Six millions de nouvelles infections par le VIH et quatre millions de décès supplémentaires liés au sida pourraient survenir entre 2025 et 2029 si les services de traitement et de prévention du VIH soutenus par les États-Unis s’effondrent complètement, a prévenu jeudi une agence ces Nations Unies, relevant que de telles coupes remettent en cause plus de vingt ans de progrès dans la lutte contre la pandémie de sida.
Selon la cheffe de l’ONUSIDA, il ne s’agit pas seulement d’un déficit de financement, mais d’une bombe à retardement.
« Nous avons vu des services disparaître du jour au lendemain. Des agents de santé ont été renvoyés chez eux. Et les gens, en particulier les enfants et les populations clés, sont écartés des soins », a déclaré Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA, à l’occasion de la publication du rapport 2025 de l’agence sur le sida dans le monde.
Interruption de l’aide américaine
En avril dernier, l’ONUSIDA avait déjà évalué les conséquences d’une interruption permanente du Plan d’urgence présidentiel de lutte contre le sida porté par les États-Unis (PEPFAR) et calculé que cela causerait plus de six millions de nouvelles infections et 4,2 millions de décès liés au sida en quatre ans, ramenant la pandémie à des niveaux qu’elle n’avait plus connu depuis le début des années 2000.
Le PEPFAR avait engagé 4,3 milliards de dollars d’aide bilatérale en 2025. Il avait soutenu le dépistage du VIH pour 84,1 millions de personnes et le traitement du VIH pour 20,6 millions de personnes. Le Plan a également permis à 2,3 millions d’adolescentes et de jeunes femmes de bénéficier de services complets de prévention du VIH en 2024.
Environ 31,6 millions de personnes bénéficient d’un traitement antirétroviral selon un chiffre de 2024 et le nombre de décès lié au virus a été plus que divisé par deux comparé à 2010, rappelle un rapport publié jeudi par l’ONU qui ravive les craintes pesant sur les programmes de prévention et de traitement.
Programmes de prévention durement touchés
En attendant, les perturbations se font sentir dans l’ensemble de la riposte au VIH.
Au Mozambique, par exemple, plus de 30.000 membres du personnel de santé ont perdu leur emploi. Au Nigéria, le nombre d’initiations à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) a chuté de 40.000 à 6.000 personnes par mois.
Toutefois, les efforts de prévention étaient déjà en perte de vitesse avant le retrait de l’aide américaine. En 2024, il y a eu 1,3 million de nouvelles infections, soit presque autant que l’année précédente. Plus de 210.000 filles et jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans ont contracté le VIH en 2024, soit une moyenne de 570 nouvelles infections par jour, selon le rapport de l’ONUSIDA.
En 2024, 630.000 personnes sont mortes de causes liées au sida, dont 61 % en Afrique subsaharienne. « Les services gérés par les communautés, qui sont essentiels pour atteindre les populations marginalisées, sont défaits à un rythme alarmant », a précisé l’ONUSIDA.
Au début de l’année 2025, plus de 60 % des organisations de lutte contre le VIH dirigées par des femmes interrogées avaient perdu leur financement ou avaient été contraintes de suspendre leurs services.
Exemples de résilience en Afrique
Malgré ces sombres perspectives, le rapport présente également des exemples de résilience, avec des pays et des communautés qui font face à l’adversité pour protéger les acquis et faire avancer la riposte au VIH.
Seuls 25 des 60 pays à revenu faible ou intermédiaire inclus dans le rapport ont augmenté leurs budgets nationaux pour le VIH en 2026. L’augmentation moyenne s’élève à 8 %, soit environ 180 millions de dollars de ressources nationales supplémentaires.
L’Afrique du Sud finance actuellement 77 % de sa riposte au sida et son examen du budget 2025 prévoit une augmentation annuelle de 5,9 % des dépenses de santé au cours des trois prochaines années, dont une augmentation annuelle de 3,3 % pour les programmes de lutte contre le VIH et la tuberculose.
Appel à la solidarité
Pour l’agence onusienne basée à Genève, ces mesures constitueraient « les premières étapes d’un nouveau règlement économique susceptible de donner aux pays la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour investir dans la riposte mondiale au VIH », note l’ONUSIDA.
Toutefois une action urgente et une solidarité renouvelée sont nécessaires pour maintenir les progrès accomplis et empêcher une résurgence du VIH. « En temps de crise, le monde doit choisir la transformation plutôt que le recul », a fait valoir Mme Byanyima. « Ensemble, nous pouvons encore mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d’ici à 2030, si nous agissons de toute urgence, dans l’unité et avec un engagement inébranlable ».
Le rapport de l’ONUSIDA a été publié avant la Conférence scientifique sur le sida IAS 2025 qui se tiendra à Kigali, au Rwanda, du 13 au 17 juillet 2025.