juillet 26, 2025
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COOPERATION MILITAIRE : Repositionnement russe au Sahel de Wagner à Africa Corps

Au mois de juin dernier, le groupe Wagner a annoncé la fin de sa mission au Mali. Au même moment, Africa Corps a assuré que « la Russie ne perd pas de terrain » et annoncé que ses combattants entraient dans une phase d’opérations actives dans la région, offrant à Bamako un soutien plus conséquent. Dans une étude qui vient de paraitre, le centre Timbuktu Institute revient sur le repositionnement russe au Sahel, à travers Africa Corps. Selon Timbuktu Institute, le rapport dont DakarTimes vous propose une synthèse, vise à fournir une vue d’ensemble et une analyse de l’évolution du positionnement sécuritaire de la Russie par rapport à l’Alliance des États du Sahel et à l’Afrique dans son ensemble, en se concentrant sur le Mali. Il examine l’intégration d’Africa Corps dans les structures militaires africaines et les stratégies de recrutement de la Russie pour le continent africain durant sa quatrième année de guerre contre l’Ukraine. Il analyse le processus de transition et de mutation du Groupe Wagner au déploiement d’Africa Corps. Cette analyse passe aussi en revue, l’implication actuelle d’Africa Corps dans les conflits en cours contre les insurgés, et la manière dont la diplomatie russe et les médias perçoivent et décrivent ces processus. Le rapport s’intéresse, enfin, à la manière dont l’initiative de Moscou, de déployer Africa Corps renforce son soutien aux régimes militaires du Sahel, s’inscrit dans le cadre plus large des intérêts stratégiques de la Russie en Afrique.

DE WAGNER À AFRICA CORPS : RÉORGANISATION OU RUPTURE STRATÉGIQUE ?

Le passage de Wagner à Africa Corps institutionnalise, de fait, la présence militaire de l’État russe sur le continent africain. Les documents de recrutement officiels mis à la disposition du public révèlent qu’environ la moitié du personnel est constitué d’anciens combattants de Wagner et indiquent qu’un service antérieur en son sein est un atout, la préférence étant donnée aux anciens commandants. D’autres sources suggèrent que le nombre d’anciens combattants de la société militaire privée au sein d’Africa Corps pourrait atteindre 70 à 80 %. Au lieu d’une réinitialisation stratégique, Africa Corps représenterait l’effort du Kremlin pour formaliser et stabiliser un réseau qui était devenu politiquement trop coûteux et difficilement contrôlable. Les objectifs restent en grande partie les mêmes, mais la transition s’accompagne d’un changement majeur : la fin du déni plausible de la Russie. Wagner opérait dans une zone grise, officieusement et en dehors des structures officielles, le Kremlin niant ses liens souvent avec la société militaire privée. De fait, Africa Corps engage désormais officiellement la responsabilité de l’État russe, que ce soit pour la conduite sur le champ de bataille, les crimes de guerre potentiels ou les échecs opérationnels sur le terrain. Actuellement dans sa quatrième année de conflit avec l’Ukraine, la Russie semble confrontée à une importante crise de recrutement. Malgré cela, le ministère russe de la défense a intensifié et élargi le recrutement au sein de l’Africa Corps depuis février 2025 afin de renforcer ses effectifs. Ces efforts de recrutement ont été, aussi, notés dans la République du Tatarstan, une région russe à prédominance musulmane. Dans le cadre de ce dispositif, le centre régional « Batyr » se charge de l’enrôlement, promettant des primes de signature mirobolantes pouvant atteindre 2,5 millions de roubles (environ 18000000 F CFA) et un salaire mensuel à partir de 240 000 roubles (environ 1700000 F CFA) pour inciter les populations des régions russes périphériques et économiquement moins nanties à s’enrôler. Nombre de ces recrues n’avaient que peu d’expérience militaire ou cherchaient des contrats dans le cadre de la guerre contre Ukraine. Un cas assez illustratif, cité par le directeur du centre d’enrôlement de Batyr, concerne un jeune homme de l’Altaï Krai qui a tenté de s’enrôler pour combattre dans l’opération militaire spéciale » en Ukraine, mais qui a été poussé à rejoindre Africa Corps et à servir au Mali. L’intensification des recrutements au sein de l’Africa Corps correspond aux efforts récents déployés par la Russie pour étendre sa présence militaire au Sahel.

