En 2019, pour sa première visite officielle en tant que Présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen a choisi Addis-Abeba, capitale de l’Éthiopie et siège de l’Union africaine (UA), soulignant ainsi la volonté de cette nouvelle Commission de faire du continent africain un point central de sa stratégie. Depuis que l’Union européenne (UE) a développé sa politique extérieure, le continent africain s’est situé en haut de la liste des priorités, en particulier en ce qui concerne ses actions de paix et sécurité. Dès 2000, année du premier Sommet UE-Afrique au Caire (Égypte), l’UE a montré l’importance stratégique que revêt l’Afrique, qui est aujourd’hui le continent où est déployée une majorité des missions militaires de l’organisation européenne ainsi que quatre missions civiles.
La première opération militaire dirigée par l’UE sera la mission Artemis, déployée en 2003 en République démocratique du Congo (RDC). L’UE et le continent africain, essentiellement via l’Union africaine (UA), ont depuis développé un partenariat sécuritaire et stratégique important, et qui couvre de nombreux sujets allant de la bonne gouvernance aux questions climatiques en passant par la migration, le commerce et évidemment les enjeux liés à la paix et la résolution des crises et conflits.
L’objectif de cette note est de faire le point sur les actions de l’UE en termes de prévention des conflits, de maintien et de construction de la paix mais aussi d’enjeux de défense sur le continent africain (notamment les pays francophones), avec un focus sur les missions extérieures de l’Union. Ce papier reviendra ainsi d’abord sur le cadre normatif et juridique qui guide la politique de l’UE en Afrique dans les domaines de la paix et la sécurité et sur ses évolutions récentes. Ensuite il abordera les différents outils budgétaires actuels qui permettent à l’Union d’agir sur le continent, en essayant de comprendre les changements récents qui ont été opérés, en particulier à l’occasion de l’adoption du nouveau cadre financier pluriannuel (Multiannual Financial Framework – MFF) qui concerne la période 2021-2027.
Enfin, la note analysera les missions dites PSDC (Politique de sécurité et de défense commune) qui sont aujourd’hui un des outils principaux de l’UE en termes de paix et sécurité en Afrique. Une attention particulière sera portée aux missions militaires de formation déployées dans des pays africains francophones ces dernières années (EUTM Mali, EUTM RCA et EUMPM Niger) et leurs défis actuels.
Il semble essentiel de préciser d’emblée que cette infographie reste un état des lieux général et donc superficiel de l’action de l’UE en Afrique dans les domaines de la paix, la sécurité et la défense. La limite du format ne permet pas de rentrer dans les détails ni d’analyser en profondeur les dynamiques actuelles de remise en question de la pertinence de l’action de l’UE sur le continent. De plus, cette note se concentre sur les actions de l’UE concernant les questions de paix et sécurité, et laisse ainsi de côté d’autres domaines cruciaux lorsqu’on s’intéresse à la politique extérieure de l’UE en Afrique : le développement, la migration, l’action humanitaire et d’urgence, le commerce, le domaine digital ou encore les enjeux climatiques, qui sont parfois abordés ici mais seulement de façon adjacente.
Le cadre normatif et législatif qui oriente la politique sécuritaire européenne en Afrique
Les relations entre l’UE et l’Afrique sont encadrées par plusieurs politiques et stratégies développées à différents niveaux : tout d’abord les Accords et Conventions adoptées dans le cadre des relations entre l’UE et les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP), ensuite ce qu’on appelle la Stratégie commune Afrique-UE et enfin trois stratégies régionales.
L’UE a d’abord développé des liens économiques et commerciaux mais aussi de développement avec le continent africain, dans le cadre de ce qui deviendra peu à peu les accords UE-ACP, réunissant 79 pays en tout avec 47 d’Afrique, dont 29 sont francophones4. Au fil du temps et des textes adoptés, les liens entre l’UE et les pays ACP ne sont plus seulement économiques mais de plus en plus politiques et sécuritaires. Le nombre de pays inclus dans les différents textes augmente peu à peu. Ces textes permettent la mise en oeuvre du Fonds européen de développement (FED) qui permet dès 1958 aux États membres de s’investir dans la coopération au développement en faveur de plusieurs territoires, alors encore sous domination coloniale. Avec l’adoption du nouveau MFF, le FED disparaît pour être intégré dans un nouvel instrument budgétaire (voir partie 2 sur les instruments budgétaires page 4).
