Le 24 Mai 2019, le groupe Atépa a officiellement lancé à Dakar le projet ambitieux intitulé «La Nouvelle Route de l’Acier et de l’Aluminium», imaginé par l’architecte sénégalais Pierre Goudiaby Atepa, en s’inspirant des anciennes routes de la soie. Ce dispositif s’inscrit dans une vision intégrée de développement industriel sous‑régional sur le long terme.
Le projet s’articule autour de cinq axes principaux : la sidérurgie qui porte sur la transformation du minerai de fer et recyclage de ferraille pour produire de l’acier fini. On note aussi l’énergie dont l’objectif c’est l’exploitation du gaz naturel récemment découvert au Sénégal et les infrastructures énergétiques. Par ailleurs, le projet concerne le domaine de l’environnement portant sur le chantier de démantèlement de navires, de recyclage et de respect du développement durable.
A propos des infrastructures, le projet prévoit la construction de ports minéraliers (notamment à Potou au Sénégal, Buba en Guinée-Bissau, modernisation du port de Pepel en Sierra Léone), réseaux de transport multimodal (maritime, ferroviaire…). L’autre volet important concerne la formation. Elle permet d’encourager le développement des compétences locales et transfert technologique via la recherche, l’ingénierie et l’intelligence artificielle.
Selon le document de base, le projet est un plan ambitieux qui cible sept pays d’Afrique de l’Ouest: Guinée-Bissau, Guinée Conakry, Sierra Leone, Mali, Mauritanie, Libéria et Sénégal. L’objectif principal prévoit une multiplication par dix du PIB du Sénégal, passant de 1 800 \$ à environ 18 000 \$ par habitant, entraînant une explosion des opportunités d’emploi pour la jeunesse locale. Le projet vise également à valoriser les «ressources naturelles locales» (à l’intérieur d’un rayon de 960 km autour de Dakar : 29 milliards de tonnes de minerai de fer) pour en transformer 22 milliards, générant potentiellement 11 milliards de tonnes de fer 7 000 milliards de dollars de valeur ajoutée. Pour la réussite du projet, il faudra aussi libérer la richesse cachée dans les pays membres de la CEDEAO au lieu d’exporter les matières brutes sans transformation. La «route de l’acier » vise également à stimuler une industrialisation endogène, ancrée dans le secteur privé africain, soutenu par des technologies modernes. Il peut créer un effet économique structurant sous‑régional, avec intégration des chaînes de valeur, autonomie industrielle et transformation locale.
Pierre Atepa insiste sur le fait que le secteur privé africain doit prendre ses responsabilités, en partenariat avec les États pour construire une véritable économie industrielle locale. Dans sa phase initiale, le projet est estimée à environ 3 milliards de dollars (≈ 1 750 milliards FCFA).
Le mode de financement repose sur un montage diversifié, notamment : les partenariats public‑privé (PPP)* mobilisant capitaux privés africains et institutions publiques. Il est prévu les recours à des fonds d’investissement, y compris avec des garanties de l’État. Par ailleurs, Atépa évoque aussi la capacité à lever jusqu’à 10 milliards via les marchés financiers africains, en conservant 70 % des retombées en Afrique.
Ce projet présente de multiples retombées économiques notamment la création massive d’emplois selon les promoteurs qui parle d’une multiplication par dix des emplois, en phase avec la croissance du PIB, notamment pour les jeunes. Cet ambitieux projet mise sur la transformation des minerais sur place, ajout de valeur, renforcement des compétences techniques et technologiques et sur l’exploitation stratégique du gaz et du pétrole pour assurer les opérations industrielles, réduisant la dépendance énergétique. Il intègre les dynamiques sous‑régionale par l’intégration des économies ouest‑africaines via des infrastructures partagées (ports, transports, réseaux).
À l’instar des grandes «routes de la soie », la «Route de l’Acier et de l’Aluminium » de Pierre Goudiaby Atepa est pensée pour faire émerger une « Afrique industrielle » forte, ancrée dans ses propres ressources et portée par son capital humain.
En misant sur la sidérurgie, l’énergie, les infrastructures, l’environnement et la formation, ce projet vise à transformer la base matérielle de l’économie ouest-africaine, créer des emplois durables et redistribuer une part significative de la valeur générée à l’intérieur de la région.
