L’histoire qui est racontée n’est pas pure fiction ni n’est sortie tout droit d’une imagination fertile. C’est la tragédie que vit au quotidien des populations prises en otage par des juntes qui se sont emparées des leviers du pouvoir pour domestiquer des Etats. Ici, la réalité dépasse l’imaginaire et aucun récit ne peut camper les faits dans toute leur gravité.
Commençons le voyage dans les pays de l’absurde et des folies au-delà de tout entendement . Il était une fois , au cœur du Sahel, deux généraux auto-proclamés et un capitaine exalté, en mal de légitimité, gagnés par l’ivresse du pouvoir. Le trio de narcissiques compulsifs et de rêveurs obstinés vit de slogans et se nourrit de discours souverainistes. Les oiseaux de la même espèce volant ensemble, les putschistes de même plumage et sortis du même moule, décidèrent de se constituer en un syndicat pour combattre la vertu et promouvoir l’autocratie sous des dehors de nationalisme impétueux et intransigeant.
Dans ce cercle vicieux, la réflexion est tabou, le développement est banni. On se retranche dans le déni et se vautre dans de folles illusions. Il n’y a aucune perspective ni repères. C’est une navigation à vue. Dans cette démarche d’ auto-flagellation, nul besoin d’ennemis, on se suicide, seuls. Les putschistes transforment l’or en plomb. Tout ce à quoi il leur est donné de toucher perd de sa valeur et de son intérêt dans l’art consommé d’échouer dans tout: sécurité, économie, diplomatie, institutions, rien n’échappe à la campagne de démolition. Les juntes à la tête des pays se comportent comme des éléphants dans des magasins de porcelaine. Bienvenue dans l »AES: l’alliance des Etats tombés en syncope.
Une alliance de bras cassés
Le Mali, le Burkina, le Niger, ont en commun d’avoir connu chacun un putsch et d’avoir été tous bernés par un discours messianique: » Nous allons libérer les peuples et sauver les États « . Où en est-on, aujourd’hui ? Le chaos, à tous les étages. Le dénominateur commun, n’est pas une vision ambitieuse et clairvoyante pour les populations. Le pêché commun est l’imposture militaire déguisée en révolution populaire et fougue patriotique. Une junte peut se parer des oripeaux de rédempteur mais elle ne peut s’affranchir de son étiquette notoire: une armée qui s’est écartée de sa mission, est sortie de son rôle, confondant kalachikovs et gouvernance.
Souveraineté de pacotille et Russophilie romantique
N’étant capable d’assurer ni le gîte, ni le couvert, ni la paix, ni le pain, ni d’offrir l’espérance, nos hérauts, ont trouvé une botte magique : » Tout est de la faute de l’occident et du méchant colon blanc, impérialiste « . Alors, il a été changé de fusil d’épaule afin de se précipiter dans les bras d’un nouveau maître, jugé meilleur que le premier. Adieu Paris, bonjour, Moscou. A la clé, Wagner, rebaptisé Africa Corps, mercenaires attitrés et marchands d’illusions. La souveraineté, revendiquée, criée sous les toits, est assujetie voire suspendue à des contrats privés, payés au moyen de lingots, de concessions minières. Le silence sur les crimes est aussi à ce prix.
L’autre envers du décor : dans la vraie vie, celle des gens ordinaires, les radios ferment, les journalistes fuient, les partis sont interdits, les réseaux sociaux sont érigés en outils de délations. Le débat? Un crime de lése-majesté. L’opposition ? De la haute trahison. Et la vérité ? Un poison dont l’antidote est la censure et la répression sauvage.
A l’allure où vont les choses, le bulletin météo devra être validé par le ministère de la souveraineté sourcillieuse et de la vérité officielle.
Nos officiers , vaniteux, qui se rêvaient en prophètes des temps nouveaux, ont promis d’effacer le terrorisme de la surfaces de la terre. Mais, c’est plutôt, le fléau mondial qui les deculotte et tourne en dérision. A Djibo, au Burkina, les groupes armés terroristes prennent, allègrement, leurs quartiers. A Termit, au Niger, les soldats se mutinent.
