L’Afrique du Sud a pris la présidence du G20 à la fin de 2024. Depuis lors, le monde n’a eu de cesse d’être plus complexe, imprévisible et dangereux. L’État le plus puissant du monde, les États-Unis, semble déterminé à saper l’ordre existant qu’il a instauré tout en affirmant sa domination sur les nations plus faibles. D’autres pays influents adoptent une posture repliée sur eux-mêmes.
Ces évolutions soulèvent des inquiétudes quant à la capacité des mécanismes de coopération mondiale, tels que le G20, à continuer de fonctionner, en particulier lorsqu’ils reposent sur des décisions prises par consensus. Danny Bradlow explique le fonctionnement du G20 et les enjeux qui en découlent.
Quel est l’objectif du G20 ?
Le G20 est un forum au sein duquel les plus grandes économies du monde se réunissent régulièrement pour discuter et tenter de relever les défis économiques et politiques internationaux les plus pressants. Le groupe, qui réunit à la fois des pays riches et des pays en développement, représente environ 67 % de la population mondiale, 85 % du PIB mondial et 75 % du commerce mondial.
Le G20 est en fait un abus de langage. Le nombre réel de participants au G20 au cours d’une année donnée dépasse de loin les 19 États et les 2 entités internationales l’Union européenne et l’Union africaine qui en sont les membres permanents. Chaque année, plusieurs pays sont “invités” à ce forum. Si certains pays, comme l’Espagne et les Pays-Bas, sont considérés comme des invités « permanents » du G20, la liste complète des invités est déterminée par le président du G20 pour l’année en question. Cette année, l’Afrique du Sud a invité 13 pays, dont le Danemark, l’Égypte, la Finlande, Singapour et les Émirats arabes unis. Ils sont rejoints par 24 organisations internationales invitées, telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et les Nations unies, ainsi que huit organisations régionales africaines, entre autres.
Le G20 est avant tout un processus continu, plutôt qu’une série d’événements isolés. Son point culminant est le sommet annuel des dirigeants au cours duquel les chefs d’État et de gouvernement participants cherchent à s’entendre sur un communiqué exposant leurs engagements sur des enjeux majeurs. Ceux-ci ne sont pas contraignants et chacun des États participants mettra généralement en œuvre la plupart des points convenus, mais pas tous.
Le communiqué est le résultat d’un processus à deux volets : un volet financier, composé de représentants des ministères des finances et des banques centrales des pays participants, et un volet « sherpa » qui traite de questions plus politiques. Au total, ces deux axes comprendront plus de 100 réunions de responsables techniques et de décideurs politiques.
La plupart des travaux de chaque axe sont réalisés par des groupes de travail. L’axe financier compte sept groupes de travail traitant de questions allant de l’économie mondiale et de la gouvernance financière internationale à l’inclusion financière et au financement des infrastructures. L’axe sherpa compte 15 groupes de travail traitant de questions allant du développement et de l’agriculture à la santé, en passant par l’économie numérique et l’éducation.
L’ordre du jour des réunions des groupes de travail est basé sur des notes de synthèse préparées par la présidence du G20. Ces notes porteront à la fois sur les questions en suspens des années précédentes et les nouvelles priorités du président en exercice.
Les présidents des groupes de travail rendent compte des conclusions de ces rencontres aux réunions ministérielles du volet correspondant. Avant d’être soumises aux ministres, elles sont examinées par leurs adjoints, qui s’efforcent de réduire les divergences et de clarifier les points de discussion afin d’optimiser les chances de parvenir à un consensus.
Lorsque les ministres trouvent un accord, celui-ci est formalisé dans un communiqué soigneusement rédigé. En l’absence de consensus, le ministre présidant la réunion publie un résumé des discussions. Ces documents servent ensuite de base à la rédaction du communiqué final du sommet du G20, qui reflète la position commune des chefs d’État et de gouvernement participants.
Le processus du G20 est enrichi par le travail de 13 groupes d’engagement représentant, par exemple, les entreprises, les travailleurs, les jeunes, les groupes de réflexion, les femmes et la société civile dans les pays du G20. Ces groupes cherchent des moyens d’influencer les résultats du processus du G20.
Qu’est-ce que la troïka du G20 et comment fonctionne-t-elle ?
Le G20 ne dispose pas de secrétariat permanent. C’est le président du G20 qui est chargé d’organiser et de présider les plus de 100 réunions qui ont lieu au cours de l’année. Pour garantir une certaine continuité, le G20 a mis en place une « troïka », composée des présidents précédent, actuel et futur du G20. Cette année, elle réunit le Brésil (présidence passée), l’Afrique du Sud (présidence en cours) et les États-Unis (prochaine présidence).
Le rôle de la troïka varie en fonction de l’identité du président en exercice et de la volonté des autres membres d’influencer le processus du G2
Il sera également influencé par le niveau d’activité souhaité par les deux autres membres de la troïka.
La troïka contribue à assurer une certaine continuité d’une année G20 à l’autre. C’est important car il y a un report important des questions à l’ordre du jour du G20 d’une année à l’autre. La troïka permet donc au président du G20 de se concentrer sur les questions qui l’intéressent le plus sur une période de trois ans plutôt que sur une seule année.
Quel a été le succès du processus du G20 ?
Le G20 s’est autoproclamé « principal forum de coopération économique internationale », sans pour autant être une organisation officielle dotée d’un cadre institutionnel rigide.
Le G20 a été créé lors de la crise financière asiatique des années 1990. À l’époque, il s’agissait d’un forum où les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales pouvaient se réunir pour discuter des questions économiques et financières internationales les plus importantes, telles que la crise financière asiatique.
Le G20 a été élevé au rang de forum des chefs d’État et de gouvernement lors de la crise financière mondiale de 2008.
Le G20 a tendance à bien fonctionner en tant que forum de coopération lorsque le monde est confronté à une crise économique. Il a notamment permis d’organiser une réponse collective à la crise financière de 2008-2009. En revanche, son action a été plus mitigée face à d’autres défis, comme la gestion de la pandémie de COVID-19, où il a été jugé insuffisant.
Hors des périodes de crise, il s’est également révélé moins efficace, mais a tout de même joué un rôle utile sur certaines questions techniques comme l’élaboration de normes internationales en matière de régulation financière ou l’amélioration du fonctionnement des banques multilatérales de développement. Cependant, il a rencontré plus de difficultés à obtenir des avancées sur des dossiers plus politiques, tels que le climat, la sécurité alimentaire ou le financement des objectifs de développement durable de l’ONU.
Un autre avantage, souvent sous-estimé, réside dans les interactions informelles qu’il permet entre dirigeants du G20. Ils apprennent ainsi à mieux se connaître et à mieux se comprendre, ce qui contribue à favoriser la coopération entre les États sur des questions d’intérêt commun. Cela permet également à ces responsables de savoir, le cas échéant, qui contacter dans d’autres pays, ce qui peut contribuer à atténuer le risque de malentendu et de conflit.
Si le G20 venait à disparaître, ces mécanismes de dialogue et de coordination seraient perdus, sans réelle alternative existante. Même si un pays – aussi influent soit-il – venait à se retirer, le G20 resterait un cadre unique où les principales puissances économiques peuvent continuer à se concerter sur les défis mondiaux. Dans un monde aussi complexe, maintenir cet espace de discussion reste essentiel pour prévenir les conflits et renforcer la coopération internationale. The Conversation Afrique