LA RUSSIE : VERS UN ANCRAGE SÉCURITAIRE DURABLE EN AFRIQUE ?

L’empreinte militaire de Wagner au Mali, au Burkina Faso, au Niger, en Libye et en République centrafricaine a été consolidée par l’Africa Corps, qui utilise désormais des bases russes fraîchement rénovées au Sahel, dont une près de l’aéroport de Bamako. Selon une source sécuritaire malienne, l’Africa Corps étend ses opérations également en établissant une trentaine de bases militaires et de postes avancés à travers le pays. Des équipements militaires, notamment des véhicules blindés BTR 82A, des obusiers Msta-B et D-30 et des drones de surveillance, sont acheminés par un couloir soutenu par l’État via le port guinéen de Conakry à bord de navires russes soumis à des sanctions internationales. Certains matériels seraient même transportés par avion depuis la base aérienne libyenne d’Al-Khadim. La Russie a également renforcé sa capacité de frappe aérienne au Mali avec le déploiement d’un bombardier tactique Su-24M, qui se serait écrasé à la mi-juin.

Africa Corps a été directement intégré dans les structures de sécurité de l’État hôte. Au Mali, le personnel russe est co-déployé avec les forces maliennes, opère à partir de postes de commandement conjoints et est intégré dans les unités nationales. Ils assument également de rôles de planification et de coordination opérationnelle, en particulier dans les zones marquées par l’activité des insurgés. Les programmes de formation comprennent désormais l’apprentissage du maniement des armes, ainsi que le traitement du renseignement et les protocoles de discipline interne fortement inspirés des anciennes méthodes de Wagner. Les agents de l’Africa Corps sont visiblement présents autour des installations clés de Bamako, assurent la sécurité personnelle des hauts responsables militaires et travaillent aux côtés des unités de gendarmerie. De ce fait, le déploiement russe a pour but d’apporter un soutien politique aux gouvernements dirigés par des militaires et de consolider une influence à long terme, sans condition de démocratie ou de respect des droits de l’homme.

Le 12 juin 2025, l’Africa Corps a subi sa première perte majeure sur le champ de bataille. En effet, un important convoi russo-malien est tombé dans une embuscade près d’Anoumalane, à 40 km au sud de Kidal, tendue par des séparatistes touaregs du Front de libération de l’Azawad (FLA). Le convoi avait déjà été touché par des engins explosifs improvisés la veille. L’agence de presse Reuters a confirmé la disparition d’au moins 23 combattants russes, dont beaucoup étaient des vétérans de l’opération Wagner précédemment déployés en Ukraine et en Syrie. African Initiative, un média russe proche du Kremlin, a publié des informations selon lesquelles le personnel ukrainien aiderait des groupes armés au Mali, notamment des Touaregs, en citant des documents et des drones qui auraient été récupérés par les forces maliennes.

En juillet 2024, le porte-parole des services de renseignement de la défense ukrainienne a déclaré que « les rebelles ont reçu les informations nécessaires, et pas seulement des informations, qui ont permis une opération militaire réussie contre les criminels de guerre russes » lors de la bataille de Tinzaouaten, mais il a depuis nié avoir fourni des drones à l’Armée de libération du Mali (ALF). Les allégations russes sur l’implication de l’Ukraine s’inscrivent dans le cadre des efforts plus vastes déployés par Moscou pour présenter l’Occident comme une force déstabilisatrice au Sahel. En plus d’un ancrage progressif de la Russie dans l’environnement sécuritaire sahélien, le déploiement d’Africa Corps impacte aussi le rapport de force dans le cadre de la compétition entre les puissances sur ce nouveau terrain de jeu d’influence qu’est devenu le Sahel. Ainsi, les risques de confrontations par proxys entre l’OTAN ou ses membres et la Russie s’accentuent dans un contexte inédit de reconfiguration géopolitique.

AFRICA CORPS ET L’HÉRITAGE WAGNER : UNE CULTURE DE LA VIOLENCE ?

