juin 6, 2025
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DEMOCRATIE-DROITS HUMAINS-3e MANDAT : L’Alerte d’Afrikajom Center

Ce rapport est le premier du genre exclusivement porté sur la géopolitique du Sénégal que le Think Tank Afrikajom Center a envisagé de publier sous ce format, sans l’intégrer comme d’habitude dans le cadre global des études sur les pays de la CEDEAO. Il s’agit de situer le Sénégal dans le monde, le Sénégal en Afrique et le Sénégal au sein de la CEDEAO, le Sénégal dans l’islam.

Mais surtout dans le contexte global d’un basculement géopolitique qui rebat les cartes des relations internationales, des rapports de force et d’influence des Grandes Puissances dans le monde et des puissances moyennes sur le continent africain. Force est de constater l’émergence de puissances moyennes qui cherchent à s’affranchir de toutes les tutelles, et une volonté politique de plus en plus marquée des leaders africains de nouer des relations de partenariat gagnant-gagnant avec toutes les grandes puissances.

Il existe une donnée majeure de la géopolitique qui constitue un point aveugle ou un angle mort, dont l’impact grandissant dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociale est présente : il s’agit de la révolution numérique et digitale, de l’influence du web sur la vie politique et démocratique de tous les pays du monde et tout particulièrement des pays africains. Le web est en train de bouleverser fondamentalement notre rapport au savoir et à la connaissance, il s’agit d’une véritable révolution industrielle qui reste impensée et presque absente dans les établissements d’enseignements et dans les universités.

Quelques marqueurs qui permettent de situer le Sénégal

  • Le Sénégal traverse un tournant majeur de son histoire politique, économique et sociale dans un contexte de basculement géopolitique mondial dont les contours sont encore assez flous avec l’émergence d’un monde multipolaire marqué par des tendances lourdes à la démondialisation, à la désoccidentalisation et à la dédollarisation, consécutives aux effets du conflit Russo-Ukrainien et l’influence de l’Islam.
  • En ce qui concerne le Continent africain, au regard des différents sommets Europe-Afrique, France-Afrique, Japon-Afrique, Russie-Afrique, Chine-Afrique, Amérique-Afrique, Turquie-Afrique, le constat le plus évident c’est que l’UA est beaucoup plus un objet de la géopolitique de pays développés en quête de matières premières et d’investissements ou de puissances moyennes qu’un sujet actif porteur d’une vision et d’une stratégie géopolitique continentale. Concernant la régulation des crises politiques, sécuritaires, humanitaires et en matière de gouvernance, l’UA en dépit d’efforts palpables reste désespérément impuissante face aux coups d’Etat militaires et inconstitutionnels. C’est pire concernant les crises sécuritaires car la Force en attente n’existe que sur le papier, elle n’est pas opérationnelle et n’a pas de fonds pour fonctionner face à la dégradation continue de la situation sécuritaire au Sahel, notamment au Burkina-Faso, au Mali, au Niger et au Nigéria. Les Groupes Armés Terroristes (GAT) gagnent de plus en plus du terrain et propagent la menace ans les pays du Golfe de Guinée, notamment au Togo, au Bénin, au Ghana, et ils pointent le nez aux frontières du Sénégal.
  • Le basculement géopolitique mondial a un impact réel au Sénégal surtout avec la présidence de l’Union africaine assurée par le Président Macky SALL et qui lui permet d’intégrer momentanément la cour des grands avec son implication dans l’actualité internationale caractérisée par sa rencontre avec le Président Poutine, le Président ZELENSKY, le Président BIDEN et le Président Xi JINPING qui assurait la présidence du G20. Toutes choses qui confirment une tradition diplomatique qui depuis l’indépendance et le Président Léopold Sédar SENGHOR a contribué à donner du Sénégal l’image d’un pays influent en Afrique et dans le monde.
  • En Afrique de l’Ouest francophone, le contexte politique, géopolitique, sécuritaire et social caractérisé par une multitude de crises cumulatives, complexes et connectées a eu pour effet l’émergence de coups d’Etat militaires et inconstitutionnels qui ont souvent pour sources profondes le forcing de certains Chefs d’Etat à vouloir conserver coûte que coûte le pouvoir par des révisions qui violent la Constitution avec le troisième mandat, ou la fraude électorale.

