juin 11, 2025
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Economie

COUTS PETROLIERS ET GAZIERS : Comment maximiser les recettes fiscales des hydrocarbures au Sénégal ?

En 2014, le Sénégal a fait la plus grande découverte de pétrole au monde dans l’année. Malgré cela, le pays n’est pas (encore) un géant africain du pétrole et du gaz en termes de réserves. En effet, ses réserves de gaz étaient estimées à 35 milliards de pieds cubes (TCF) en 2017, contre 5 fois plus pour le Mozambique. Cependant, toutes les découvertes de pétrole et de gaz au Sénégal n’ont pas encore été évaluées. Il n’en demeure pas moins que les réserves évaluées à ce jour sont conséquentes. A la fin de l’année 2017, les réserves pétrolières estimées du gisement SNE au Sénégal (560 millions de barils de pétrole récupérable) dépasseraient les réserves pétrolières de la Tunisie (0,4 milliard de barils). C’est dans cette dynamique que s’inscrit une étude réalisée par Seydou Coulibaly et Yannis Arvanitis, respectivement du Centre Africain des Ressources Naturelles (ECNR) et du Bureau de Coordination de la Gouvernance et de la Gestion des Finances Publiques, Banque Africaine de Développement, intitulée « Maîtriser les coûts pétroliers et gaziers pour maximiser les recettes fiscales des hydrocarbures au Sénégal » publiée par la BAD.

 

CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL DU CONTRÔLE DES COÛTS PÉTROLIERS ET GAZIERS AU SÉNÉGAL

La structure organisationnelle dans laquelle opèrent les agents publics en charge du contrôle des opérations pétrolières est aussi déterminante pour une meilleure imposition de la rente pétrolière. De façon schématique, la direction des hydrocarbures (DH) sise au Ministère du pétrole et des énergies a en charge le suivi des opérations pétrolières et elle valide les décisions opérationnelles des compagnies pétrolières. La société nationale pétrolière (Petrosen E&P) participe pour le compte de l’Etat aux opérations pétrolières aux côtés des compagnies pétrolières internationales sous la forme d’un consortium dont elle détient au moins 10% des parts sociales. La direction générale des impôts et des domaines (DGID) est chargée de la liquidation et de la collecte des impôts sur les sociétés pétrolières en tenant compte des dispositions de la fiscalité de droit commun (CGI), du code pétrolier et des contrats pétroliers. De toute évidence, ces trois structures étatiques (DH, DGID, Petrosen E&P) qui interviennent dans l’amont pétrolier détiennent des informations pertinentes pour le contrôle et la maîtrise des coûts pétroliers et gaziers et pour le calcul optimal de l’impôt sur les sociétés des compagnies pétrolières. En effet, en tant que régulateur du segment amont pétrolier, la direction des hydrocarbures suit et valide les plans de développement des gisements et a donc une connaissance des coûts engagés dans les opérations pétrolières et elle valide les estimations de réserves prouvées. En outre, le ministère du pétrole a en charge les installations pétrolières de métrologie de la production et à ce titre, les services de ce ministère enregistrent les volumes de production à la tête du puit. La société nationale pétrolière Petrosen E&P en tant que coentreprise aux côtés des compagnies pétrolières internationales est bien placée pour avoir une idée plus affinée des coûts pétroliers car elle contribue elle-même à la prise en charge des coûts pétroliers si l’Etat décide d’accroitre sa part sociale dans le capital du consortium en phase de production (‘working interest’). En outre, la compagnie pétrolière nationale devrait avoir le droit en tant que coentreprise de contrôler les coûts facturés par l’opérateur qui est généralement l’actionnaire majoritaire du consortium. La participation de Petrosen E&P aux opérations pétrolières lui procure des connaissances sur les transactions commerciales et une expertise sectorielle qui seront bénéfiques pour les contrôles fiscaux. La société nationale pétrolière sert de levier important pour réduire l’asymétrie d’informations qui existe entre l’Etat et les compagnies pétrolières internationales au sujet des opérations pétrolières et gazières. La direction générale des impôts à travers l’interconnexion et les recoupements avec le fichier des douanes détiendrait des informations sur les coûts des importations des intrants, de l’outillage et du matériel destinés aux opérations pétrolières dans le pays. D’un point de vue portant sur l’efficacité institutionnelle, l’efficacité des contrôles et le degré d’asymétrie d’information sont grandement liés à la capacité de coordination et d’échange d’informations entre ces entités. Les lois portant sur le traitement ou l’admissibilité des coûts pétroliers et gaziers doivent être conçues et rédigées avec clarté et cohérence afin que les inspecteurs des impôts disposent d’un arsenal juridique adéquat pour protéger les recettes fiscales du secteur des hydrocarbures. Au Ghana, le manque de clarté autour du principe de cloisonnement fiscal des gisements pétroliers aurait permis à la compagnie pétrolière internationale Tullow Oil de consolider les coûts pétroliers d’un gisement en phase d’exploration contre les revenus d’un autre gisement en phase de production, ce qui aurait retardé le paiement de recettes fiscales de plus de 50 millions de dollars américains pour le Ghana (Oxfam, 2018). En effet, le fisc ghanéen interprétait la loi sur la séparation de la comptabilité comme étant la séparation de la comptabilité des gisements tandis que la compagnie pétrolière Tullow Oil interprétait le texte comme la séparation de comptabilité des gisements issus de différents contrats pétroliers, ce qui était permis sur la base de la loi de l’impôt sur les recettes pétrolières de 1987. L’absence de règlements ou notes pratiques sur la question n’a pas aidé à la clarification de la question (Oxfam, 2018). En édictant en 2019 une loi sur le contenu local dans le secteur des hydrocarbures pour favoriser une meilleure inclusion des entreprises locales dans la chaîne de valeur pétro-gazière, l’Etat sénégalais pose les jalons pour favoriser un meilleur contrôle des coûts pétroliers et gaziers. En effet, les coûts de contrôle fiscaux auprès des fournisseurs locaux des compagnies pétrolières internationales seront relativement plus faibles et la sous-traitance locale réduit dans une certaine mesure les possibilités de pratiquer les prix de transferts pour les compagnies pétrolières internationales. La communauté internationale sous l’égide de l’OCDE est active dans l’élaboration des règles de lutte contre l’évasion fiscale à travers les prix de transferts en encourageant l’échange de renseignements entre juridictions fiscales nationales et l’application du principe du prix de pleine concurrence. Dans le cas du Sénégal, les récents ajouts législatifs relatifs à l’échange d’information entre administrations.