Si le défi est immense, l’enjeu économique l’est tout autant : c’est la promesse d’une renaissance industrielle sous-régionale, avec le privé africain à l’avant-garde, soutenu par des politiques publiques visionnaires et un financement diversifié adapté aux réalités locales.
Le projet s’appuie aussi sur la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAF) qui jouera un rôle crucial dans le contexte de ce projet. Cette initiative, qui ambitionne de créer le plus grand marché commun du monde, regroupe 54 pays africains et constitue un levier stratégique pour favoriser l’intégration économique régionale. La ZLECAF offre aux pays ouest-africains, et particulièrement ceux riches en ressources minières, une opportunité inédite de renforcer leurs industries locales, de dynamiser les échanges commerciaux interafricains, et de maximiser la transformation locale des matières premières.
Rappelons que le 7 octobre 2022, le Secrétariat de la ZLECAf a lancé l’Initiative commerciale guidée de la ZLECAf à Accra pour permettre le démarrage d’échanges commercialement significatifs dans le cadre de l’Accord pour huit (8) pays participants : Cameroun, Égypte, Ghana, Kenya, Maurice, Rwanda, Tanzanie et Tunisie. . Cette initiative est utilisée pour piloter l’environnement opérationnel, institutionnel, juridique et politique commercial dans le cadre de la ZLECAf, et a depuis été prolongée et, en janvier 2024, 12 États parties avaient finalisé leurs modalités juridiques pour permettre le début du commerce dans le cadre de la GTI selon le document de base du projet.
Le projet nous apprend qu’en 2022, 180 milliards de tonnes de réserves de minerai de fer brut étaient estimés dans le monde (Rapid Metals, 2023). Ces réserves sont réparties entre des gisements identifiés et encore à découvrir. Les pays de l’Afrique de l’Ouest comme la Guinée-Bissau, la Guinée Conakry, la Sierra Leone, le Mali, la Mauritanie, le Sénégal et le Libéria forment un bloc avec plus de 27 milliards de tonnes de minerai de fer dans un rayon de 960 km autour de Dakar. Au cours actuel du marché qui fluctue autour 100 $/tonne, cela équivaut à un marché estimé à 2,7 trillions de dollars américains pour le minerai de fer ouest-africain. Une exploitation d’au minimum 50% de ces ressources équivaudrait à plus d’un trillion de dollars, soit plus du double du PIB combiné des pays de la CEDEAO sur l’année 2023 (674,5 milliards de dollars US).
Tonkolili et Marampa deux carrefours sur la route
La Sierra Leone possède de riches gisements minéraux. Le pays abrite ce qui est considéré comme l’un des plus grands gisements de minerai de fer au monde, la mine de Tonkolili, dont les réserves sont estimées à près de 13 milliards de tonnes de minerai de fer. Deux autres grandes mines du pays contiennent une estimation combinée de 1,75 milliard de tonnes de gisements de minerai de fer.
Le Cadastre minier du gouvernment de la Sierra Leone montre la présence de 5 licenses d’exploitation actives du minerai de fer détenues par les compagnies Kingho Mining Company, Northern Mining Company, CKH Mining company, Mass Energy Mining company et Marampa
Mines Ltd. La mine de fer de Tonkolili est la deuxième plus grande mine de fer d’Afrique et l’un des plus grands gisements de magnétite au monde, avec une durée d’exploitation estimée à plus de 60 ans. Située au centre du pays et de type « open pit », elle couvre une superficie de 408 m² avec une capacité de ressources estimée à 13,7 milliards de tonnes de minerai de fer.
L’autre gisement principal du pays est la mine de Marampa, située à 150 km au Nord-Est de Freetown, en bordure de Lunsar, et à 75 km du port de Pepel via le rail . Deux (02) permis d’exploration sont également détenus par AITEO Mining au nord-ouest du pays (Kukuna). Le pays abrite par ailleurs les plus grandes réserves mondiales de rutile (un minerai de titane de haute qualité, utilisé dans la production de peinture et de papier). La Sierra Leone est deuxième producteur mondial du minerai derrière l’Australie avec une production annuelle d’environ 120 000 tonnes. Michel DIOUF