À 80 kilomètres du pouvoir, 8000 kilomètres de la réalité
Ce lundi 12 mai 2025, à l’aube, les combattants du JNIM ont offert une démonstration de force aussi spectaculaire que symbolique. Cible : le site minier chinois de Naréna, dans la région de Koulikoro, cercle de Kangaba. Distance : 80 kilomètres seulement de Bamako, 30 kilomètres de Siby — autrement dit, à portée de pick-up d’un week-end ministériel. Résultat : plusieurs morts, tout le matériel d’exploitation réduit en cendres, et deux ressortissants chinois enlevés, emportés comme des trophées, sans qu’aucune force ne tente même de s’interposer.
Le plus fascinant ? Ils ont pris leur temps. Pas une opération éclair, non. Une opération de prestige. Ils filment leur carnage, incendient méthodiquement les installations, posent leurs slogans, repartent tranquillement. Pas d’alerte. Pas d’hélicoptère. Pas de drone. Pas même un communiqué martial pour camoufler l’humiliation.
À ce stade, le JNIM n’est plus un groupe terroriste. C’est un pouvoir parallèle. Il agit en plein jour, règne en maître sur des pans entiers du territoire, y compris aux portes de la capitale. La junte, elle, continue de parader dans des uniformes bien repassés, à décréter des plans de sécurisation plus fictifs qu’un roman de science-fiction.
Et pendant que les drones se promènent en Algérie , pour une raison que personne ne comprend, le Mali profond, lui, est livré à l’insécurité la plus totale. L’armée ? Invisible. Le renseignement ? Inexistant. Le territoire ? Disparu. À ce stade, on ne parle plus de souveraineté. On parle de supercherie.
Et les drones ? En vadrouille, certainement. Et, l’armée ? En conférence de presse pour vanter des victoires inventées. Le ministre de la Défense nationale ? Retenu dans une réunion de crise ou enfermé dans un huis clos dont il sortira avec des trophées de guerre à brandir devant l’opinion.
La junte, a perdu tous ses amis et a volontairement tourné le dos aux alliés et partenaires de toujours. Trop de fronts ouverts en même temps. L’Algérie, le voisin tutélaire ? Honnie. La CEDEAO, le toit commun ? Répudiée, sans ménagement. L’ONU , la maison commune ? Superbement, ignorée.
Il n’y a plus que l’écho de discours martiaux dans les murs d’Etats en ruines. Pendant ce temps, les peuples, se meurent, à petit feu : famine, exode, terreur. L’AES, c’est l’OTAN, à l’envers : organisation du Tourment accélèré des nations.
Assimi Goita, Ibrahim Traorè, Abdourahmane Tiani, trois larrons, larcins, larbins qui rivalisent d’incapacité et d’incompétence dans l’action et s’en mêlent tous les pinceaux, s’agissant de stratégies à élaborer pour combler les attentes ou dans la prise de parole publique. Une école pour cancres !
Ils prennent un malin plaisir chacun à prendre en otage leurs pays et à persécuter leurs peuples respectifs. Ils n’ont aucune intention de rendre le pouvoir usurpé ou de quitter les affaires. Aussi, se cramponnent-Ils , becs et ongles , à leurs fauteuils éjectables, en refusant de parler d’élections, de s’imposer un agenda et une feuille de route. Le pays, ce sont eux, leurs volontés et ambitions tiennent lieu de lois et sont considérées comme des nécessités politiques impérieuses et des urgences historiques.
L’union devrait faire la force. Mais, dans ce cas d’espèce, elle n’est que de façade et s’apparente à une farce tragique qui ne fait pas rire les peuples du Sahel qui en sont les dindons et victimes expiatoires. L’atmosphère est lourde, avec un cortège de malheurs, un concert de larmes et une vague de drames. Les juntes crient trop tôt victoire, ne voyant pas venir le retour de bâton. Toutes, sont vouées à subir le même sort, à savoir, une chute inévitable qui se profile à l’horizon et s’annonce imminente, parce que les peuples n’en peuvent plus d’une tragi-comédie qui n’a que trop duré.
Tout est mal qui finira bien . Toute histoire a une moralité qui réconcilie avec l’espoir perdu et les valeurs oubliées. Celle-là , ne fera pas exception.
Samir Moussa