Le dernier Accord de Cotonou aurait dû prendre fin en 2020, mais il a dû être prolongé jusqu’à la signature d’un nouvel accord, qui n’a eu lieu que le 15 novembre 2023, notamment à cause de désaccords internes à l’UE8. Le nouvel accord de partenariat s’intitule Accord de Samoa. Il a été signé entre l’UE et les membres de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) et devrait cadrer leurs relations pour les 20 prochaines années9. Six domaines prioritaires stratégiques ont été décidés, dont la paix et la sécurité. Cet Accord prévoit notamment de mettre en place des institutions conjointes dont un Conseil des ministres OEACP-UE ou encore trois assemblées parlementaires régionales (Afrique-UE, Caraïbes-UE et Pacifique-UE).
L’UE développe aussi des politiques et stratégies plus spécifiquement dédiées au continent africain, axées dès les années 2000 sur le volet politique des relations UE-Afrique, et de plus en plus sur des enjeux sécuritaires, à mesure que l’UE devient elle-même un acteur sécuritaire. Cela se fait en priorité dans le cadre de ce qu’on appelle la stratégie commune Afrique-UE, où le continent africain est représenté par l’UA. Cette stratégie se développe au fil des feuilles de route pluriannuelles et plans d’action qui sont adoptés lors des sommets UE-Afrique.
La première stratégie commune UE-Afrique a été adoptée en 2007 à Lisbonne et les enjeux de paix et de sécurité font déjà partie des objectifs principaux. Depuis, plusieurs feuilles de route et communications conjointes ont été adoptées. En amont du sixième et dernier sommet, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) de l’UE et la Commission ont publié une communication commune intitulée « Vers une stratégie globale avec l’Afrique » qui plaide pour un partenariat renforcé dans différents domaines dont la paix et la gouvernance. En 2022, une nouvelle stratégie a été adoptée par les deux entités : « Une vision commune pour 2030 ». Là encore, la paix et la sécurité sont au cœur de la stratégie entre les deux continents, puisque parmi les objectifs figure « une coopération renouvelée et renforcée pour la paix et la sécurité ». Ce document s’inspire – et s’inscrit dans le cadre – d’un document plus ancien mais également essentiel : le Protocole d’Accord entre l’UA et l’UE sur la paix, la sécurité et la gouvernance, qui date de 2018. Ce document souligne l’étendue de la coopération entre l’UA et l’UE, qui se fait à toutes les étapes des crises et conflits et de leur résolution et qui prend des formes variées. Afin de renforcer son efficacité dans des régions stratégiques clés, l’UE a également adopté des politiques régionales dans trois régions d’Afrique, décrites dans le tableau ci-dessous.
En plus de ces différents textes et stratégies spécifiques, l’intervention de l’UE en Afrique dépend aussi du cadre plus général qui régit la politique extérieure de l’Union ainsi que ses actions de paix et sécurité. Tout d’abord, le cadre principal est la Politique européenne de sécurité commune (PESC) qui a évolué dans le temps, notamment avec le traité de Lisbonne en 2009, qui a structuré la politique extérieure européenne en lui donnant une personnalité juridique et en créant le SEAE. Fortement développée au cours des dernières années, la PSDC fait partie de la PESC, et guide plus particulièrement les actions de l’UE pour résoudre les crises et conflits13. Ainsi en 2016 est adoptée la Stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, qui permet à l’UE de renforcer son accent sécuritaire. Ce document mentionne à plusieurs reprises le continent africain, soulignant l’importance de continuer à agir pour la paix et la sécurité en Afrique, notamment via les missions PSDC. Dans cette même mouvance, en 2022, est adoptée la Boussole stratégique, qui entérine et renforce davantage encore les actions de défense et sécurité de l’UE. Là encore, le continent africain est au coeur des priorités de l’UE, puisque l’un des objectifs est de renforcer l’action de l’UE via ses missions civiles et militaires déployées principalement au Moyen-Orient et en Afrique. Les relations entre l’UE et l’Afrique ont beaucoup évolué ces dernières années, se focalisant de façon croissante sur les enjeux de paix et sécurité, ce qui va de pair avec l’affirmation de l’UE en tant qu’acteur sécuritaire et géopolitique mais aussi de plus en plus comme un acteur de défense.