EXPÉRIENCES INTERNATIONALES EN MATIÈRE DE CONTRÔLE DES COÛTS PÉTROLIERS

Au regard de l’avantage comparatif que détient chacune des structures étatiques intervenant dans les différents échelons des opérations pétrolières, une synergie d’actions entre ces structures serait efficace dans la maîtrise des coûts pétroliers et favoriserait ainsi la détermination appropriée de la base d’imposition des sociétés pétrolières. A l’instar de plusieurs pays en développement, au Sénégal, la collaboration entre les entités publiques impliquées dans les opérations de l’amont pétrolier n’est pas maximale et elle a besoin d’être renforcée et formalisée pour plus de gains d’efficacité dans la maitrise des coûts pétroliers en vue d’assurer une large part de la rente pétrolière à l’Etat. Dans cette perspective, l’une des bonnes pratiques pour relever les défis du suivi et du contrôle des coûts pétroliers et gaziers serait de créer une entité interinstitutionnelle et multidisciplinaire pour contrôler les coûts et la production du pétrole. Cette entité pourrait comprendre, entre autres, des experts comptables, des économistes ou des avocats et experts en prix de transfert et en logistique ainsi que des spécialistes du secteur pétrolier (ingénieurs pétrole, chimistes pétroliers) issus des différentes entités publiques impliquées dans les opérations et la gouvernance des hydrocarbures. En Côte d’Ivoire, il existe un département chargé du contrôle des coûts pétroliers et gaziers au sein de la compagnie pétrolière nationale (Petroci), avec notamment la participation de la Direction de l’exploration et de la production des hydrocarbures du Ministère des Mines et de l’Energie. Les spécificités du secteur pétrolier et la taille des montants en jeu de la fiscalité pétrolière comparativement aux autres secteurs industriels militent en faveur de la mise en place d’une unité spéciale en charge du contrôle des coûts pétroliers et de la gestion fiscale de ce secteur (Revenue Watch Institute, 2008). L’unité multidisciplinaire pour la fiscalité pétrolière trouve également une pertinence dans le fait que les prix de vente de la production pétrolière méritent parfois d’être ajustés car les ventes de pétrole s’opèrent parfois entre firmes intragroupe et donc à des prix différents du prix de pleine concurrence. L’ajustement du prix pour déterminer la valeur réelle de la production nécessite la connaissance de la composition physico chimique du pétrole, notamment l’API (American petroleum institute) du pétrole. Ce qui exige des analyses en laboratoire par des chimistes spécialistes du pétrole, et une revue par des experts en l Dans le cas de la Norvège, dans un but de clarté et d’équité, le petroleum Tax Act de 1975 a établi une entité indépendante (Petroleum Price Board) chargée de statuer tous les trimestres sur un certain nombre de prix liés à la production dans le bassin Norvégien. Cette institution est composée de quatre experts nommés par le gouvernement, d’un représentant du Ministère des finances, et d’un représentant du Ministère du pétrole et de l’énergie. Quant à l’arrangement institutionnel pour le contrôle effectif des coûts et la définition de la base taxable, il revient entièrement à un bureau dédié à la taxation pétrolière et gazière (Petroleum tax office) au sein de l’administration fiscale du pays. En outre, le profit pétrolier qui sert de base d’imposition de l’impôt sur les sociétés est la valeur de la production déduite des coûts pétroliers et de la redevance pétrolière. L’organisme public chargé de la vérification du volume de production et du calcul de la redevance (la direction des hydrocarbures du ministère du pétrole au Sénégal) doit communiquer avec la direction générale des impôts. Cela permettrait de vérifier si le montant de la production déclaré pour le calcul de la redevance ainsi que le montant de la redevance pétrolière payé sont conformes aux chiffres que la compagnie pétrolière internationale déclare au fisc pour le calcul de l’impôt sur les bénéfices. Le manque de communication entre l’entité publique chargée du calcul de la redevance et le fisc pourrait donc ouvrir des possibilités de fraude fiscale pour les compagnies pétrolières. La communication entre l’organisme chargé de vérifier le calcul de la redevance et la direction générale des impôts renforce l’efficacité dans l’administration des impôts exigibles des sociétés pétrolières car elle évite que le fisc vérifie à nouveau le calcul et le montant de la redevance et les