C’est en long manteau sombre que Macky Sall a discrètement quitté son hôtel parisien pour rejoindre la résidence officielle ivoirienne du 16ᵉ arrondissement, le 22 novembre. Une fois arrivé dans l’hôtel particulier fraîchement rénové, l’ancien chef de l’État sénégalais a été reçu par le président ivoirien, Alassane Ouattara.
Pendant plus de deux heures, les deux hommes ont passé en revue la situation politique à Dakar, et notamment les tensions persistantes entre Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko (AI du 18/11/25). En privé, Macky Sall – peu mécontent de ces déchirures – continue de décocher quelques piques à l’adresse de l’actuel premier ministre, qui fut son plus farouche opposant avant d’accéder au pouvoir en avril 2024.
Alassane Ouattara, lui, s’affiche désormais comme un soutien assumé de Bassirou Diomaye Faye, en particulier sur le dossier des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI). Le Sénégal et l’institution de Bretton Woods sont actuellement en pourparlers pour un nouveau programme, plus d’un an après que Dakar a vu le sien gelé à la suite de révélations pointant un décalage majeur entre la réalité de la dette sénégalaise et les données transmises sous la présidence de Macky Sall.
Stabilité chahutée
La posture d’Alassane Ouattara, qui a parallèlement plaidé le cas du Sénégal sur ce dossier auprès de son homologue français, Emmanuel Macron, est loin d’être désintéressée. La stabilité de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), déjà chahutée, dépend étroitement de l’issue des discussions de Dakar avec l’institution financière.
Tout comme Dakar, Abidjan cherche en particulier à éviter une restructuration de la dette sénégalaise, jugeant qu’un tel scénario nuirait à l’attractivité de la zone tout comme à l’équilibre du franc CFA. Une telle opération demeure toutefois nécessaire aux yeux de certains cadres du FMI, qui doutent de la soutenabilité sur le long terme de la dette sénégalaise. Selon le FMI, celle-ci est estimée à 132 % du PIB à la fin 2024.
Cette intervention d’Abidjan dans les négociations entre Dakar et le FMI crispe Ousmane Sonko. À rebours de Bassirou Diomaye Faye, le chef du gouvernement se montre moins enclin à s’impliquer dans les discussions. Soucieux de prendre ses distances avec les bailleurs occidentaux traditionnels, le premier ministre multiplie les efforts en vue de bénéficier d’un soutien financier des pays du Golfe. C’est dans cet objectif qu’il s’est envolé vers les Émirats arabes unis le 22 novembre, à bord d’un jet privé.
Appel à la mansuétude
Contrevenant à l’usage suivant lequel un des membres de l’exécutif doit rester dans le pays quand l’autre s’absente – Bassirou Diomaye Faye était au même moment au sommet Union européenne-Union africaine en Angola –, son déplacement est venu s’ajouter au contexte de fortes tensions prévalant au sommet de l’État sénégalais.
Aux yeux de l’entourage du premier ministre, le président ivoirien tenterait désormais d’obtenir l’appui de Bassirou Diomaye Faye pour desserrer l’étau autour de Macky Sall, faute d’avoir réussi à le faire par le biais d’Ousmane Sonko. Alassane Ouattara avait déjà appelé ce dernier à faire preuve de mansuétude envers l’ancien président sénégalais, dont plusieurs des proches sont dans le viseur de la justice pour des soupçons de corruption dans différentes affaires.
En mai 2025, lors d’une visite à Abidjan, Ousmane Sonko avait assuré à Alassane Ouattara qu’il joindrait Macky Sall au téléphone. L’appel n’a jamais été passé. Les deux camps continuent toutefois d’échanger par l’entremise d’un ami intime du fils aîné de Macky Sall, un homme d’affaires très proche d’Ousmane Sonko depuis l’enfance.

