartier général d’assistance aux participants à l’opération militaire spéciale ». Enfin, un article de T-Online a souligné que les actions de Kouznetsov en Afrique, soutenues par African initiative, ont été lancées dans les territoires « où précisément, selon le renseignement militaire ukrainien, des mercenaires seraient encore recrutés pour le champ de bataille en Ukraine : en Ouganda et au Congo ».

Principaux récits et modes opératoires

Une critique récurrente d’un modèle occidental « néocolonialiste et impérialiste » : Organisation, participation et promotion de conférences véhiculant des narratifs anti-occidentaux :

L’une des techniques privilégiées par African Initiative pour diffuser des narratifs anti-occidentaux est l’organisation, la participation et la promotion de conférences centrées sur des thématiques telles que la critique du néocolonialisme, l’émergence d’un « nouvel ordre mondial » ou encore les bienfaits de la coopération russo-africaine.

Ainsi, le 14 octobre 2023, African Initiative a organisé sa première « conférence internationale » intitulée « La lutte contre le néocolonialisme dans une nouvelle réalité ». Au cours de cette réunion, A. Koureïev a notamment affirmé que « les contingents français et américains dans les pays africains sont essentiellement des surveillants, prêts à tout moment à échanger un gouvernement adéquat contre leurs marionnettes qui peuvent faire presque n’importe quoi ».

Parmi les autres participants, étaient présents José Matemulane et Ioulia Afanasyeva, deux anciens cadres d’AFRIC (Association for Free Research and International Cooperation), une ancienne structure d’influence du projet Lakhta sur le continent africain. L’intervention de ces « polittekhnologi » (« technologues politiques ») autour d’une telle thématique et ce, à seulement quelques semaines du lancement d’African Initiative, laisse supposer une nouvelle fois que cette dernière est organisée, dans ses stratégies informationnelles, comme une alternative aux structures d’influence d’E. Prigojine sur le continent africain.

En ce sens, le 20 décembre 2023, African Initiative a participé à la conférence de clôture d’Our Day News (ODN). Créé au début de l’année 2023, ODN se présentait comme un groupe de parole sur la politique en Europe et organisait régulièrement des conférences en ligne dont les invités étaient des personnalités pro-russes européennes et africaines. Le contenu de ces conférences portait principalement sur les difficultés socio-économiques en Europe, la montée du « nazisme » dans les pays Baltes et la guerre en Ukraine. ODN était dirigé par un citoyen du Royaume-Uni vivant à Saint-Pétersbourg et membre du CyberFront Z, une organisation créée par Evgueni Prigojine quelques semaines après l’invasion russe en Ukraine (2022). Cet individu a également participé à deux conférences organisées par le groupe Patriot de Prigojine, et a ainsi été mentionné dans des publications de l’agence RIA FAN portant notamment sur la russophobie en Europe.

Lors de cette conférence de clôture, African Initiative était représenté par le politologue malien Adama Diabaté, via le compte Zoom du correspondant Vitaly Taïsaïev pour discuter, entre autres, de l’avènement d’un « Nouvel ordre mondial » dans le « contexte du développement du Sud ».

Relais et amplification mutuelle de manœuvres informationnelles d’autres acteurs du dispositif d’influence russe

De la même façon qu’African Initiative s’active à relayer des opérations informationnelles émanant d’autres acteurs intégrés au dispositif d’influence russe, les contenus d’African Initiative sont également amplifiés par ces mêmes acteurs.

Le Département d’État américain a estimé qu’African Initiative « diffuse principalement sa propagande via de nombreux comptes affiliés ou non » en donnant l’exemple de la chaîne Telegram African Kalashnikov. Cette chaîne, créée le 28 septembre 2023, soit le même jour que le canal officiel d’African Initiative, se contente quasi exclusivement de repartager des publications d’autres chaînes Telegram russophones axées sur l’Afrique, comme @arabicafrica, @africanists, @afric_ylbIbka, ainsi qu’ @africaninitiative. Par ailleurs, le premier contenu relayé par @africankalashnikov était une vidéo relatant une opération d’évacuation de civils au Mali par des mercenaires de la SMP Wagner.