Les rapports de Human Rights Watch font état de certains abus impliquant les forces maliennes et le personnel russe depuis 2021, notamment des exécutions massives, des disparitions forcées et des frappes de drones sans discernement. L’un des cas les plus notoires a eu lieu à Moura en mars 2022, où plus de 500 personnes ont été tuées au cours d’une opération de cinq jours menée conjointement par des soldats maliens et les éléments de Wagner. Ces rapports font état de l’utilisation de méthodes d’interrogatoire illégales et tortueuses, notamment l’emprisonnement dans des conteneurs et les coups de câbles et de matraques, des méthodes qui ont été utilisées par Wagner en Ukraine et en Syrie. Pour une certaine opinion publique critique vis-à-vis des forces maliennes, ces dernières semblent ne pas vouloir ou pouvoir contenir les auteurs russes, qui procèdent à des arrestations jugées arbitraires ou à des tortures.

Pour d’autres, les éléments russes rançonneraient les détenus de manière indépendante, avec peu de surveillance légale ou de contrôle de la part des autorités maliennes. La juridiction militaire dans le pays a été aussi, parfois, accusée de ne pas suffisamment sévir pour sanctionner les bavures et autres excès lors des opérations antiterroristes de Wagner. Elle bloquerait, aussi les enquêtes indépendantes, et des études qui ont évoqué des immunités qui auraient été accordées aux mercenaires dans le cadre d’accords antérieurs. Le JNIM s’est d’ailleurs servi de ces griefs à des fins de recrutement et de propagande en se présentant en protecteur de populations persécutées. Les atrocités, commises en toute impunité, ont alimenté la méfiance des populations civiles à l’égard du gouvernement et ont servi d’outil de recrutement important pour les groupes terroristes.

Le statut d’Africa Corps en tant qu’entité officielle de l’État russe marque une rupture comparée à l’ambiguïté juridique autour de Wagner par son rattachement institutionnel au ministère russe de la défense. Malgré toutes les zones d’ombre autour de ce nouveau dispositif, Africa Corps a déjà fait l’objet de nombreuses décisions importantes en dehors de l’espace Sahélien. Le Royaume-Uni avait sanctionné l’entité en novembre 2024 de même que le Parlement européen avait adopté, en juin 2025, une résolution sur les droits de l’homme appelant à « rendre des comptes au sujet des violations des droits de l’homme et les crimes de guerre commis par le groupe Wagner/Africa Corps ». Malgré le changement de statut juridique, de la société militaire privée à groupe paramilitaire d’État, certains continuent de déplorer des actes révélant une certaine impunité qui serait héritée des éléments combattants, de la logistique et des réseaux de Wagner, ainsi que des violences à l’encontre des populations civiles.

AFRICA CORPS ET LES INTÉRÊTS STRATÉGIQUES RUSSES EN AFRIQUE

La stratégie actuelle de la Russie en Afrique de l’Ouest serait définie par quatre éléments essentiels : Assurer la protection des régimes par le biais des déploiements de l’Africa Corps ; Acquérir un accès privilégié aux ressources naturelles ; Conclure des partenariats à long terme dans le domaine des infrastructures et de l’énergie avec les gouvernements post-coup d’État ; Saper publiquement l’influence occidentale dans une région longtemps dominée par la France et ses partenaires.

Ces éléments servent des objectifs géopolitiques plus larges façonnés par les retombées de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 et l’isolement qui en a résulté. Les pays africains comme la République centrafricaine et le Mali, offrent à Moscou des opportunités commerciales, ainsi qu’un levier diplomatique par le biais des votes aux Nations Unies, où les diplomates russes se sont efforcés de trouver des alliés pour contrer les résolutions portées par des puissances occidentales. Cette approche rappelle le contexte de la guerre froide, lorsque l’Union soviétique cherchait à attirer les pays africains nouvellement indépendants dans son orbite et à étendre son influence en soutenant les mouvements dits « anticoloniaux » et non alignés.