Ces manoeuvres politiques toxiques pour la démocratie ont donné naissance aux dictatures militaires et aux régimes autoritaires, populistes et souverainistes qui affectent lourdement la cohérence, l’efficacité et l’impact de l’action des institutions et organes de régulation de la CEDEAO, de l’UA, voire des Nations Unies. Ces institutions régionales, sous régionales et internationales ont montré leurs limites objectives à réguler les crises politiques et sécuritaires de la sous-région.

  • Cette nouvelle donne géopolitique remet brutalement en question toutes les normes et règles relatives à la démocratie, à l’Etat de droit et aux libertés fondamentales acquises depuis les années 90 à la suite des conférences nationales souveraines inaugurées par le Bénin. On assiste à un véritable basculement qui, si on y prend garde va constituer un facteur de division et de régression au sein des Etats membres de la CEDEAO et de l’UA.
  • A cette situation, il faut ajouter la présence et l’influence de l’islam fondamentaliste, salafiste, wahhabite et djihadiste qui exerce une pression sur la vision et les pratiques sociales (application de la charia, code vestimentaire, port de la barbe, etc.) partout en Afrique de l’ouest, le Sénégal n’échappe pas à cette influence manifeste depuis la révolution iranienne de 1979, avec la création de l’Etat islamique.
  • Géopolitique de l’Islam et son impact sur la démocratie et la sécurité au Sahel

La faiblesse et/ou la disparition des idéologies politiques de « gauche » qui représentaient et auxquelles pouvaient s’accrocher certaines catégories sociales parmi les classes moyennes et les moins nanties ont permis à une sorte de « théologie de la libération » de prendre, depuis la chute du mur de Berlin. Cette situation va ébranler le modèle idéologique local construit depuis l’époque coloniale et que certains chercheurs sénégalais, dont l’historien Mamadou DIOUF, appellent le modèle islamo-wolof3. Ce modèle soufi, confrérique, reposant sur l’existence d’un chef charismatique et une organisation hiérarchisée, verticale, dont le pouvoir se transmet de père en fils, a subi à la fois des fractures internes et externes.

L’Islam soufi tient historiquement un rôle social, politique et économique primordial en Afrique de l’ouest. Il représente dans certains pays très largement islamisés, tel le Sénégal, la pratique religieuse dominante. « Dans de nombreuses régions, les communautés religieuses cohabitent sans problème, c’est le cas au Sénégal, au Burkina Faso, au Cameroun ou en Afrique du Sud, entraînant d’ailleurs le partage de certaines pratiques animistes dans les cérémonies des religions monothéistes, facilitant une forme de syncrétisme sur lequel les congrégations dites chrétiennes sont plutôt silencieuses ».

Ce modèle soufi largement dominant au Sahel et en Afrique de l’ouest, et qui contribuait à l’harmonie de la société et au vivre ensemble, est de plus en plus ébranlé par un modèle salafiste « nouveau » qui le conteste par le discours, la pratique ou pire par les armes, aggravant les conflits communautaires traditionnels latents. Dans les pays du Sahel où nous avons les GAT, nous vivons une violence de type apocalyptique.

L’existence du web et d’internet avec la révolution digitale et numérique, l’accès aux textes sacrés sans intermédiation semble avoir joué un rôle important. Au Sénégal, l’impact le plus palpable de cet affrontement figure dans l’organisation séparée des plus grandes fêtes de l’islam. Mais c’est surtout au plan politique et démocratique où l’on sent un basculement qui se manifeste dans pratiquement tous les aspects de la vie politique et sociale au Sénégal et dans toute la sous-région.

