Les discours du président Poutine du 30 septembre et du 27 octobre 2022 posent un ton si virulent envers l’Occident qu’ils poussent à s’interroger sur les causes de l’offensive russe en Ukraine et son timing. En effet, c’est bien le champ lexical de la colonisation qui domine dans ces discours. Il accuse ainsi sans retenue l’Occident : « Il n’y a rien de nouveau là-dedans, car les élites occidentales sont restées ce qu’elles étaient : colonialistes ». Il n’est donc plus question de lutter uniquement contre l’armée « nazie » de Zelensky mais bien de combattre les tenants du colonialisme. Il met ainsi en lumière un autre théâtre d’opération de l’affrontement avec l’Occident qu’il a lancé, un des plus évidents : l’Afrique. S’il n’est plus à prouver que la Russie mène une offensive d’influence contre la France sur ce continent, il semble opportun d’en décrire les ressorts.
Il est important de décrire les manœuvres initiées par Moscou, qui, comme durant la Guerre froide, remet l’Afrique au centre d’affrontements idéologiques. Car comment expliquer les drapeaux russes brandis par de jeunes Burkinabés le 3 octobre 2022 pour soutenir le coup d’État (le deuxième en neuf mois) sinon par l’instrumentalisation russe ? Aujourd’hui, le continent africain est devenu un enjeu à part entière pour la mise en place d’un réseau de déstabilisations diplomatiques contre la France, et, par ricochet, l’Occident.
En marge de cela, le groupe Wagner est depuis plusieurs années au centre de l’attention de chercheurs et de médias. L’objet de cette note n’est pas de le définir – cela a déjà été produit. Il s’agit plutôt ici de décortiquer la nature de la relation entre l’Afrique et la Russie et de saisir avec plus de précision le rôle de Wagner dans le dispositif. Finalement, les rapprochements entre la Russie et les divers gouvernements africains servent-ils des intérêts communs ? Ou n’existent-ils que dans la consolidation d’une communauté politique réunissant des personnalités africaines et russes qui tentent d’imposer un modèle de gouvernance plus autocrate que démocratique pour servir leurs intérêts ? Il convient en tout cas d’éviter de tomber dans le piège de « Wagner l’omnipotent » car même s’il est le bras armé de la politique africaine de Vladimir Poutine, c’est bien au Kremlin que les choses se décident.
FSBlack is the new Françafrique
Quels sont les rapports entre Wagner et Vladimir Poutine dans la politique de la Russie en Afrique ? Nous assistons actuellement à la mise en place d’un réseau entre les dirigeants africains et des personnalités du FSB, dans lequel le rôle de Wagner n’est pas prépondérant, mais fait néanmoins partie intégrante du rouage mis en place, dont la présente note tente de décrypter les objectifs.
Plusieurs éléments laissent à penser que Moscou a mis en place une dynamique calculée destinée à créer un nouveau front international avec l’Occident pour ennemi, front qui commence par une opposition à la France en s’appuyant sur un système de pillage de ressources minières. Nous le nommons ici le FSBlack, appellation choisie en référence aux autres groupes paramilitaires comme Blackwater ou Blackshield et à l’opacité de leurs motivations réelles en Afrique. Ce terme fait écho également au FSB, qui en est l’un des piliers, mais il évoque surtout l’idée que l’Afrique n’est aux yeux des Russes qu’un marchepied pratique pour alimenter une position stratégique mondiale. En d’autres termes, tout comme la Françafrique, si le FSBlack finance et soutient des régimes discutables en Afrique, il n’en demeure pas moins qu’à aucun moment ce rapprochement ne se fait dans le cadre d’une réflexion « d’égal à égal » et voit l’Afrique constituer l’alibi d’une ambition hégémonique russe. L’utilisation par Vladimir Poutine d’un narratif idéologique reposant sur la lutte contre la colonisation permet de renforcer la légitimité du soutien africain tout en inscrivant le positionnement géopolitique de la Russie dans une logique de non-alignés, mélangeant ainsi les combats politiques et leur temporalité. Voulant vraisemblablement piéger l’Occident, Moscou mise sur l’idée que celui-ci serait incapable de s’opposer à de tels arguments sans revêtir une posture colonialiste et que le spectre des indépendantistes des années 1960 suffirait à conforter la posture de leader anti-Occident de la Russie. Le dispositif est assez simple : créer un réseau au travers d’Etats faibles et dont la gouvernance tend à évoluer vers un durcissement des contraintes aux libertés, se positionner contre l’Occident en arguant d’une lutte anti-coloniale, alors même que l’objectif est l’enrichissement de quelques acteurs.