La rencontre de juin 2025 entre Vladimir Poutine et le colonel Assimi Goïta au Kremlin semble avoir formalisé cet alignement. Les accords signés portent sur la coopération nucléaire civile avec Rosatom (Agence fédérale de l’énergie atomique), les infrastructures routières et logistiques, ainsi que sur de nombreux projets de construction. Bien que ces accords profitent à la modernisation des infrastructures dans ces pays, certains semblent plus destinés à renforcer, plus spécifiquement, la présence institutionnelle russe. Moscou a également saisi toutes les occasions pour évincer progressivement la France et l’UE en tant que partenaires privilégiés, en se présentant comme le nouveau champion d’un nouvel ordre et de la souveraineté régionaux. Le Mali a accordé à la Russie l’opportunité économique de construire et d’exploiter une raffinerie d’or près de Bamako, faisant ainsi progresser la stratégie de Moscou qui consiste à intégrer des opérations économiques dans des alliances politiques sécurisées afin de financer sa vaste machine de guerre. Africa Corps, déployé au Mali et dans les pays voisins, serait le garant de ces accords. Son rôle ne se limite pas au combat et à la formation, mais s’étend à la protection des opérations d’extraction, à l’implication dans la gestion de la sécurité intérieure (police) des États, et à la continuité de la coopération avec les entités étatiques russes. En retour, des régimes issus de coups d’État bénéficient d’un soutien extérieur et d’une protection personnelle sans conditions liées à la démocratie, aux droits de l’homme ou aux réformes économiques.

Ce positionnement stratégique peut efficacement contrecarrer l’engagement occidental et ukrainien dans la région. Il faut signaler que, depuis 2022, l’Ukraine a renforcé sa présence diplomatique en Afrique, en ouvrant huit nouvelles ambassades, dont la plus récente en Mauritanie, où elle a proposé de former les forces armées régionales et fournit une aide humanitaire aux réfugiés maliens du camp de Mbera. Ces initiatives ont suscité des critiques de la part du Kremlin, qui accuse l’Ukraine de soutenir des acteurs insurgés et de saper la stabilité régionale. Dans ce contexte géopolitique, Africa Corps est un outil permettant de projeter la présence russe dans des États qui ont rompu leurs liens avec leurs partenaires occidentaux ou qui s’inscrivent dans une stratégie de diversification de leurs partenariats et coopérations. Les initiatives médiatiques et culturelles, dont African Initiative, complètent ce dispositif avec des objectifs en termes d’influence et de compétition en matière informationnelle.

ENTRE RÉCITS OFFICIELS ET GUERRE DE L’INFORMATION

Africa Corps fait partie d’un dispositif stratégique plus large d’opérations d’influence russes à l’échelle mondiale qui s’appuient sur un discours souverainiste, anticolonial et anti-occidental et qui sont menées par le biais d’une série de médias et de canaux diplomatiques, ainsi que par des formes de messages plus ciblées. Au centre de ces opérations se trouve African Initiative, une plateforme alignée sur le Kremlin qui amplifie les récits décrivant la Russie comme un libérateur des États africains de la domination néocoloniale. African Initiative a également servi à promouvoir et à légitimer Africa Corps dans le processus de transition, en le présentant comme une force stabilisatrice. Par le biais de conférences, de visites bilatérales et de messages officiels, African Initiative met l’accent sur l’image de la Russie en tant que puissance, capable de « rétablir l’ordre et la dignité » dans les États qui ont connu des coups d’État.

Mais au-delà des apparences, African Initiative joue un rôle central dans une vaste campagne jugée comme relevant de la désinformation. C’est ce qu’ont soutenu des organes de presse comme Le Monde et Forbidden Stories, qui ont enquêté sur les moyens mis en œuvre par le groupe pour asseoir son influence au niveau local. La stratégie consiste à proposer des formations au journalisme à Bamako, à recruter des étudiants comme correspondants et à organiser des journées culturelles avec des personnalités russes. Le groupe travaillerait en coordination avec les services de renseignement russes, produisant un contenu adapté au public local, souvent dans les langues locales au lieu du français, et vulgarisant la vision du monde anti-occidentale du Kremlin. Dans certains cas, des journalistes locaux seraient invités en Russie ou même dans des villes ukrainiennes occupées par les Russes, comme Marioupol, dans le cadre d’efforts visant à fidéliser ces groupes et à encourager la diffusion d’informations jugées pro russes.

Plutôt que de s’appuyer sur des manipulations supposées de l’information, la stratégie de désinformation préconisée est devenue plus sophistiquée, avec des campagnes sur les médias sociaux mêlant des informations réelles et l’utilisation d’un cadrage sélectif. La Russie utiliserait des influenceurs locaux rémunérés pour faire circuler des contenus qui accusent les pays occidentaux d’être responsables de l’insécurité dans la région du Sahel et les présentent comme des saboteurs, tout en faisant l’éloge du soutien militaire et diplomatique russe. L’organe de presse allemand DW rapporte que ces personnes, appelées  » buzzers », sont coordonnées à travers l’application Telegram et sont souvent liées à des ambassades officielles russes ou à des médias affiliés comme Russia Today (RT). Grâce à ce réseau, l’African Initiative est devenue un acteur clé de la guerre de l’information menée par Moscou en Afrique de l’Ouest, en façonnant une opinion publique favorable aux objectifs géopolitiques de la Russie.