D’ailleurs, Bakary SAMBE, auteur des Contestations islamisées5, nous confiait que « la force du salafisme et sa capacité de pénétration des élites y compris intellectuelles, résident, entre autres, dans son ingénieuse manière d’utiliser la modernité technologique pour mieux combattre la modernité sociale ». Pour lui, cette tendance touchant les élites et une classe moyenne en quête d’une religiosité « rationnalisée », face à ce qu’il considère comme des faiblesses structurelles des confréries qui relèvent de deux facteurs : les relations complexes qui parfois confinent à la complicité entre le leadership islamique traditionnel et les régimes politiques souvent rejetée par une jeunesse en quête de sens. Sans compter la capacité des courants salafistes à créer des espaces où leurs discours convergent avec ceux de l’islam traditionnel.

  • Enjeux géopolitiques et les dysfonctionnements politique, économique, social, sécuritaire et idéologique

Les Etats et les leaders de la CEDEAO et du Sahel subissent plusieurs pressions et influences géopolitiques qui créent des dysfonctionnements dans le domaine politique, digital, économique, social, sécuritaire et idéologique, du fait de l’affrontement sans merci des Grandes Puissances mondiales (France, Grande-Bretagne, Russie, Chine, Etats-Unis…), mais aussi de certaines puissances émergentes (Turquie, Arabie Saoudite, Qatar, Maroc…).

Nous avons l’exemple du Mali qui coopère avec la Russie dans le domaine sécuritaire avec le départ de la France et de Barkhane, certains pays européens (Belgique, République Tchèque, Danemark, Estonie, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Portugal et Suède) sont aussi entrain de quitter le Sahel. Situation qui n’a pas été sans impact sur l’unité des Etats de la CEDEAO. Les nouvelles tensions qui font l’objet de vives controverses entre l’Est et l’Ouest au Mali portent précisément sur la coopération sécuritaire avec la Russie et l’arrivée de Wagner, exacerbé par la guerre en Ukraine.

La situation sécuritaire avec une violence apocalyptique, inédite dans la sous-région, qui ne cesse de se dégrader depuis 2012 et qui s’étend comme un feu de brousse dans les pays à façade maritime (Cote d’Ivoire, Bénin, Togo, Ghana), prouve l’incapacité de la communauté africaine et internationale à trouver les réponses appropriées.

Pire aucune initiative africaine pour une réponse ou une autonomie stratégique africaine face à la menace djihadiste ne semble émerger. A notre avis ni l’Europe confrontée à une grave récession économique avec le conflit ukrainien, ni la Russie, ni les Nations Unies, encore moins les Etats-Unis qui assurent un service minimum au Sahel ne peuvent trouver une réponse à la crise sécuritaire au Sahel et en Afrique de l’ouest.

Sur le plan économique et financier, le débat sur l’abandon du Franc CFA et l’adoption de l’ECO comme monnaie unique de la CEDEAO est devenu non seulement stratégique, mais d’une actualité brûlante, du fait de la montée d’une idéologie souverainiste en Afrique de l’ouest. Ce débat tient en haleine l’opinion africaine, notamment les milieux intellectuels, il est devenu viral sur les réseaux sociaux. Tout cela se passe dans un contexte mondial marqué par l’émergence d’aspirations profondes à un monde multipolaire et au changement de la gouvernance mondiale. Enfin, l’Afrique compte dans la géopolitique mondiale par ses énormes ressources naturelles, la qualité de ses ressources humaines, la variété et la beauté de ses ressources environnementales.

S’agissant de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAF), elle est négociée par l’Union africaine (UA) et signée par une quarantaine de pays de ses 55 États membres le 21 mars 2018. L’accord n’a cessé d’intégrer de nouveaux pays. Ainsi, cet accord contraint initialement les membres à supprimer les droits de douane de 90 % des marchandises.