Plusieurs pistes suggèrent que le FSBlack est un moyen pour la Russie de maintenir des personnalités africaines au pouvoir, que ce soit à l’occasion d’une élection ou pendant un mandat en cours, par tous les moyens possibles, au prix parfois de la vie de civils. La présente note se veut un outil supplémentaire dans la lecture des trajectoires diplomatiques et politiques du « front afro-russe » qui se construit petit à petit contre l’Occident, et prenant la France pour première cible. Trois pays seront plus particulièrement traités : la Centrafrique, le Mali et Madagascar. Dans ce cadre, une mise en perspective avec les pratiques et modes de fonctionnement de la Françafrique peut, dans une certaine mesure, proposer les clés d’une grille de lecture propre au fonctionnement du FSBlack.
Selon Pierre Péan, la Françafrique consisterait en une multitude de réseaux dissimulés et extra-diplomatiques (services de renseignement, entreprises multinationales, barbouzes, etc.), allant parfois jusqu’à une ingérence française directe dans les affaires intérieures d’anciennes colonies, avec ou sans la complicité d’élites africaines locales. En outre, la Françafrique s’illustre dans quatre affaires emblématiques que Le Monde a listées : l’affaire des diamants de Bokassa, l’affaire du Carrefour du développement, l’affaire Elf et l’Angolagate. Ces affaires dessinent une caractéristique clé : l’enrichissement d’une minorité française et africaine au mépris de la garantie minimum de survie des pays concernés.
Il n’est pas question ici de faire le réquisitoire ou la plaidoirie de la Françafrique. Malgré les critiques et l’évolution de la relation entre la France et l’Afrique, ainsi que la multitude d’articles décrivant une perte d’influence importante de la France sur le continent, le terme résiste, en particulier dans des narratifs portés par des collectifs associatifs selon lesquels cette relation n’a pas changé.
Côté étatique, le « pré carré » français suscite, depuis les années 1990, des interrogations quant aux formes de coopération et aux perspectives de renouvellement du partenariat avec le continent africain sans réellement trouver de modèle tranchant avec l’idée d’un lien paternaliste. Ces interrogations n’ont pas produit des lignes politiques renouvelées satisfaisantes, la France reste coincée dans des errances intellectuelles sur l’Afrique dans lesquelles la question mémorielle vient hanter toute tentative de changement.
L’élection du président Emmanuel Macron porte l’idée d’un enterrement définitif du concept de Françafrique. Même si l’exercice atteint ses limites, la rupture est consommée et le choix du Président d’aller vers les pays anglophones et lusophones d’une part, de marquer une réconciliation avec Paul Kagame d’autre part vient néanmoins poser les premières pierres nécessaires d’un changement. Le choix d’avancer vers une politique mémorielle inédite s’accompagne d’une multitude d’actions dont la plus médiatique est la restitution des œuvres d’art au Bénin, forçant la main à l’administration française, qui, à bien des égards, est réticente à tout changement de paradigme.
Dans le milieu associatif, le terme évolue et est utilisé désormais pour définir une période post-coloniale (1960-1990) ou désigner une attitude paternaliste et arrogante. Les défendeurs de cette thèse regroupent des chercheurs militants aujourd’hui réunis au sein du collectif Afrique XXI.
Ainsi, la définition du terme Françafrique a connu des évolutions ; il reste aujourd’hui attaché à l’idée de liens personnels engendrant des engagements parfois illégaux entre les élites dirigeantes dont l’objectif reste l’enrichissement personnel. De plus, le concept de Françafrique évoque l’idée que la France conserve un regard racialisant lié à son histoire coloniale. En d’autres termes, la Françafrique ne serait qu’un héritagecolonial et l’assurance que le rapport de force soit désavantageux pour l’Afrique. Pour autant, sur le terrain, la France a largement fait sa mue et pose, non sans difficulté, les jalons d’un nouveau type de relations.