En conclusion, Timbuktu Institute souligne que le déploiement d’Africa Corps au Sahel, en remplacement du groupe Wagner, marque une consolidation stratégique de l’influence russe, combinant une présence militaire institutionnalisée à une guerre informationnelle sophistiquée. La transition de Wagner, une entité semi-indépendante opérant dans une zone grise avec un déni plausible du Kremlin, à Africa Corps, directement contrôlé par le ministère russe de la Défense et lié au GRU, répond à plusieurs impératifs.

Après l’échec de la mutinerie de Wagner en juin 2023 et la mort de son chef, Yevgeny Prigozhin, le Kremlin a cherché à reprendre le contrôle d’un réseau devenu politiquement coûteux et difficilement gérable. L’institutionnalisation via Africa Corps permet à la Russie d’officialiser son engagement, de stabiliser ses opérations et d’assumer une responsabilité directe dans ses ambitions géopolitiques, tout en projetant une image de puissance étatique plus cohérente face à la concurrence occidentale et ukrainienne.

Cette stratégie s’appuie sur des opérations d’influence orchestrées à travers diverses plateformes comme African Initiative, qui diffusent un narratif anti-occidental et souverainiste à travers des médias locaux, des influenceurs que l’on dit rémunérés et des initiatives culturelles, telles que les formations journalistiques à Bamako ou les visites de correspondants en Russie. En présentant la Russie comme un allié fiable contre une « déstabilisation occidentale », Moscou façonne l’opinion publique pour légitimer son rôle et contrer l’influence de la France, de l’UE et de l’Ukraine, notamment en dénonçant les initiatives diplomatiques et humanitaires ukrainiennes, comme l’ouverture de nouvelles ambassades et l’aide aux réfugiés maliens.

Cette montée en puissance s’inscrit dans un contexte de rivalités géopolitiques croissantes, accentuant les risques de confrontations par procuration entre la Russie, l’OTAN et l ’Ukraine. Les « allégations » russes d’une implication ukrainienne dans des attaques contre Africa Corps, comme l’embuscade d’Anoumalane en juin 2025, illustrent cette escalade potentielle dans les mois à venir.

En soutenant sans condition des régimes militaires issus de coups d’État, la Russie fragilise les dynamiques démocratiques et exacerbe l’instabilité régionale. Les pratiques de violations des droits humains héritées de Wagner, telles que les exécutions extrajudiciaires et tortures documentées à Moura en 2022, persistent sous Africa Corps, alimentant le mécontentement communautaire. Ces abus, souvent commis en toute impunité, renforcent le recrutement djihadiste par des groupes comme le JNIM, qui exploitent les griefs des populations, menaçant ainsi la stabilité sécuritaire du Sahel. Pour faire face à ces défis, les États sahéliens, comme le Mali, devraient diversifier leurs partenariats pour éviter une dépendance excessive envers la Russie. Une gouvernance inclusive, intégrant les communautés locales dans les processus de paix, est cruciale pour apaiser les tensions ethniques exacerbées par les exactions de Wagner et d’autres éléments russes. La mise en place de mécanismes régionaux de contrôle des forces étrangères, assorties d’enquêtes indépendantes sur les violations des droits humains, pourrait limiter l’impunité et restaurer la confiance entre populations et forces de sécurité et de défense.

Enfin, une coordination renforcée au sein de l’Alliance des États du Sahel, couplée à une communication transparente et au soutien de médias indépendants, permettrait de contrer les manipulations informationnelles de toutes parts. Sans ces ajustements, le Sahel risque de devenir un théâtre durable de rivalités et de confrontations par procuration, où l’influence institutionnalisée de la Russie, portée par Africa Corps et une guerre informationnelle agressive entre différents acteurs, pourrait approfondir l’instabilité, compromettant les perspectives de paix et de développement à long terme.

Synthèse de Rokhaya KEBE

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