En dépit des efforts consentis depuis plusieurs décennies pour la construction de l’intégration économique régionale en Afrique de l’ouest, les résultats obtenus sont encore en deçà des attentes. Si des pas importants ont été franchis en matière d’intégration économique régionale, force est de reconnaître le retard accusé en se basant sur les ambitions affichées par les dirigeants et les peuples de l’Afrique de l’ouest pour la construction d’un espace économique intégré, structuré, solidaire, porté par des politiques efficaces et cohérentes capables de valoriser l’énorme potentiel de cette région. De nombreuses contraintes entravent encore la construction d’un marché régional dense et structuré. Parmi ces contraintes :

– L’inapplication ou l’ineffectivité des protocoles, décisions et règlements sur la libre circulation des personnes et des marchandises,

– La complexité et l’inaccessibilité des textes communautaires ;

– La méconnaissance des textes communautaires ;

– La faiblesse de l’implication des acteurs non étatiques ;

– Le manque d’informations sur les opportunités de marché dans les pays voisins ;

– La faiblesse des capacités productives et des chaînes de valeurs régionales ;

La grave crise institutionnelle et tout ce qu’elle génère, explique la faiblesse objective de la

CEDEAO à réguler les crises cumulatives, très complexes de la démocratie, de la gouvernance, des droits humains et de la sécurité qui menacent la stabilité de tous les Etats membres.

Dynamiques démocratiques vs résistance au changement

Les dynamiques démocratiques en Afrique de l’ouest impulsées par les partis d’opposition et les coalitions de partis depuis 2012 en Afrique de l’ouest avec la participation de la jeunesse, pour s’opposer au troisième mandat, aux régimes autoritaires ou à l’échec des politiques sécuritaires dans certains pays, ont produit des réponses variées.

Au plan politique, nous assistons à l’émergence de coups d’Etat militaires, de régimes autoritaires et populistes, à la montée d’une idéologie souverainiste qui se manifeste comme des réponses aux pathologies et aux dysfonctionnements de la démocratie. Malheureusement ce sont des réponses inadaptées et parfois même pires que le mal : on gouverne de plus en plus par la peur et par la répression avec la détention arbitraire et l’emprisonnement des dissidents politiques, de journalistes et d’activistes de la société civile. Ce qui réduit l’espace civique comme peau de chagrin, avec comme effet pervers, l’autocensure qui affecte des journalistes, certains leaders d’opposition et des défenseurs des droits humains, etc. De plus en plus, on assiste à l’exil forcé d’opposants, de membres de la société civile ou des journalistes.

S’il a toujours été un modèle de démocratie en Afrique et particulièrement en Afrique de l’Ouest, force est de constater que la gouvernance démocratique du Sénégal a connu un déclin perceptible depuis plus d’une décennie. Ce modèle en déclin dysfonctionne pour plusieurs raisons : il est affecté par des faiblesses institutionnelles et structurelles qui touchent pratiquement tous les aspects de la gouvernance politique, économique et sociale.

Au plan politique, économique ou administratif, la gouvernance a connu une dégradation dans la gestion transparente des élections : notamment avec les tensions et les violences politiques sur des questions relatives à l’éligibilité des candidats aux élections législatives et à l’élection présidentielle. Aujourd’hui la question non encore résolue du troisième mandat, qui revient comme un serpent de mer a contribué à créer un climat de tensions, de violences et de malaise si jamais connue depuis 1990.

L’impunité des crimes économiques que les juridictions sénégalaises et les mécanismes de régulation n’arrivent pas à résoudre quand il s’agit d’actes commis par des membres de la coalition au pouvoir, constituent un véritable défi au Sénégal.

Ces constats de la Cour des Comptes se passent de commentaires. Plus de 700 milliards de FCFA avaient été mobilisés pour la riposte Covid-19 par les bailleurs et l’État sénégalais, soit plus de 1 milliard d’euros. Sur 180 pages, le rapport de la Cour des comptes charge lourdement la gestion de ce fonds.

