Quelle est la part d’ombre de la démocratie américaine ? Existe-t-il des exemples de présidents des Etats-Unis, démocrates ou républicains, qui auraient été en contact avec la Mafia ? Est-il possible d’avoir une réponse documentée à ces questions ? Pour répondre, Planisphère reçoit Jean-François Gayraud, Commissaire général de la Police nationale, auteur de « La mafia et la Maison Blanche », éditions Plon. Podcast et synthèse rédigée par Émilie Bourgoin, relue et validée par J-F Gayraud.
LA DEMOCRATIE américaine est souvent présentée comme un modèle de transparence et de légalité. Pourtant, elle possède une face plus obscure, marquée entre autres par l’influence de la mafia sur la politique et l’économie. Dans son ouvrage « La mafia et la Maison Blanche » (éd. Plon), Jean-François Gayraud, Commissaire général de la police nationale, démontre comment des organisations criminelles ont été en contact avec plusieurs présidents des États-Unis, qu’ils soient démocrates ou républicains.
Qu’est-ce que la mafia ?
Le terme « mafia » est souvent employé de manière abusive pour désigner la criminalité organisée en général. Or, en criminologie, ce concept se réfère plutôt à des organisations criminelles ayant une sociologie de société secrète. Ce mot désigne aussi, comme nom propre, deux organisations criminelles spécifiques, appelées Cosa Nostra : l’une en Sicile et l’autre aux États-Unis, la mafia Italo-américaine. Cette dernière puise ses racines dans l’immigration italienne du Mezzogiorno, principalement sicilienne. Son influence s’est étendue bien au-delà des activités illégales, touchant des secteurs légaux comme l’immobilier, le béton, les syndicats et la politique.
L’apogée de l’influence mafieuse aux États-Unis
Jean-François Gayraud identifie les années 1950-1970 comme l’âge d’or de la mafia aux États Unis. Durant cette période, la mafia ne se contente pas de contrôler des activités criminelles comme les jeux d’argent ou le trafic des stupéfiants, elle s’infiltre aussi dans l’économie légale et le monde syndical. Elle noue des relations avec des figures politiques influentes, garantissant protection et opportunités financières. Sa présence se fait sentir aussi bien dans les classes moyennes que dans les classes supérieures.
Une part d’ombre de la démocratie américaine
Toutes les démocraties ont des zones d’ombre, mais aux États-Unis, la violence et la criminalité organisée jouent un rôle structurant dans l’histoire politique depuis le XIXème siècle. De nombreux hommes politiques ont entretenu des liens avec des groupes criminels pour asseoir leur pouvoir, ce qui soulève une question majeure : dans quelle mesure la mafia a-t-elle influencé la politique américaine au plus haut niveau ?
Des liens entre présidents et mafia
Jean-François Gayraud s’attarde sur dix présidents démocrates et républicains ayant eu des relations avec la mafia. Parmi eux :
Harry Truman : Avant d’accéder à la présidence en 1945, l’ascension politique de Truman s’explique par le soutien de la machine démocrate corrompue (les Pendergast) et de la puissante Famille mafieuse de Kansas City. Il est le produit d’une vie politique locale vivant en symbiose avec la mafia.
Donald Trump : Promoteur immobilier dans le New York des années 1970-1980, Trump a évolué dans un environnement dominé par les cinq grandes Familles mafieuses italo américaines. La mafia, qui dominait l’industrie du béton et des casinos, a été un acteur incontournable de son ascension, notamment via son mentor, l’avocat Roy Cohn, qui fut typiquement un mob lawyer (avocat mafieux).
Un « gouvernement d’appoint »
La mafia ne cherche pas à prendre le pouvoir politique, mais à influencer les décideurs pour garantir son impunité et faciliter ses affaires. Aux États-Unis, comme en Italie, des sociologues parlent de gouvernement invisible, désignant un système où les criminels n’occupent pas les postes officiels mais contrôlent ceux qui les détiennent.
La difficulté d’étudier ces liens
L’étude de l’influence mafieuse se heurte à deux obstacles majeurs :
- Le déni du réel : Aux États-Unis, l’existence de la mafia a longtemps été niée et il a été tabou d’admettre qu’elle jouait un rôle politique.
- Le complotisme : À l’inverse, certains exagèrent le rôle du crime organisé, attribuant à la mafia une influence omnipotente, ce qui fausse l’analyse historique. Jean-François Gayraud propose une vision nuancée entre ces deux extrêmes, en apportant un regard criminologique sur l’histoire politique américaine.
L’impact sur les services de renseignement et de police
La question du crime organisé s’inscrit également dans l’actualité, notamment avec la politique de Donald Trump lors de son second mandat (2025 – ). Une de ses volontés affichées est de réduire la taille de l’État fédéral, y compris dans les agences de renseignement et les forces de l’ordre. Cette politique pourrait affaiblir la lutte contre la mafia et le crime organisé, dont le FBI est un acteur-clé.
Cinéma et représentation de la mafia
Le septième art a longtemps présenté les gangsters sans nommer explicitement la mafia, par pudeur ou par peur. C’est seulement à partir des années 1970, notamment avec « Le Parrain », que Hollywood commence à aborder directement le sujet Cosa Nostra. De Diploweb