Pour comprendre ce qui s’est passé au Nord du Maroc, au niveau des frontières du Nador et de Mélilia, il faudra revenir sur les événements de 2005. Cette époque, l’Union Européenne avait mis en place un dispositif sécuritaire qui freinait l’entrée des migrants.
L’Union européenne avait déployé des moyens sécuritaires pour bloquer les accès suivants : la voie maritime jusqu’aux Îles Canaries (Espagne), la voie terrestre et maritime par le détroit de Gibraltar (Espagne) ; la voie terrestre et maritime, en traversant la Méditerranée jusqu’à Malte ou l’île de Lampedusa (Italie) et la voie terrestre et maritime, en traversant la Méditerranée jusqu’aux côtes grecques. C’est ainsi que les passeurs établis au Maroc ont repris la voie terrestre jusqu’aux enclaves espagnoles d’Afrique du Nord : Ceuta et Mélilia. Ce qui s’est récemment passé à Mélilia avec son lot de morts, rappelle les événements de 2005. En vérité, le Maroc est agressé par des groupes armés qui veulent entrer en Espagne.
Il serait alors bien d’analyser ce phénomène sans passion. Car, il s’agit d’une problématique majeure qui touche la sécurité, l’économie, les droits humains, la politique etc.
Aujourd’hui, le Maroc est victime de réseaux de passeurs de migrants. Ce pays subit les conséquences de la gouvernance économique chaotique et des crises politiques dans certains pays de l’Afrique subsaharienne.
Les jeunes sénégalais, maliens, soudanais, gambiens, tchadiens, éthiopiens, ghanéens, camerounais, nigériens etc., fuient la misère dans leurs pays respectifs. Ils rêvent d’une vie meilleure en Europe et tombent souvent dans des réseaux criminels qui leur spolient leurs maigres moyens et les sacrifient dans l’océan, le désert ou sur les grilles de Mélilia ou de Ceuta.
Le profilage des migrants révèle qu’il s’agit de jeunes de 20 à 40 ans. Ils viennent des pays en crise politique comme le Soudan, la Libye, l’Ethiopie, le Tchad, le Burkina Faso, le Mali etc. Et, les conséquences économiques de la Covid-19 ainsi que la guerre en Ukraine ont rendu les perspectives économiques et sociales encore très sombres.
Alors, le Maroc qui est un pays frontalier aux enclaves espagnoles (Ceuta et Mélilia) est devenu une zone de transit pour ces jeunes. Ils se sont constitués en groupes armés encadrés par des jeunes orfèvres en guérilla urbaine, venus des pays en guerre comme le Soudan, le Tchad, la Libye, l’Ethiopie.
Face à ce phénomène, nul ne peut accuser les autorités marocaines tenues de défendre leur territoire et de protéger les citoyens et leurs biens. Sur son propre territoire, le Maroc est agressé par des jeunes en situation irrégulière qui vivent souvent dans la forêt au nord de la région de Nador. Ces migrants constituent aujourd’hui un problème de sécurité publique pour le Maroc. Et certains passeurs établis dans les pays voisins du Maroc organisent des couloirs pour acheminer les migrants au Nord du pays. Par exemple, les migrants qui viennent du Soudan passent par la Libye ou le Tchad puis, l’Algérie et enfin le Maroc. La Libye et le Tchad sont traversés par des crises politiques. Cette situation politique fragile dans ces deux pays facilite le trafic vers le Maroc à cause de l’absence de forces de contrôle. En plus, l’Algérie devrait prendre des mesures pour empêcher la traversée de son territoire par ces migrants qui se convergent vers le Maroc. Rien n’a été fait en ce sens. Rabat ne peut pas compter sur la Libye ni sur le Tchad qui connaissent des crises politiques qui imposent les forces de sécurité et de défense à se concentrer sur les capitales. L’absence de contrôle au niveau des frontières aide les migrants pour traverser la Libye et le Tchad. Il revient à l’Algérie de coopérer avec le Maroc pour combattre ce phénomène en empêchant la traversée de son territoire.
Par ailleurs, il est important de préciser que les événements qui se sont passés à Mélilia ont été déformés sur les réseaux sociaux. Car, ils ne reflétent pas la vérité des faits. Lors d’un reportage organisé en 2005 par des journalistes africains, il a été remarqué une forêt immense montagneuse à Nador. Des chaines de montagnes impressionnantes dominent le décor dans cette forêt. D’ailleurs, c’est une zone très difficile d’accès en voiture à cause de sa configuration géographique et de ses reliefs serpentés. Une grande superficie de cette forêt borde les grilles de Mélilia et de Sebta. D’ailleurs, très souvent les autorités marocaines organisent des opérations de ratissage de ces montagnes et de ces forêts avoisinantes de Nador. Alors, en 2005, nous avions remarqué que des milliers de jeunes migrants subsahariens vivaient dans cette forêt.
Cette partie du territoire marocain était devenue une zone de non droit contrôlée par les migrants. Les éleveurs en pâturage dans cette contrée, sont souvent victimes de vol de bétail. Leurs moutons ou chèvres sont volés par les migrants qui les tuent pour leur consommation dans cette forêt.