FSBlack : la preuve par trois
Le FSBlack a posé le pied en Afrique par la voie de Wagner. Différentes études ont fait une description de Wagner et établi ses relations avec le pouvoir russe alors même que Vladimir Poutine les réfutait. L’objectif ici est de démontrer qu’au-delà du lien avec Moscou, comme pour la Françafrique, il existe un mécanisme qui a pour but de contrôler les gouvernements en Afrique pour des intérêts stratégiques et financiers. Cette milice, gérée par Evgueniï Prigojine, est créée en 2014. Prigojine a longtemps démenti tout lien avec ce groupe. Pourtant, contre toute attente, il a reconnu le 26 septembre dernier avoir créé ce groupe paramilitaire « afin de préserver les intérêts russes ».
Selon le rapport d’Accled, Wagner a participé à des opérations armées en Libye, et est engagé dans différentes activités en RDC, en Angola et au Zimbabwe, mais compte globalement une présence dans trente pays dont dix-huit en Afrique : Sénégal, Mali, Guinée-Bissau, Libye, Égypte, Tchad, Nigéria, Soudan, Sud-Soudan, Centrafrique, Guinée équatoriale, Congo Brazzaville, RDC, Burundi, Mozambique, Zimbabwe, Afrique du Sud, Botswana et Madagascar.
Nous avons choisi trois pays que la France connaît bien pour montrer comment ce réseau opère. Notons cependant que ces pays ne sont pas les seuls dont l’observation révèle le système ci-dessous décrypté.
La Centrafrique (RCA)
La RCA peut être considérée aujourd’hui comme l’exemple le plus probant de l’efficacité du FSBlack. L’arrivée au pouvoir, en 2016, de Touadéra, dont le mandat a été reconduit l’année dernière, a constitué la porte d’entrée idéale pour le Kremlin. Le FSBlack en Centrafrique, c’est un groupe de personnes et des méthodes.
Les personnes :
Une liste de personnes présentes dans l’entourage des dirigeants de Centrafrique originaires de Russie, liées par Wagner et ayant un passé avec le FSB, a été dévoilée dans la presse, amenant de sérieux soupçons sur les modalités de la coopération entre les deux pays.
Les méthodes :
Le Mali
Dans la lignée de l’ingérence russe en Centrafrique, le Mali interroge également. Plusieurs éléments caractérisent une situation d’entrave à la souveraineté malienne dans les partenariats avec la Russie et Wagner, au prix de morts au sein de la population locale, au travers de contrats que le gouvernement a signés :
Un autre point paraît pertinent à mettre en perspective : les différents contrats ne relèvent pas de milliards comme cela a été le cas dans les grandes affaires de la Françafrique. L’exemple de Madagascar est également flagrant et symbolique.
Madagascar
En 2018, dans un documentaire de la BBC, la journaliste franco-malgache Gaëlle Borgia révèle la corruption des candidats par la Russie lors des élections présidentielles. En effet, plusieurs d’entre eux affirment avoir touché des financements russes allant de 30 000 à 2 millions d’euros. Cet appui devait garantir plusieurs choses en cas d’élection de l’un ou l’autre de ces candidats : une diplomatie favorable au rapprochement avec le Kremlin, et, selon certains, un positionnement réclamant le retour des Îles éparses à la souveraineté malgache (voir infra).
Plusieurs « observateurs électoraux » russes ont été à la manœuvre. On découvre ainsi, dans le documentaire, que Maksim Shugoley, décrit par la presse française comme « l’influenceur de Moscou », a bien été l‘interlocuteur direct des équipes de campagne – un interlocuteur dont différentes équipes de campagne ont déploré l’attitude condescendante. On peut relever ici un point marginal mais tout aussi pertinent : l’organisation, durant la campagne, d’une conférence, « Contre l’ingérence occidentale : les Îles éparses aux Malgaches », dont la logistique avait été assurée par la Russie.
Le documentaire termine en suggérant que la Russie aurait préféré l’ancien chef du putsch en 2009, AndryRajoelina (qui a été élu président), sans aucune possibilité de vérifier s’il y a eu un soutien financier ou non. Les lois sur le financement des campagnes à Madagascar, très permissives, laissent la possibilité d’une pluralité de soutiens sans aucune obligation de publicité.
