Le gouvernement du Sénégal a fait face à la presse, ce jeudi 15 juin pour s’exprimer sur la situation actuelle. En présence du premier ministre, Amadou Bâ et des ministres de l’intérieur, des forces de l’armée et de la justice, ils ont laissé transmettre une image d’un Etat fort face aux attaques en évoquant plusieurs points.
Depuis le 1er juin 2023 à la suite du verdict délivré par le juge sur l’affaire « Sweet Beauty » condamnant au leader de Pastef Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme, le Sénégal est plongé dans une crise avec une vague de manifestations qui s’est multipliée les jours qui ont suivi cette décision. Actuellement à son domicile avec la surveillance des forces de l’ordre, Ousmane Sonko est obligé de rester chez lui jusqu’à ce que la justice décide de passer à l’arrestation. Devant les médias, le gouvernement s’est présenté pour apporter de la lumière sur de nombreux sujets. Le premier ministre, Amadou Bâ était accompagné par le ministre de la justice, IsmaïlaMadior Fall, de son homologue de l’intérieur, Antoine Félix Diome et celui des forces de l’armée, Me Sidiki Kaba. Des points comme l’arrestation d’Ousmane Sonko, l’enquête sur les manifestations et les menaces d’envoyer l’Etat à la Cour pénale internationale ont été abordé par les ministres.
Pourquoi Ousmane Sonko n’est toujours pas arrêté ?
Le maire de Ziguinchor et président de Pastef, Ousmane Sonko est actuellement chez lui sous surveillance des forces de l’ordre depuis la déclaration de sa condamnation de deux ans de prison ferme et de 20 millions de dommages et intérêts pour avoir été reconnu coupable de la corruption de la jeunesse. Après deux semaines, la question qui reste sans réponse : pourquoi Ousmane Sonko n’a pas été arrêté depuis l’annonce du verdict ? Selon le ministre de la justice Ismaïla Madior Fall, la justice a sa manière de faire qui nécessite de la patience. « Première élément de réponse, il faut que la décision soit disponible et qu’elle lui soit notifiée. Une fois que la décision lui est notifiée, lui-même se constitue prisonnier ou alors le parquet va le cueillir. C’est une fois ceci fait qu’il a dix jours pour se constituer prisonnier et accepter la décision ou alors il peut dire qu’il n’est pas d’accord. Dans ce cas, il pourrait être rejugé par la même juridiction voire la même chambre… ce n’est pas un appel mais plutôt une opposition qu’il peut faire » a expliqué le patron de la justice sénégalaise.
Au sujet du blocus qui empêche Ousmane Sonko de mettre un pied en dehors de son domicile, le ministre de l’intérieur Antoine Felix Diome justifie cette mise en résidence surveillé à la Cité Gorgui par la doctrine du maintien de l’ordre. « Le blocage oui, est ce qu’on peut laisser quelqu’un qui se lève un bonjour pour dire qu’il va faire une caravane sans déclaration. Et laissez compter les morts derrière. Non on ne le fera pas. A l’étape de Kolda, un mort a été constaté » s’explique Antoine Felix Diome.
Sur les saccages du BRT et du TER
Face aux médias, le gouvernement est revenu sur les manifestations violentes qui se sont produites plusieurs jours dans l’étendue du territoire national particulièrement à Dakar et à Ziguinchor. Sur cette question, le premier ministre Amadou Bâ renforce la thèse des forces occultes qui ont infiltré les manifestations avec des opérations de déstabilisation et de saccage bien orchestrées. « Il existe plusieurs éléments factuels qui suggèrent des indices graves et concordants de l’existence d’une stratégie de manipulation visant à commettre des infractions contre l’autorité de l’État et l’intégrité du territoire national. » soutient-il. Selon Amadou Bâ ces attaques « traduisent une entreprise de déstabilisation qui s’est poursuivie par des tentatives malveillantes de destruction et de sabotage d’infrastructures vitales et essentielles pour notre pays : dépôts de carburant, usine d’eau, centrale électrique » a-t-il déploré. Le premier ministre est revenu aussi sur les attaques contre le Bus rapide transit (BRT) et le Train express régional (TER). « J’ai visité le chantier du BRT, le spectacle est affligeant. Il en est de même pour l’Université, ce temple du savoir dont les espaces académiques ont été profanés … Le préjudice économique, financier, émotionnel et réputationnelsubi par la nation est inestimable. Nous condamnons sans réserve, toute forme de violence, de vandalisme et de destruction… Une évaluation est en cours pour estimer l’ampleur des pertes matérielles afin de déterminer les mesures à prendre au profit des entreprises et les mécanismes de soutien appropriés pour l’ensemble des victimes de ces événements », a-t-il rassuré…
Le point sur les enquêtes
Le premier ministre assimile aux manifestations à unappel à l’insurrection de la part du leader politique de l’opposition. « Ces manifestations font suite au prononcé du verdict du procès opposant Monsieur Ousmane Sonko à Mademoiselle Adji Sarr portant sur une accusation de viol et de menace de mort, précédé par les appels du leader du parti Pastef à un « mortal combat », à la résistance. Aussi, a-t-il lancé un appel à tous ses militants et sympathisants de rallier Dakar pour engager le « combat final » pour « déloger le Président Macky Sall du palais … » déclare Amadou Bâ. Après 16 morts officiellement dénombrés, le chef du gouvernement promet la lumière sur cette affaire. « Des enquêtes sont ouvertes pour déterminer les causes des décès et situer les responsabilités. Les violences notées, les destructions de biens publics et privés ont des répercussions négatives et un coût considérable, qui mettent en péril les emplois, les entreprises locales, tout comme les partenaires de pays amis et l’activité économique en général » soutient-il. Plusieurs arrestations ont été effectuées depuis plusieurs jours et la justice ira au bout des dossiers.
Réponse face aux menaces de plaintes à la CPI
Depuis plusieurs jours, un des avocats d’Ousmane Sonko, le français Juan Branco informe en train de mettre en œuvre un dossier pour le présenter devant la Cour pénale internationale. A ce sujet, le ministre des forces armées intervient : « Le Sénégal est un État de droit ! Notre pays a ratifié l’ensemble de conventions, notamment juridiques, morales et physiques. Ces accusations sont mal fondées. Que les gens arrêtent de tirer sur l’État du Sénégal et les forces de défense en parlant de poursuites judiciaires, c’est de la fanfaronnade. Ils n’ont ni la qualité ni la capacité de le faire », indique Me Sidiki Kaba. Il précise que le Sénégal n’a pas connu de crimes de guerre, ni de génocide pour être poursuivi devant ces juridictions. Pour les force de défense et de sécurité, Me Sidiki Kaba soutient qu’elles sont républicaines et responsables. « Je voudrais revenir sur ces points parce que les accusations qui sont portées, doivent être déconstruites. Dans État de droit, lorsqu’il y a de telles situations comme ce qui s’est récemment passé dans le pays, il faut préserver la stabilité. Je précise que le Sénégal n’est pas l’enfer des droits de l’homme. Notre responsabilité, c’est de rassurer tous les citoyens et à tous les niveaux » indique le chef des forces de l’armée. Le ministre a rappelé la solidité de la justice sénégalaise et qu’elle sera toujours au-dessus de tout le monde. « Nous sommes ensemble dans un cadre de paix et ceux qui provoquent et demandent à ce que la loi de la jungle soit faite, je leur dis qu’il n’y aura que celle du droit qui est la plus forte », conclut le ministre des forces armées.
El Hadji Malick SARR