Les contrôleurs disent avoir relevé une surfacturation de plus de 2,7 milliards de FCFA sur le prix du riz acheté et distribué aux populations les plus démunis pendant le confinement. Elle pointe aussi une surfacturation des gels hydroalcooliques. Selon le rapport, 19 milliards de FCFA ont également été alloués à des dépenses sans lien avec le Covid-19. Par exemple, l’achat de bacs de fleurs par le ministère de l’Urbanisme.

La Cour des comptes souligne aussi un problème d’attribution des marchés. Trois agences de voyages appartenant à la même personne, ont remporté 17 marchés pour un total de 15 milliards de FCFA de fournitures médicales. L’institution relève que ces sociétés n’avaient aucune expérience dans la fourniture d’équipements médicaux. Enfin, le rapport révèle le paiement en espèces de certains fournisseurs alors que les textes imposent un règlement des dépenses de l’État par chèque ou virement. La Cour des comptes demande donc au garde des Sceaux l’ouverture d’informations judiciaires contre 10 responsables impliqués.

C’est dans le contexte d’érosion continue des normes de la démocratie et de l’Etat de droit qu’il faut mesurer, évaluer le sentiment grandissant de défiance de l’opinion et tout particulièrement des nouvelles générations face à la faiblesse des réponses face aux défis de la mal gouvernance et de la corruption.

La gestion postélectorale, des législatives du 31 juillet 2022, avec une nouvelle configuration politique du Parlement sénégalais sans majorité absolue : Benno Bokk Yakaar (coalition au pouvoir), avec 82 sur 165. Les cinq coalitions de l’opposition se partageant les 83 autres avec Yewwi Askan Wi (56), Wallu (24), Bok Guiss Guis (1), Aar Sénégal (1) et les Serviteurs (1).

Avec de tels résultats sur le plan électoral qui en dépit des tensions, des violences et du malaise ambiant, le Sénégal montre paradoxalement la bonne santé de sa démocratie électorale. Mais on n’a pas tiré le meilleur profit pour modérer les tensions politiques en gouvernant ensemble, et surtout réexaminer ensemble un contrat social mal en point, rectifier ensemble les dysfonctionnements électoraux des législatives pour aller vers une présidentielle transparente et apaisée en 2024, que semble indiquer le choix des électeurs sénégalais.

Afrikajom center avait d’ailleurs proposé à cet effet une transition civile et un gouvernement d’union nationale, totalement ignorée par les autorités. Au contraire on a transformé l’Assemblée Nationale en un lieu d’affrontement souvent violent et qui a par moment fait appel à l’intervention des forces de l’ordre rappelant ainsi les images du 17 février 1962 avec la plus grave crise de l’histoire politique du Sénégal.

Alioune TINE,

Fondateur du Think tank Afrikajom Center

Encadré… Encadré… Encadré…

  • Lever les obstacles sur l’éligibilité électorale :

En 2019, les quatre candidats de l’opposition avaient contesté les élections présidentielles. Depuis le début du processus électoral, l’opposition a constaté que la majorité présidentielle voulait imposer de nouvelles règles du jeu totalement différentes de celles qui ont permis l’élection du Président Macky SALL.

La loi sur le parrainage a créé une véritable hécatombe pour l’éligibilité de la majorité des candidats à la présidentielle de 2019. Sur vingt-sept (27) dossiers de candidature déposés devant le Conseil Constitutionnel, seuls cinq (5) ont été retenus dont celui du Président sortant. « Il s’agit d’une loi d’éviction qui porte atteinte au principe de libre participation aux élections et viole les droits civils et politiques des Sénégalais qui étaient en lice pour l’élection présidentielle de 2019. », déclare à Jeune Afrique Me Abdoulaye TINE, selon qui « l’encadrement d’un scrutin ne doit être ni arbitraire ni discriminatoire ». C’est dans cette logique que Maître Abdoulaye TINE de L’USL (Union Sociale Libérale) avait introduit un recours devant la cour de justice de la CEDEAO en 2018.