Aujourd’hui quels résultats ? Plusieurs éléments de la trajectoire diplomatique malgache peuvent laisser penser que le FSBlack est en cours d’application sur l’île (voir infra). Mais une autre affaire doit également nous interpeller. Sur la fin du mandat précédent, en 2018, une augmentation de la présence russe était déjà perceptible, notamment avec l’entrée de la société russe Ferrum Mining dans l’actionnariat de l’entreprise nationale de chrome, la Kraoma, qui est par ailleurs accusée par les employés malgaches de malversations. Le versement des salaires n’est en tout cas plus assuré depuis que les actionnaires russes sont entrés dans le capital. Autre point, l’entreprise actionnaire russe a rompu son contrat avec la Kraoma en 2020, sans réel motif mais en laissant à la Kraoma plus de 9,6 millions d’euros de dettes et en quittant le territoire avec le stock de la production en cours, alors même que Ferrum Mining s’était engagé à investir 16 millions d’euros. Notons par ailleurs qu’après le départ de l’entreprise russe, la Justice malgache a mis en mandat de dépôt l’ex-patron de la Kraoma, Arsène Rakotoarisoa, en poste au moment de l’entrée de Ferrum Mining, pour un détournement de 32 millions d’euros et de 35 000 tonnes de chrome ainsi que des abus de biens sociaux.
L’affaire Kraoma révèle un autre aspect du FSBlack : l’utilisation du droit local pour mettre en place ou intégrer des structures juridiques facilitant ainsi les transactions en limitant les risques de surveillance internationale. On apprend ainsi en 2020 que Gazprom négociait pour entrer dans le capital de l’entreprise nationale malgache mais que l’affaire n’a pu aboutir. Aujourd’hui, nos sources concordent sur le fait que l’entreprise russe actionnaire de la Kraoma serait une entreprise écrand’Evgueniï Prigojine. Elle aurait par ailleurs acheté, via la M-Finance, dont il a été question précédemment, du matériel militaire à destination de la Centrafrique. Toujours en Centrafrique, le gouvernement a attribué les permis d’exploitation de la mine d’or Ndassima à Midas Ressources, enregistrée à Madagascar.
Par ailleurs, les orientations diplomatiques prises par Madagascar étonnent et méritent attention. Lorsque l’on regarde l’évolution de ses votes sur l’Ukraine aux Nations unies, la question de l’influence russe ou d’un rapprochement avec Moscou se pose clairement. En 2014, Madagascar votait en faveur de la condamnation de l’annexion de la Crimée au nom du respect du principe d’intégrité territoriale. Lors du vote du 2 mars 2022 condamnant l’offensive russe en Ukraine, elle décide de s’abstenir. Mais l’affaire ne serait pas si originale si elle n’avait pas été l’occasion d’une situation ubuesque. Le 13 octobre dernier, lors du vote en Assemblée générale, Madagascar, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Richard Randriamandrato, vote en faveur de la résolution condamnant les annexions illégales de territoires ukrainiens par la Russie. Le ministre a indiqué aux journalistes et aux diplomates que cette décision était le fruit d’un accord direct du président Andry Rajoelinadans la logique du principe d’« intégrité du territoire ». Pourtant, à son retour, le ministre a été limogé, et accusé par la Présidence d’avoir mis en danger les intérêts du pays. Les différentes sources sur place nous confirment que cela a fait l’objet d’une colère de l’ambassadeur russe en poste sur l’île, Andreï Andrev, mais aussi attisé le feu sur les réseaux sociaux. Pour autant, toutes les sources sur place concordent pour dire qu’il est impensable que le président AndryRajoelina ait pu laisser son ministre prendre cette décision sans son accord.