Pour avoir une idée de la densité forestière du nord du Nador, il faut penser à la forêt de la Casamance au Sénégal, de Sambissa au Nigéria. Pour se nourrir, les migrants cueillent des arbres fruitiers ou bien ils se rendent dans les zones urbaines pour mendier. Dans ces forêts, ils forment et créer des commandos aguerris. Il s’est trouvé que dans les rangs des migrants, on trouve des jeunes qui ont fait le service militaire dans leur pays d’origine. Tandis que d’autres étaient dans la rébellion. Ils maitrisent les techniques de guérilla, d’infiltration, d’organisation tactique.
C’est dans cette forêt que les assauts contre les postes frontières sont minutieusement préparés. Les services de sécurité marocaine qui ne veulent pas utiliser les armes contre ces migrants, tentent souvent de les arrêter et de les orienter vers des centres d’accueil. Seulement, les migrants qui ne veulent pas être régularisés au Maroc, préfèrent toujours engager une guérilla contre les forces de sécurité pour entrer en Europe. Il faut noter que les jeunes qui n’ont pas le courage d’affronter les forces de l’ordre, restent à Rabat pour se faire régularisés, s’ils ne rentrent pas tout simplement dans leur pays d’origine.
Ainsi, dans leur démarche, les migrants ciblent les portes de contrôle à des moments où il y a moins de présence. Ils créent un surnombre en se jetant sur les policiers au niveau des frontières. Dès qu’ils arrivent au niveau des grilles à Melilia, ils gagnent de l’espoir et estiment que leur objectif est presque atteint. Le reste, c’est une question de courage, de vie ou de mort. Leur rêve c’est de passer vers l’autre côté qui leur ouvrir la porte de l’Europe. Face aux forces de sécurité, ils tentent de gagner le rapport de force. Et dans ces circonstances, ils ne reculent devant rien car ils sont persuadés que la sécurité marocaine n’utilise pas des armes à feu contre eux. Voilà ce qui explique leur courage à sauter sur les grilles.
Dans leurs organisations, les migrants utilisent des téléphones pour planifier leurs opérations. Ils communiquent via Whatsapp, télégram et Facebook. Des vidéos trouvées dans leurs téléphones portables montrent des séances de réunion préparatoire de cet assaut.
Ainsi, lorsque les autorités marocaines ont décidé de les déloger dans la forêt, ils ont tenté leur chance pour forcer le passage vers l’Espagne. Voilà pourquoi, environ 2000 migrants ont décidé d’organiser ce dernier assaut vers Melilia. La stratégie était simple. Les migrants ont voulu créer un tapis humain sur les grilles pour passer en force. Certains y ont laissé leurs chaussures, d’autres leurs vêtements ou des morceaux chairs perdus sur les crochets des grilles. D’aucuns ont réussi à passer torse nue avec des égratignures au corps et du sang sur les événements du fait des blessures. Les forces de sécurité ont usé de grenade lacrymogène pour les disperser mais c’était sans compter avec leur maitrise de ces types de situation. C’est dans la bousculade que certains migrants ont perdu la vie. Avant l’assaut, ils savaient tous qu’il y avait un risque d’enregistrer des pertes en vies humaines. Mais, ils avaient réussi à dompter la peur face à leur folle ambition d’entrer en Europe. Ils étaient armés de manchettes, de bâton, de coupe-coupe, de couteaux, de barres de fer etc… Pour eux, rien n’était de trop pour traverser la frontière. Ils ont utilisé la violence comme élément de dissuasion pour repousser les forces marocaines. D’ailleurs, plusieurs blessés graves ont été notés dans les rangs de la police marocaine. Par ailleurs, des migrants ont forcé des passages piétons dont la capacité c’est pour une seule personne. Ils ont pris d’assaut ces 04 passages en grand nombres provoquant des bousculades qui ont provoqué des morts. Il est évident que si les Forces de l’ordre marocaines avaient tiré des balles réelles sur les migrants, le bilan serait des centaines de morts. Elles étaient dans une mission de maintien de l’ordre qui ne nécessite pas l’utilisation d’arme de guerre. Donc les fakes new distillés dans les réseaux sociaux s’opposent à la vérité des faits. Les forces marocaines ont réussi à éviter l’hécatombe.
Le Maroc devra prendre ses responsabilités pour sécuriser son territoire face à ces jeunes venus d’ailleurs et qui menacent sa sécurité intérieure. Il faudra dans l’avenir craindre une mutation de ces groupes qui peuvent créer des zones de non droit sur le territoire marocain afin d’y organiser d’autres types de trafics illicites comme c’est le cas au Nord Mali, au nord du Nigéria, dans la zone du Lac Tchad et dans les montagnes d’Afghanistan. Et même au sud du Sénégal où le MFDC disposait de plusieurs hectares pour la culture de chanvre indien. Donc la forêt de Nador doit être sécurisée et assainie. Modou FALL