volumes de production, tâches déjà réalisées en amont par l’entité publique compétente (le régulateur) évitant ainsi une duplication des efforts. Les résultats des audits de l’initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) ont encouragé le Nigeria à mettre sur pied un processus visant à favoriser la communication entre les institutions gouvernementales impliquées dans les questions pétrolières afin de garantir que les calculs de l’impôt sur les sociétés soient basés sur des données contrôlées par l’autorité de régulation et utilisées par celle-ci pour calculer les redevances. L’administration fiscale au Ghana (Ghana Revenue Authority) est le responsable des contrôles fiscaux. La Commission pétrolière (régulateur des opérations pétrolières) possède des connaissances et une expertise sectorielle qu’elle est disposée à mettre au service de l’administration fiscale dans le cadre des contrôles fiscaux. Cependant l’administration fiscale ghanéenne n’a pas accordé une suite favorable à la proposition de la commission pétrolière de créer un bureau d’audit conjoint et de détacher du personnel auprès de l’administration fiscale (Oxfam, 2018). Afin de surmonter les difficultés de coordination entre organismes publics dans l’administration des recettes pétrolières, le gouvernement ghanéen a mis sur pied un comité interinstitutionnel des recettes pétrolières (Multi-Agency Petroleum Revenue Committee) comprenant des membres issus de la commission pétrolière, la société nationale pétrolière, du ministère des finances, du ministère de l’énergie et de la banque centrale du Ghana. Le comité interinstitutionnel est présidé par le Secrétaire d’Etat aux finances et son objectif central est de coordonner et de partager les informations entre les organismes publics impliqués dans les opérations pétrolières. Le comité se réunit tous les trois mois et il prévoit de créer un portail en ligne qui sera hébergé par l’administration fiscale (Ghana Revenue Authority) pour le partage des informations. Cependant, le comité ne bénéficie pas de financement, ce qui soulève des questions sur la pérennité de ce dispositif sachant que le Ghana disposait par le passé d’un groupe de travail sur les recettes minières chargé de traiter les problèmes de coordination interinstitutionnelle dans le secteur minier. Ce groupe de travail a été dissous en 2014 en raison de la fin du financement du gouvernement australien (Oxfam, 2018). Au Congo, il existe un mécanisme de fiscalité duale dans un cadre où tous les contrats sont basés sur le partage de production (CPP). D’un côté il y a l’impôt sur les sociétés assorti d’une redevance ad valorem sur la base du CPP. En parallèle, sont dus les impôts et taxes de droit commun basés sur le Code Général des Impôts. Dans un tel contexte, deux institutions sont impliquées. En premier lieu, le service spécial au niveau de la Direction Générale des Impôts est responsable de la gestion des déclarations fiscales découlant du droit commun, ainsi que les contrôles de ces déclarations. En même temps, un service au niveau de la Direction Générale des Hydrocarbures en collaboration avec la Direction des Ressources Naturelles rattachée au Ministère des Finances est impliqué dans la gestion des déclarations des instruments de prélèvement découlant du CPP, les contrôles de ces déclarations ainsi le suivi des audits des coûts pétroliers. Cette organisation nécessite de facto une collaboration étroite entre services, sans instance de coordination particulière. En termes de capacités, si les services ont un staff dédié, les missions d’audits tendent à être réalisées par des Cabinets Indépendants, ce qui ne favorise pas le développement des capacités d’audits internes à l’écosystème national du secteur des hydrocarbures. La Direction Générale des Douanes, qui in fine est chargée de contrôler les exportations et les importations d’équipements et biens pour la production des hydrocarbures est l’une des institutions importantes à prendre en compte dans les mécanismes de coordination. A ce titre, elle joue un rôle dans le processus fiscalisation, et notamment en ce qui concerne le contrôle de la qualité et la composition des hydrocarbures. En Trinité et Tobago, une unité spécialisée a été instaurée à cet effet, travaillant de concert avec les laboratoires et la direction des impôts dans le but de mieux appréhender les flux et la qualité des produits pétroliers, notamment dans les cas de transfert (Fiscal measurement / Custody Transfer).