Enfin, comprendre le dossier des Îles éparses, c’est comprendre l’attrait russe pour Madagascar. La France et Madagascar se disputent la souveraineté de ces îles depuis l’indépendance des Malgaches en 1960. Après moult joutes diplomatiques, Madagascar obtient gain de cause aux Nations unies ; la résolution 34/91 est votée en Assemblée générale en 1979, imposant à la France d’entamer les discussions afin de réintégrer les cinq îles à la souveraineté malgache. En réalité, rien n’a été fait puisque la France considère que cet atoll lui appartient, ce qui ne manque pas d’alimenter les discours anti-Françafrique et anti-français au sein des élites malgaches. En 2015, François Hollande et HeryRajaonarimampianina décident d’avancer sur le sujet et de mettre en place un comité mixte. Aujourd’hui, les discussions avancent péniblement mais existent. Pourtant, après le limogeage du ministre malgache des Affaires étrangères précédemment évoqué, le président Andry Rajoelina a repoussé les discussions sine die. La situation ne serait pas inquiétante si certains proches du président malgache ne s’interrogeaient pas par ailleurs du durcissement du ton du chef de l’Etat, qui serait, selon eux, influencé par une diplomatie russe qui souhaite pousser Madagascar à un conflit ouvert avec la France. L’opération, si elle aboutit, serait bénéfique pour la Russie, qui pourrait utiliser la crise diplomatique entre la France et Madagascar pour alimenter son narratif et son argumentaire afin de l’opposer aux contestations des Alliés sur la souveraineté russe en Crimée et les autres oblasts annexés en septembre 2022. Chose que, de surcroît, Vladimir Poutine a déjà faite pour les Comores et Mayotte. Notons parallèlement que la rupture de la discussion intervient alors que le pays arrive au terme du mandat présidentiel et prépare une élection, échéance face à laquelle Andry Rajoelina peine à fournir un bilan positif. La catastrophe de la pandémie de Covid dans l’île, la famine dans le Kéré (Sud), atteignant plus de 8 millions de personnes, et le pillage des forêts par la mafia sont autant d’échecs politiques qu’un conflit avec la France pourrait venir cacher.
Il apparaît que l’imbrication des intérêts du Kremlin avec ceux des dirigeants malgaches, centrafricains et maliens ne fait guère de doute. On peut déjà apprécierobjectivement des liens factuellement établis : la présence de personnes plus ou moins proches de Wagner, des diplomates russes intrusifs et jouant un rôle directif dans le pays hôte et des contrats miniers douteux dont l’objectif n’est ni l’essor des deux pays, ni le développement de filières industrielles. Notons que dans deux des cas étudiés, la multiplication d’assauts meurtriers fait partie du schéma. A cela s’ajoute un mécanisme : avec ou sans Wagner, la Russie s’approche de pays dont les États sont faibles. De ce point de vue, la Centrafrique, Madagascar et le Mali sont des cibles idéales pour un prédateur, leur fragilité favorisant l’emprise.
Si l’on peut croire que Prigojine a des ambitions politiques et que Wagner est un moyen indéniable pour y parvenir, il est important de remettre un peu de raison dans les rumeurs que cette milice alimente. Le cas malien montre que l’on ne peut affirmer aujourd’hui que Wagner s’enrichit sur ce pays, tout comme sur la Centrafrique. Il faut donc voir ce groupe comme un acteur ayant une feuille de route globale, dont les fonds restent aujourd’hui majoritairement russes, mais qui articule son emprise sur des Etats en faillite, capitalisant sur le temps pour accaparer dans un futur proche les richesses attendues ou promises.
On peut en ce sens différencier le FSBlack de la Françafrique. Cette dernière s’est appuyée sur des Etat forts permettant à des entreprises de s’installer et de planifier des revenus en milliards d’euros, ce que cherche très vraisemblablement la Russie mais sans les moyens d’infrastructures pour arriver à ces niveaux de rendement. Autre point important pour distinguer le FSBlack de la Françafrique : la barrière de la langue et de la culture. La Russie, même si elle construit son ralliement sur la haine contre la France, ne peut annuler un siècle proximité linguistique et culturelle, qui reste encore à l’avantage de Paris.
Enfin, ce que l’on peut dire aujourd’hui, c’est que le FSBlack réussit moins que la France échoue. Le « ralliement » à la Russie ne se base que sur un échec des relations entre la France et l’Afrique depuis les indépendances. Penser une stratégie pour mettre fin à l’implantation de Wagner en croyant que cela peut se faire sans une stratégie solide envers l’Afrique serait une autre erreur d’appréciation au bénéfice de la Russie, susceptible d’aboutir à terme au dépassement de la Françafrique par le FSBlack.
Ce document a été réalisé par Lova Rajaoarinelina
Chercheuse associée, Fondation pour la recherche stratégique