African Kalashnikov diffuse également de courtes vidéos en langues russe, anglaise et française au contenu parfois manifestement inexact et trompeur. Par exemple, la première vidéo diffusée et intitulée « Un champ de mines expérimental » est un montage photo d’enfants mutilés et d’images de guerres qui véhicule le narratif selon lequel « Les pays occidentaux […] ont déployé des hectares de champs [de mines] en Afrique et dans le Donbass pour tester leurs propres engins de morts et de mutilation ». Ces vidéos sont ensuite partagées sur les différents canaux Telegram d’African Initiative, en fonction de la langue ciblée.

La création de contenus « éducatifs » ou culturels 

African Initiative créé et promeut des contenus « éducatifs » ou culturel, tels que des vidéos sur la géopolitique, des films ou encore des jeux vidéo, afin d’accroître son audience potentielle et se positionner comme une organisation fournissant plus que de l’information.   

Podcasts

Le 6 février 2025, African Initiative a lancé le podcast bimensuel « Pulse of Africa », disponible en russe sur Apple Podcasts et Yandex Music. Ce podcast interviewe des « experts » en politique, économie et conflits militaires, sous des titres tels que « Orthodoxie en Afrique » et « Conscience de soi et colonialisme ». Le site web d’African Initiative et ses canaux Telegram ont diffusé une publicité limitée (Limited Ads) en russe pour ces podcasts, d’une durée comprise entre 18 et 40 minutes.

Vidéos « éducatives » sur la géopolitique russe et africaine 

Pour diffuser ses vidéos, outre ses chaînes Telegram, African Initiative a créé deux chaînes Rutube. La première, « Африканская инициатива » (African Initiative), diffuse des vidéos sur « l’histoire » et la « géopolitique » de l’Afrique, présentées directement depuis les locaux d’African Initiative par Amarula Obiligbo, une jeune diplômée de la faculté de journalisme de l’université de Moscou, également mannequin et marchande d’art.

Ces vidéos ont par exemple pour sujet : « Comment les colonisateurs européens ont effacé l’histoire des civilisations africaines », « Comment vaincre le néocolonialisme. Le manuel de Thomas Sankara », « L’Afrique demande des compensations pour le colonialisme », ou encore « L’ultime illusion de l’occident ».

L’autre chaîne Rutube, « Afrique Libre », publie de courtes vidéos à la ligne éditoriale similaire qui prétendent raconter « comment l’Afrique se débarrasse de la dépendance néocoloniale et comment la Russie aide les peuples qui se sont engagés sur la voie de la vraie liberté, de l’égalité et de la fraternité ». Ces vidéos sont présentées par la journaliste russe Anna Stourova. Sur les 114 vidéos publiées, au moins un quart d’entre elles ciblent directement la France, telle que celle intitulée « L’hystérie de la France » qui explique « pourquoi les Français devraient se taire et ne plus mettre leur nez en Afrique » ou encore

« Adieu Orano » dans laquelle l’animatrice affirme que la France souffrira de pénuries d’électricité à la suite de la décision de la junte au pouvoir au Niger de retirer les droits d’exploitation de gisement d’uranium au groupe français.

Le cinéma comme outil de propagande pro-russe 

Le 25 décembre 2023, African Initiative, l’association Russo-africaine GATINGO et l’Alliance internationale des projets stratégiques des BRICS, ont coorganisé la diffusion à huis clos d’un film documentaire intitulé « Black to USSR », tourné au Mozambique et en Afrique du Sud et présentant « le destin des Africains ayant étudié en Union soviétique ». L’événement, qui a réuni des diplomates africains et des représentants des diasporas moscovites de pays d’Afrique, a également été organisé avec l’aide de l’Alliance internationale des projets stratégiques des BRICS, une organisation privée qui reçoit un « soutien actif » du ministère russe des Affaires étrangères et en constitue un véritable outil d’influence en Afrique.

Par ailleurs, si la réalisatrice, Daria Da Conceição, a indiqué que la production du film a été « totalement indépendante », elle a précisé depuis que le projet était soutenu par cette même Alliance ainsi que par le Centre pour la diplomatie publique. Dirigé par Natalia Krasovskaïa, ce centre vise à développer des liens avec l’Afrique, notamment autour des Maisons russes, en coopération avec l’agence Rossotroudnitchestvo.  RAMATOULAYE KA

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