Les instruments budgétaires de l’UE pour ses actions de paix et sécurité en Afrique et leurs évolutions récentes
Afin de financer sa politique « paix et sécurité en Afrique », l’UE dispose de nouveaux instruments budgétaires et financiers qui ont été mis en place en 2021. Ces instruments opèrent un changement important et consacrent l’affirmation de l’organisation comme acteur sécuritaire. Ainsi, aujourd’hui la politique extérieure de l’Union dans les domaines de la paix et la sécurité est assurée majoritairement par l’Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (NDICI) appelé « Global Europe », qui fait partie du nouveau budget MFF pour la période 2021-2027.
De plus, l’UE a adopté un nouveau fonds hors-budget, la Facilité européenne pour la paix (FEP), qui introduit un changement substantiel puisqu’il permet pour la première fois à l’UE de fournir du matériel militaire à ses partenaires, dont l’Afrique, afin d’intensifier et de renforcer son engagement sécuritaire. Cet instrument nous intéresse en priorité dans le cadre de cette note puisqu’il prend désormais en charge les missions PSDC de l’UE.
La Facilité européenne pour la paix :
La FEP a été établie pour la période 2021-2027. Il s’agit d’un fond hors-budget de l’UE. Le budget initial était de 5,692 milliards EUR mais en raison de la guerre en Ukraine et de l’aide accordée par l’UE à cette dernière, son plafond a été relevé à 7,979 milliards EUR en décembre 202217, puis à plus de 12 milliards EUR en juin 2023.
Ce nouvel instrument englobe et remplace deux fonds de l’UE :
Le mécanisme Athéna : créé en 2004 pour financer les coûts communs des missions militaires de l’UE19 et financé par les États membres
La Facilité de paix pour l’Afrique (FPA) : majoritairement consacrée au financement des opérations de soutien à la paix (OSP) sur le continent africain, mais aussi au renforcement des capacités pour soutenir la mise en oeuvre de l’architecture africaine de paix et sécurité (APSA de l’UA), avec en plus un mécanisme de réponse rapide. La FEP reprend ainsi les activités des deux instruments mais permet aussi d’étendre et renforcer l’action de l’UE dans le domaine militaro-sécuritaire.
L’Afrique n’est plus le seul bénéficiaire, mais reste un destinataire majoritaire de la FEP, même si l’agression russe de l’Ukraine a modifié les priorités budgétaires de l’UE. Le schéma ci-dessus montre la répartition des premières dépenses de la FEP, où l’Ukraine est largement majoritaire mais c’est l’Afrique qui arrive en deuxième place. En effet, si on ne compte pas l’aide à l’Ukraine, plus de 80 % de la FEP sont destinés à l’Afrique (977 millions EUR sur 1 165,75 millions EUR).
Concernant la répartition au sein même du continent (voir schéma ci-dessous), c’est l’UA qui est la principale destinataire (avec 704 millions EUR sur 977 millions EUR) et viennent ensuite onze pays bénéficiaires (dont certains dans le cadre d’une aide régionale). Les priorités stratégiques régionales développées dans la première partie se retrouvent ici. En effet, y figurent en majorité des pays issus
des trois régions clés pour l’UE en Afrique : Corne de l’Afrique (Somalie), Golfe de Guinée (Bénin et Ghana en destinataires individuels mais aussi dans le cadre d’une aide régionale qui comprend en plus la Côte d’Ivoire et le Togo) et Sahel (Mali, Niger, Mauritanie).
La FEP a repris l’essentiel des activités militaires assurées par la FPA (et par le mécanisme Athéna), mais elle ne reprend pas le volet plus civil de la FPA, qui est intégré au nouveau budget européen dans le NDICI.
NDICI-Global Europe
La mise en place de NDICI a permis afin d’atteindre d’améliorer le cohésion et la coordination en regroupant dix fonds et instruments du précédent budget, ainsi que le FED, qui était hors budget et qui finançait la majorité de l’aide au développement vers l’Afrique24. Concernant la coopération européenne dans les domaines du développement, de la résolution des conflits et de la consolidation de la paix il s’agissait en majorité du FED mentionné plus haut mais aussi de l’Instrument contribuant à la stabilité et à la paix (IcSP), établi pour la période 2014-2020 avec un budget de 2,3 milliards EUR. Puisqu’il regroupe de nombreux instruments thématiques et géographiques, le NDICI a un champ d’action très développé, comme on le voit dans le tableau ci-dessous.