RECOMMANDATION D’APPROCHE POUR LE CONTRÔLE DES COÛTS PÉTROLIERS ET GAZIERS AU SÉNÉGAL

La coordination interinstitutionnelle est cruciale pour permettre de maitriser les coûts et déterminer l’assiette fiscale. Cependant le Sénégal ne dispose pas de mécanismes d’échange automatique d’informations pour but fiscal entre le régulateur (ministère du pétrole et des énergies), la société nationale pétrolière (Petrosen E&P) et la direction générale des impôts et des domaines (DGID) et la Direction Générale des Douanes (DGD). La communication entre organismes publics peut paraître évident, mais dans la pratique ce n’est souvent pas le cas car les entités gouvernementales ont tendance à œuvrer indépendamment les unes des autres avec une faible culture d’échanges de renseignements et de partage des données. La législation sur la confidentialité des données de tiers ou des accords de confidentialité sont parfois à l’origine des obstacles liés au partage de données entre structures gouvernementales. La recommandation de politique pour surmonter cette contrainte serait de clarifier que la confidentialité des données de tiers ne saurait être évoquée comme motif de refus d’échanges lorsqu’il s’agit d’échanges de renseignements entre administrations publiques intervenant dans le secteur des ressources naturelles pour la taxation des industries extractives. Dans cette perspective, la création d’une unité regroupant les agents des différents organismes publics censés collaborer dans le cadre de la fiscalité pétrolière permettrait de surmonter les insuffisances du cadre législatif pour le partage de données de tiers entre les entités publics. Le but de l’unité de gestion fiscale des activités pétrolières et gazières est d’assurer la complémentarité des compétences de l’administration fiscale pour le contrôle des opérations pétrolières. La mise en synergies des compétences réduirait la faiblesse des capacités techniques et humaines qui fragiliserait le contrôle des coûts pétroliers et gaziers. Le contrôle des coûts pétroliers est une activité technique qui nécessite des connaissances multidisciplinaires et une expertise sectorielle pour faire face aux éventuelles tentatives de surestimation des coûts et d’optimisation fiscale planifiées par les experts financiers, les juristes et fiscalistes expérimentés travaillant pour les compagnies pétrolières internationales. La DGID dispose d’une direction de la législation et de la coopération internationale et également d’une direction chargée du renseignement et des stratégies de contrôle fiscal. Il est donc impératif de renforcer les capacités techniques et le personnel de ces deux directions stratégiques dans le contrôle des coûts pétroliers et gaziers et dans la lutte contre l’évasion fiscale en augmentant leurs infrastructures et leurs effectifs des inspecteurs fiscaux dédiés au secteur des hydrocarbures. En Norvège, le Bureau de fiscalité pétrolière compte 48 employés chargés de contrôler 70 compagnies de prospection et de production d’hydrocarbures, soit un ratio de moins de 2 contribuables par inspecteur des impôts. Au Ghana, le ratio inspecteur fiscal / contribuable du secteur des hydrocarbures est égal à 1 suggérant que chaque inspecteur fiscal a en charge le traitement fiscal d’un seul contribuable du secteur pétrolier et gazier. La disponibilité et la difficulté d’accès à des données de référence constituent l’un des obstacles majeurs à un contrôle efficace des coûts pétroliers et gaziers. Par exemple, pour dé terminer si les honoraires d’un consultant en ingénierie des réservoirs sont raisonnables, l’on peut comparer les tarifs facturés par d’autres consultants pour des prestations similaires dans des conditions similaires. Les nouveaux pays producteurs de pétrole et de gaz comme le Sénégal ne disposent souvent pas de base de données qui synthétise les coûts des prestations de services pratiqués dans l’amont pétrolier. Le Sénégal aura donc besoin de se rapprocher des pays producteurs d’hydrocarbures pour obtenir des données sur les différents coûts des prestations de services des consultants dans l’amont pétrolier qui ont été jugés raisonnables et acceptés par l’administration fiscale de ces pays pionniers dans l’industrie pétrolière afin de servir de benchmark pour le contrôle des coûts similaires au Sénégal. Les échanges de données de coûts et de renseignements sur les compagnies pétrolières entre les juridictions fiscales nationales peuvent permettre de minimiser l’asymétrie d’informations entre le gouvernement et les compagnies pétrolières internationales et limiter l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale agressive. Cependant, la demande de renseignements sur les contribuables entre pays peut être insatisfaisante en raison d’un manque de base légale à cette interaction. Le Forum Mondial a intensifié les efforts ces dernières années afin que les pays en développement participent pleinement et tirent profit des mécanismes internationaux de partage des informations à but fiscal