juin 3, 2025
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Economie

Autodissolution du PKK : nouvelle séquence de la question kurde

Si elle ne constitue pas véritablement une surprise, l’annonce de l’autodissolution du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le 12 mai 2025, n’en est pas moins une décision d’une importance considérable à propos d’un dossier qui envenime la vie politique en Turquie depuis des décennies. Le PKK, formellement constitué à la fin de l’année 1978, a en effet engagé une lutte militaire contre l’État turc le 15 août 1984 qui depuis lors a connu diverses phases et quelques tentatives de cessez-le-feu, mais n’a jamais véritablement cessé.

Embuscades armées, attentats, attaques suicides, constitution de milices paramilitaires et de structures spéciales au sein des institutions de sécurité – la contre-guérilla –, pratique de plus en plus fréquente de la torture, évacuation et destruction de hameaux et de villages par l’armée – il est question de 3 000 à 4 000 villages vidés ou rasés –, déplacement de 2 à 3 millions de personnes, ont durant des années semblé se répondre en un jeu de miroirs sanglants au sein desquels aucun des protagonistes ne parvint à s’imposer véritablement. Depuis une dizaine d’années, une baisse des activités militaires du PKK sur le sol turc pouvait néanmoins être constatée.

Le processus engagé outre sa portée potentielle, confirme l’influence maintenue d’Abdullah Öcalan sur son organisation, en dépit de sa détention depuis vingt-six années sur une île de la mer de Marmara, puisqu’elle s’inscrit dans la logique de son appel du 27 février 2025.

Beaucoup de commentateurs ont souligné le caractère historique de la décision ce qui, à ce stade, paraît une qualification prématurée. L’importance est certes avérée, mais on ne sait quasiment rien des modalités concrètes qui vont suivre pour concrétiser l’annonce du PKK. On peut supposer que des négociations ont lieu, mais le fait qu’aucune proposition de l’État ne soit publiquement exposée est non seulement une source de questionnements, mais aussi certainement un signe de l’affaiblissement politique et militaire du PKK qui n’apparait pas en mesure de mettre en exergue ce qu’il a hypothétiquement obtenu en contrepartie de sa décision d’autodissolution. Or les questions sont nombreuses à ce propos. Quid des modalités précises de l’autodissolution ? Quid du dépôt des armes ? Quid de l’avenir des commandants du PKK qui, pour la plupart, vivent actuellement hors de la Turquie ? Quid des combattants et militants de l’organisation ? Quid d’une amnistie des prisonniers politiques ? Quid du sort d’Abdullah Öcalan ? Pour le moment, nul ne connait les réponses à ces questions. Quelques titres de presse ont évoqué un processus de désarmement qui serait conjointement coordonné et contrôlé par l’Organisation du service de renseignement turc (MIT) et par le Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak, mais rien n’est avéré.

Un élément certain est néanmoins que nous entrons dans une nouvelle séquence de la question kurde en Turquie, et par extension dans la région, tant le PKK a incarné durant une longue période la revendication nationale kurde, même s’il est erroné de réduire celle-ci au seul PKK. Celui-ci avait en effet acquis au fil des ans une réelle aura au sein d’une partie de la population kurde pour laquelle il incarnait leur combat et exprimait une ligne politique alternative à celle par exemple suivie par les actuels dirigeants du Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak jugée trop conservatrice.

Pour autant, l’affirmation des États nations dans la région a considérablement réduit les marges de manœuvre du PKK et des organisations qui lui sont rattachées. L’exemple syrien est de ce point de vue révélateur, puisque les Forces démocratiques syriennes, dont on sait la proximité de la direction avec le PKK, avaient réagi on ne peut plus clairement à l’appel d’Öcalan, expliquant qu’il concernait le PKK et non la région kurde de Syrie. Preuve supplémentaire que les différentes composantes du peuple kurde raisonnent fondamentalement en fonction des États dans lesquels elles vivent, se politisent et mènent leurs combats politiques et militaires. En outre, la bonne entente qui semble régner entre les présidents turc et états-unien réduit les marges de manœuvre des organisations kurdes. Ainsi, les perspectives d’autonomies kurdes s’estompent et le PKK se trouvait dans une impasse stratégique qu’il lui fallait acter. L’autodissolution en est l’expression.

Dans le moment présent, le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, apparait comme le vainqueur de cette séquence politique, alors qu’il ne s’y est guère investi au cours des dernières semaines, se contentant de déclarations vagues et générales sur la fraternité entre les peuples turc et kurde ou sur la nécessité de rester impitoyable dans le combat contre le terrorisme. Après l’annonce de l’autodissolution, il a de nouveau mis l’accent sur la nouvelle phase qui s’ouvrait pour « une Turquie sans terrorisme ». Mais cela ne suffira pas pour aller résolument de l’avant. Des propositions positives doivent être avancées sans tarder pour que chacun des acteurs puisse se prévaloir de progrès efficients.

C’est en réalité la question des droits démocratiques qui est posée et donc celle du traitement politique de la question kurde. La nécessaire relance d’un processus de démocratisation de la Turquie s’il n’intégrait pas la dimension kurde ne réussirait pas parce qu’il constitue un défi majeur. Nous n’en sommes pas là et le raidissement autoritaire du pouvoir constaté au cours des dernières semaines – dont l’arrestation et l’emprisonnement du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoğlu, est manifestement un symbole – ne porte pas à l’optimisme et risque de faire échouer un véritable processus de pacification. Pourtant, l’État turc et son gouvernement commettraient une erreur s’ils considéraient la décision du PKK comme une capitulation. Pour que le processus engagé soit couronné de succès, des compromis doivent être acceptés, et des gestes efficients concrétisés à l’égard des revendications kurdes. La partie est risquée tant le tropisme nationaliste turc est puissant et s’opposera in fine à des concessions nécessaires. Si donc la séquence politique ouverte par les décisions du PKK est porteuse d’espoirs, rien n’est réglé et les autorités turques doivent faire preuve de volonté et de courage politiques de manière à concrétiser les déclarations de Recep Tayyip Erdoğan.

Plusieurs rumeurs circulent ces derniers jours sur la libération de Selahattin Demirtas, ancien coprésident du parti kurde légal, emprisonné depuis 2016. Si cela se concrétise, ce serait un pas tangible vers la résolution de la lancinante question kurde. Source : Iris

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