Ici encore l’Afrique se retrouve au coeur des priorités de l’UE comme on le voit dans la répartition géographique du fonds. De plus, d’autres actions sur le continent pourront être financées via les programmes thématiques et les actions de réponse rapide.
Focus sur les missions PSDC : outils majeurs de l’action de paix et sécurité européenne sur le continent africain
La PSDC permet à l’UE de déployer des missions et opérations civiles et militaires à l’extérieur de ses frontières, avec des tâches allant de la prévention et gestion des conflits au maintien de la paix en passant par le désarmement, la stabilisation après un conflit, l’aide humanitaire ou encore l’assistance militaire. Près de 40 missions ont été déployées depuis 2003, dont une grande partie sur le continent africain. Aujourd’hui neuf missions militaires, treize missions civiles et une civilo-militaire sont en cours sur trois continents, comme on le voit sur la carte ci-dessous.
Une majorité des missions PSDC se déroulent aujourd’hui sur le continent africain, particulièrement des missions militaires. Dès 2003 et l’envoi de l’Opération Artémis en RDC, l’Afrique fait figure de terrain d’expérimentation pour les missions PSDC, et en particulier celles de type militaire.
Les missions militaires de l’UE ont en effet évolué depuis les premières missions des années 2000, et cette évolution se voit bien sur le continent africain. Ainsi, à partir des années 2010, l’UE est moins encline à déployer directement des troupes au sol comme ce fut le cas en RDC ou encore au Tchad et en République centrafricaine (missions dites EUFOR) mais se tourne davantage vers des missions de formation et d’entrainement militaires29. L’objectif est de soutenir et renforcer les capacités de ses partenaires africains afin qu’ils puissent prendre en charge eux-mêmes les crises et les conflits sur leur continent, respectant ainsi la devise « solutions africaines aux problèmes africains ». Ainsi depuis 2012 se sont développées des missions dites EUTM (EU Training Mission) ou EUMAM (EU Military Assistance Mission). Sur le continent africain, ce sont surtout des EUTM qui ont été mises en place : en Somalie, au Mali, en République centrafricaine (RCA) et au Mozambique, comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous, qui reprend les missions (civiles et militaires) actuellement déployées sur le continent africain.
Aujourd’hui, le continent héberge 12 missions, dont 7 militaires, 4 civiles et une mixte (la nouvelle initiative dans le golfe de Guinée). Deux missions, une militaire et une civile, ont été récemment suspendues, après le coup d’État au Niger, à la demande de la junte militaire désormais au pouvoir.
Les missions civiles sont aujourd’hui en majorité des missions de soutien aux forces de l’ordre pour renforcer leurs capacités mais aussi pour soutenir la réforme du secteur de la sécurité (RSS). On y trouve aussi EUCAP Somalie, une mission dédiée au renforcement des capacités maritimes du pays afin d’appuyer la lutte contre la piraterie en mer. Cette dernière est complémentaire de la mission EUNAVFOR Atalante, qui lutte également contre la piraterie au large des côtes somaliennes. L’autre mission de type EUNAVFOR est celle déployée en Libye, particulièrement en mer, afin de vérifier la mise en oeuvre de l’embargo de l’ONU sur les armes.
Ensuite, hormis EU RACC Sahel qui est la Cellule régionale de l’UE de conseil et de coordination pour le Sahel et qui permet de mieux conjuguer ses différentes interventions et missions dans la région, les missions militaires de l’UE en Afrique sont des missions de soutien, de formation et d’entraînement des forces de sécurité et de défense locales. Il s’agit des missions EUTM, déployées en Somalie, au Mali, en RCA, au Mozambique, et jusque très récemment, au Niger, bien que cette dernière soit une mission non pas EUTM mais EUMPM, dite de partenariat militaire. Elles sont majoritairement déployées en Afrique francophone, et il semble important de revenir sur leurs actions et leur bilan, notamment à la lumière de la récente suppression de la mission de l’UE au Niger moins d’un an après son lancement, ainsi qu’en raison des difficultés de la mission au Mali dues aux coups d’État dans ce pays. Cela remet notamment en question l’engagement plus général de l’UE au Sahel, région pourtant prioritaire dans sa stratégie africaine de paix et sécurité.