La cour de la CEDEAO se déclare compétente pour connaître ce litige et déclare la requête de l’USL recevable. Elle dit cependant que le code électoral sénégalais, tel que modifié par la loi 1102018-22 du 04 février 2018, viole le droit à la libre participation aux élections. Le 29 avril 2021, la Cour a ordonné l’État du Sénégal de supprimer dans un délai de 6 mois, la loi portant sur le parrainage. Elle estime que cette loi porte atteinte au principe de la libre participation aux élections.

  • Le 3emandat : une véritable bombe à retardement

Après avoir renoncé à son engagement de réduire le mandat présidentiel de 7 à 5 ans réitéré plusieurs fois, le Président de la république avait organisé, dans des délais très courts et dans la division, le référendum du 20 mars 2016 qui proposait aux Sénégalais plusieurs réformes institutionnelles. Ces dernières sont au nombre de quinze (15) points mais la réforme qui a le plus attiré l’attention des Sénégalais est celle de la durée du mandat du Président. Trois jours après le scrutin, la commission chargée de la compilation annonce le « oui » vainqueur avec 62,7 % des suffrages aboutissant à la validation du projet de révision de la Constitution proposé par le Président et qui lui permet maintenant de bénéficier d’un mandat de 7ans.

Le Sénégal demeure vulnérable à des reculs démocratiques, comme partout ailleurs, en l’absence de changement profond dans le rapport entre le gouvernant et les gouvernés. La vigilance et la capacité d’organisation des citoyens engagés sur les questions de démocratie et d’État de droit ont joué un rôle majeur pour préserver l’image démocratique du pays lorsque le Président Abdoulaye WADE est passé en force pour être candidat à un troisième mandat et a été finalement battu dans les urnes.

Le régime actuel a réalisé un coup de force en amont de l’élection de 2019 en écartant deux candidats potentiels perçus comme les plus redoutables : Karim WADE, fils et ministre tout-puissant sous la présidence d’Abdoulaye WADE, puis Khalifa SALL, maire de Dakar et pressenti pour être le chef de file de l’opposition. Et maintenant, il y a l’affaire Ousmane SONKO, opposant numéro 1 du régime.

Au mois de février 2021, il est accusé de viols et menaces de mort par une femme employée d’un salon de massage. Convoqué le 3 mars au tribunal de Dakar pour être entendu, Ousmane SONKO est finalement arrêté pour troubles à l’ordre public car, en se rendant au palais de justice, il était accompagné d’une armée de partisans. Ce fut un complot fomenté par le pouvoir pour abattre un adversaire politique, selon Ousmane SONKO. L’arrestation a alors mis le feu aux poudres et ravivé le courroux d’une partie de la jeunesse sénégalaise qui voit en Ousmane SONKO un défenseur de la démocratie et le seul opposant capable de défier Macky SALL, accusé de faire appel aux vieux démons du continent africain : la dictature.

  • La crise de la démocratie, des élections et du suffrage universel au Sénégal

Le suffrage universel est le marqueur essentiel de la légitimité démocratique aujourd’hui. En dernière instance, c’est l’élection qui permet de départager les principaux protagonistes de l’arène politique, d’où l’intérêt majeur d’élections transparentes et honnêtes permettant de d’arbitrer de façon juste et équitable les confrontations adversaires politiques en compétition.

Cet exercice pose de plus en plus de problèmes au Sénégal. Le Sénégal traverse à l’heure actuelle la crise démocratique la plus grave et la plus complexe, sans doute, de son histoire politique et de son histoire électorale depuis François CARPOT et Blaise DIAGNE en 1914. Cet arc de crise démocratique a formé un noeud politique complexe et particulièrement retord qui fait que l’éligibilité et le destin de certains candidats à la présidentielle dépend exclusivement de la volonté du Président de la République. Pire, après avoir révisé la

Constitution, avec l’article 27 «Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs », qu’il a initié et interprété pendant quatre (04) ans comme un verrou qui met définitivement un terme à toute possibilité de faire plus de deux mandats, après avoir dit et écrit que son second et dernier mandat se termine en 2024, il se met à hésiter et à envisager la possibilité d’un troisième mandat.

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