Plus de 3.500 prisonniers islamistes ont été libérés à Homs par les hommes du mouvement rebelle Hayat Tahir al-Cham (HTC ex-branche d’Al Qaïda en Syrie. La montée en puissance de ces groupes djihadistes à Damas risque d’avoir des conséquences sur la sécurité au Sahel.
En 2010 et 2016, le Sahel a connu une situation sécuritaire très difficile du fait de l’émergence de groupes terroristes entre la Syrie, la Turquie et l’Irak. Ces groupes avaient une influence très forte dans cette partie de l’Afrique.
Cette période avait coïncidé avec la chute du régime de Mummahar Kadhafi dont le pays était devenu la capitale du djihad dans le Sahel juste après l’éclatement du « Printemps arabe ». Des cellules de Daesh et de l’Etat islamiste financées à partir de la maison mère Irako-Syrienne émergeaient à Tripoli, à Benghazi, à Syrte avec des ramifications jusqu’au Mali et ses voisins. (actuelle AES).
La normalisation de la situation politique en Irak et progressivement en Syrie, avait permis d’éradiquer les groupes islamistes entre ces deux pays. Finalement, après la mort d’Al Bagdadi, la situation sécuritaire s’est fortement améliorée, provoquant également une extinction des tentacules de l’Etat islamique et du Daesh dans le Sahel, notamment en Libye. Les hommes du Général Khalifa Haftar soutenus par le Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT) dirigé par Mahamat Mahdi Ali, avaient réussi à chasser Daesh de l’Est lybien.
LES MEMES CAUSES EN SYRIE, PRODUIRONT LES MEMES EFFETS AU SAHEL
Même si les média occidentaux qualifient le groupe Hayat Tahrir al Cham de mouvement rebelle, son leader Abou Mohammad Al Jolani demeure un membre influent d’Al Qaïda. Comme en Afghanistan en 1979, les Occidentaux ont encore utilisé des combattants islamistes pour combattre un dirigeant arabe pro-russe. Reste maintenant à assurer le service après-vente qui va consister à désarmer les troupes islamistes afin d’accélérer la période de transition pour mettre en place un gouvernement. C’est l’unique solution pour éviter que la Syrie ne devienne une nouvelle Libye, ce pays qui tarde à retrouver son unité nationale. Le parrainage des groupes rebelles par la Turquie, par l’Israël et la probable résistance des mouvements armés pro iraniens encore loyaux au régime sortant, vont rendre l’après-Bachar assez difficile à gérer.
Une déliquescence de la situation sécuritaire en Syrie va ressusciter les groupes armés au Sahel. Il a été établi dans le passé, des liens entre Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) et la maison mère syrienne sous le règne d’Al Bagdadi. Et les cellules islamistes irako-syriennes de Daesh étaient en contact avec certains groupes établis en Libye entre 2011 et 2016. D’ailleurs, dans l’une de ses déclarations, Al Bagdadi avait demandé aux djihadistes subsahariens de faire acte d’allégeance à sa filiale libyenne. Aujourd’hui, il faut s’inquiéter face à cette insécurité qui menace le Sahel, surtout les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) avec la chute de Bachar.
Faudra-t-il croire à l’explication d’Aghiad Ghanem docteur en relations internationales franco-syrien et enseignant en Sciences Po qui dit que : «pour conquérir le pouvoir en Syrie, le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC), ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, a opéré un « changement stratégique ». Selon lui, le leader de Hayat Tahrir al-Cham a compris «qu’en restant dans cette idée du jihad global, il n’arriverait pas à se construire une respectabilité».
Par ailleurs, dans une interview accordée au journal «LeDiplomate.media », le 03 Décembre 2024, Alain Chouet, ex-DGSE interrogé par Roland Lombardi, disait par rapport aux groupes rebelles (islamistes) : «Il n’aura échappé à personne que l’offensive inopinée et massive avec véhicules, chars, drones et armes lourdes des djihadistes de « Hayat Tahrir as-Sham » (HTS) confinés depuis plusieurs années dans la poche d’Idlib sous contrôle et occupation de l’armée et des services turcs n’a pu se faire qu’avec l’assentiment et l’appui d’Ankara voire, plus probablement, à son instigation ».
Alain Chouet ajoute : «cette offensive a été permise par un « effet d’aubaine » dont bénéficient les organisations djihadistes du fait des bouleversements et déséquilibres régionaux induits par l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 menée par le Hamas et la réponse extensive que lui a opposée l’armée israélienne sur tout le pourtour de l’État hébreu ». Contrairement aux média français, Alain Chouet les qualifie «d’organisationsdjihadistes ».
Il poursuit pour souligner que «la manœuvre turque n’a de sens et ne produira de bénéfices pour Ankara que si elle est maîtrisée. Aucun des acteurs de la région n’a intérêt à ce qu’un pouvoir salafo-djihadiste incontrôlable s’installe à Damas… à commencer par la Turquie. Mais c’est aussi le cas de la Jordanie, du Liban et surtout d’Israël qui n’a aucun intérêt à voir son vieil adversaire syrien affaibli et incapable d’agir remplacé par une bande de fous furieux autrement plus motivés et dangereux que le Hamas ». Selon Monsieur Chouet, à l’instardes pays du Sahel, «les pays Occidentaux ont tout à craindre du foyer terroriste que pourrait constituer un État djihadiste en Syrie ». Cette remarque est justifiée par les nombreuses familles européennes établies en Syrie après leur adhésion aux mouvements djihadistes.
Le risque d’une propagation de l’insécurité terroriste de la Syrie vers le Sahel est encore confirmé par Alain CHOUET qui craint une internationalisation du djihad. Il dit : «ancienne filiale d’Al-Qaïda, Hayat Tahrir ash-Sham s’en est dissocié en renonçant au concept de révolution islamique mondiale pour se recentrer sur une problématique strictement locale. Mais « l’appétit vient en mangeant » et ses succès locaux pourraient relancer l’organisation sur des objectifs plus vastes comme cela avait été le cas pour Da’esh ».
Rolland Lombardi prend le contrepied de ceux qui qualifient ces islamistes de «rebelles ». Les qualifiant d’islamistes, il dit dans son éditorial publié sur «LeDiplomate.media» : «Il y a à peine une semaine, une alliance de groupes jihadistes menée par Hayat Tahrir al-Sham (HTS), anciennement Jabhat al-Nosra a lancé une offensive de grande ampleur depuis son bastion d’Idlib. En moins de quelques jours, cette coalition a pris le contrôle de grandes villes comme Alep, Hama, Homs et cette nuit la capitale, Damas ! Dans le sud du pays, le régime avait également perdu rapidement des positions stratégiques, notamment à Deraa et à la frontière jordanienne. Ce coup de force spectaculaire et fulgurant révèle non seulement la résilience des groupes islamistes, mais aussi leur capacité à frapper là où le régime syrien était le plus vulnérable ».
Enfin, au-delà de l’aspect sécuritaire, le Mali, le Niger, le Burkina Faso ainsi que la Guinée et le Tchad, devraient craindre une contamination de ces contestations populaires qui ont réussi à chasser du pouvoir, le très puissant Bachar Al Assad malgré le soutien de la Russie et de …Wagner.
Déjà au Mali et au Burkina Faso, les transitions sont affaiblies par le limogeage des premiers ministres civils et par les récurrentes contestations de la classe politique qui exige la fin de la transition. C’est aussi le cas en Guinée où le colonel MamadyDoumbouya cherche à s’accrocher au pouvoir par tous les moyens.
Mamadou Mouth BANE