EUTM RCA a été déployée en 2016. Elle remplace la mission EUMAM RCA, une mission de conseil à l’armée centrafricaine (2015-1016), qui a elle-même remplacé EUFOR RCA (2014-2015,) dont la mission était notamment de protéger les civils et permettre l’aide humanitaire dans la zone de la capitale, Bangui. EUTM RCA a pour mission de renforcer les capacités des Forces armées centrafricaines (FACA) dans leur lutte contre divers groupes armés. Néanmoins, à la fin de l’année 2021, des soupçons de collision entre les FACA et le groupe de mercenaires russes Wagner ont poussé l’UE a suspendre les actions de formation et d’éducation, tout en maintenant les actions de conseil au ministère de la Défense et aux FACA.
EUTM Mali a été déployée en 2013 et s’inscrit dans le cadre plus général de l’action de l’UE au Sahel, qui a longtemps été la région principale des missions civiles et militaires de l’organisation. Cette mission a pour objectif premier de restaurer les capacités des Forces armées maliennes (FAMA), notamment dans leur lutte contre les groupes terroristes. Cela se fait par des activités de formation, d’éducation et de renforcement des capacités. La mission a aussi travaillé en soutien à l’action du G5-Sahel et de sa Force conjointe dans la région. Le pays a connu deux coups d’État (2020 et 2021) qui sont venus mettre la mission en difficulté, notamment à cause de tensions entre l’UE et la junte.
À la suite au premier coup, l’UE a suspendu la mission EUTM ainsi que la mission civile EUCAP Sahel Mali, mais rapidement, la junte a nommé un gouvernement de transition, ce qui a permis le rétablissement des deux missions. Lors du deuxième coup, les missions n’ont pas été suspendues, mais la partie d’EUTM consacrée à la formation a pris fin en 2022 en raison des suspicions de liens de la junte avec le groupe Wagner et de risques d’association avec la mission européenne.
Malgré cela, l’UE a tout de même décidé, à la demande des autorités nigériennes, de déployer en décembre 2022, une mission de partenariat militaire, pour soutenir la lutte du pays contre les groupes armés terroristes. De plus, dans le cadre de la FEP, le Conseil de l’UE a décidé en juin 2023 d’octroyer un montant total de 5 milliards EUR aux forces armées nigériennes dont 4,7 milliards EUR pour la fourniture d’équipements militaires conçus pour libérer une force létale. Le Niger devient ainsi le premier pays d’Afrique à bénéficier de cet aspect de la FEP. Néanmoins, en juillet 2023, le régime est renversé par un coup d’État militaire. En décembre 2023, la junte au pouvoir décide de suspendre toute collaboration d’ordre sécuritaire avec l’Union, mettant ainsi fin aux deux missions civile et militaire sur son territoire.
À côté des difficultés qu’elle rencontre au Sahel, l’UE a décidé de renforcer son action dans une autre région prioritaire : le golfe de Guinée, où elle lance une initiative de sécurité et défense le 11 décembre
- L’objectif est de soutenir la Côte d’Ivoire, le Togo, le Ghana et le Bénin en renforçant les capacités de leurs forces de sécurité et de défense respectives afin de contrer les groupes armés terroristes dans la région.
L’UE semble ainsi face à une remise en question de ses activités de paix, sécurité et défense sur le continent africain. L’organisation reste un partenaire de choix du continent africain, mais elle n’est plus le seul. En effet, des pays comme la Russie, la Chine, la Turquie ou encore les États du Golfe s’imposent de plus en plus comme de nouveaux collaborateurs pour des pays africains en quête de renouveau. L’UE semble devoir renouveler son approche dans sa collaboration avec l’Afrique, tant dans le contenu de ce partenariat que dans la forme que prend cette coopération. En effet, une critique récurrente, notamment côté africain, est l’aspect encore et toujours inégal, voire néocolonial, de la façon dont l’UE intervient en Afrique. L’UE gagnerait donc à repenser certains aspects de sa politique extérieure en Afrique, sans pour autant mettre de côté les bonnes pratiques et les leçons positives apprises depuis des décennies.
Clémence Buchet-Couzy, avec la collaboration de Mathilde Verrier