de façon automatique ou sur requête dans un réseau qui comptait 154 pays dont 29 pays africains en 2019. Le Sénégal est depuis 2016 parmi les pays qui se sont largement conformés à la mise en œuvre du protocole du Forum Mondial pour l’échange de renseignements. La taille non négligeable du secteur des hydrocarbures au Sénégal favorise la collecte de données de référence sur le plan national et international pour comparer et vérifier les coûts pétroliers et gaziers. Le pays devrait donc renforcer les capacités de l’administration fiscale notamment son infrastructure des technologies et l’information et de la communication. Cela devrait favoriser les échanges et le traitement des informations entre juridictions fiscales dans le cadre du Forum Mondial ou tout autres accords d’échanges de renseignements à but fiscal concernant le secteur des hydrocarbures (Coulibaly & Arvanitis, 2020). Ces initiatives sont en cours, notamment avec l’appui technique du Forum mondial qui a débuté en 2021, et les mesures de politiques dans le cadre de l’appui budgétaire programmatique octroyé par la Banque Africaine de Développement (BAD, 2019) au gouvernement sénégalais pour la période 2019-2022. Des organismes privés compilent des données commerciales sur les entreprises multinationales et également des données dans le secteur des hydrocarbures à travers le monde. Lorsque les firmes réalisent que l’administration fiscale a accès à ces données, cela peut les dissuader et modifier leur comportement dans le sens d’un meilleur civisme fiscal dans la déclaration des impôts. Ces données commerciales peuvent en effet servir de référence pour le contrôle des coûts. Cependant, leur obtention est parfois coûteuse alors que les capacités financières des pays en développement sont généralement limitées, ce qui entrave l’obtention de ces données internationales. Les partenaires techniques et financiers ont un rôle à jouer pour appuyer financièrement le Sénégal pour obtenir les données internationales sur les coûts dans le secteur des hydrocarbures. Au niveau national, les autorités compétentes sénégalaises devront constituer une base de données des différents appels d’offres lancés dans le secteur des hydrocarbures même si cela introduit un biais en faveur des appels d’offre comme mode de passation des marchés publics dans le secteur. Les propositions financières et techniques des appels d’offres constituent un cadre de référence qui peut être utile en matière de coûts pétroliers et gaziers. Dans la même veine, les accords de sous-traitance doivent être approuvés par le législateur afin de rejeter tout accord de sous-traitance ayant des termes jugés non raisonnables. Les données extraites des contrats de sous-traitance approuvés permettront la constitution d’une base de données qui pourrait servir de référence pour le contrôle des coûts pétroliers et gaziers. La sous-traitance véhicule le risque de pratique des prix de transferts puisqu’une part importante des opérations commerciales des compagnies pétrolières internationale s’effectuent avec des firmes liées au même groupe. Le risque d’optimisation fiscale et donc de possibilité de surestimation de coûts étant élevé pour les opérations commerciales entre entités du même groupe, il convient d’accorder une attention particulière à ces transactions et éviter d’être submergé par des informations inutiles dans le cadre de la détermination de l’impôt exigible des compagnies pétrolières. La matrice d’identification des principaux risques fiscaux, comptables et opérationnels liés à la collecte des recettes publiques dans le secteur des hydrocarbures est fourni en annexe 1 pour servir d’élément de cadrage sur l’optimisation fiscale dans le secteur. La faiblesse des capacités des administrations fiscales africaines fait qu’elles ne peuvent pas passer au peigne fin toutes les transactions commerciales des contribuables. Pour surmonter ce problème, l’administration fiscale du Kenya (Kenya Revenue Authority) a élaboré une plateforme électronique de déclaration fiscale en ligne des transactions effectuées entre parties liées afin de permettre à l’administration fiscale d’examiner attentivement ces transactions dans le cadre des contrôles fiscaux. La faiblesse des capacités techniques et financières renforce l’idée de la mise en place officielle d’une unité interinstitutionnelle chargée de coordination des coûts pétroliers et gaziers afin de favoriser la mise en synergie des forces et dynamiser la coopération et l’échange d’informations entre les organismes publics qui interviennent dans l’administration des recettes pétrolières et gazières. Dans la même dynamique de coopération interinstitutionnelle, la société nationale pétrolière devra participer aux audits de coentreprise et partager les résultats desdits audits ainsi que toute autre information pertinente avec les organismes publics impliqués dans la vérification des coûts pétroliers et gaziers.

Synthèse de Rokhaya KEBE

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