décembre 27, 2025
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Entretien avec P. Lévy : Au cœur de la Russie en guerre. Récit de l’ambassadeur de France

Pierre Lévy

Pierre Lévy vient de publier « Au cœur de la Russie en guerre. Récit de l’ambassadeur de France », éd. Tallandier.

A partir d’une expérience exceptionnelle de janvier 2020 à août 2024 à la tête de l’ambassade de France à Moscou, Pierre Lévy offre au lecteur un triple cheminement : géostratégique, diplomatique et personnel.
Il explique ce que nous apprend la guerre russe en Ukraine à propos du pouvoir russe et du fonctionnement de V. Poutine. Il présente encore l’intention russe en matière d’architecture de sécurité européenne, et beaucoup d’autres sujets passionnants.

Pierre Lévy vient de publier, « Au cœur de la Russie en guerre. Récit de l’ambassadeur de France », éd. Tallandier. Il répond aux questions de Pierre Verluise pour Diploweb.com.

Pierre Verluise (P. V. ) : Vous avez été ambassadeur de France à Moscou, avant, pendant et après la relance de la guerre russe en Ukraine, le 24 février 2022. A partir de cette expérience exceptionnelle de janvier 2020 à août 2024, vous offrez au lecteur un triple cheminement : géostratégique, diplomatique et personnel. Pour chacun de ces axes, quel est votre message clé ? Vous dites être « un amoureux déçu » de la Russie, que voulez-vous exprimer ainsi ?

Pierre Lévy (P. L.) : Je savais que ma mission serait difficile, pas qu’elle serait vertigineuse. J’aurais vécu moins de deux mois de vie normale, à supposer que cette notion de normalité ait un sens en Russie. Mon séjour a été marqué par la pandémie du Covid, l’invasion de l’Ukraine, la radicalisation du régime, la transformation du pays, et des épisodes comme le coup de force de Prigojine et l’attentat du Crocus City Hall. Mon récit décrit d’abord une séquence politico-militaire, avant, pendant et les perspectives après la guerre, combinant des souvenirs de ma vie quotidienne avec des analyses géostratégiques. Il faut en retenir que cette crise est bien plus qu’un conflit autour de l’Ukraine. Elle concerne notre sécurité et l’ordre du monde. J’invite aussi le lecteur au cœur de l‘ambassade, au travail dans un environnement hostile, en dépit des expulsions de nombre de mes collaborateurs. Cet aperçu du making off de la diplomatie est un hommage à ma valeureuse équipe qui a fait honneur à la France et à la chaine décisionnelle à Paris qui nous a accordé sa confiance et son soutien. Enfin, le troisième cheminement est personnel. Vivre en Russie était un rêve très ancien. Ce pays me passionne depuis ma jeunesse et mes années d’apprentissage du russe, ma 2ème langue au lycée. Il faut de l’empathie pour exercer le métier de diplomate, être curieux des gens et des choses, être boulimique de contacts, savoir se mettre à la place de l’autre. Il faut aussi savoir aimer à bonne distance, comme dirait un psychanalyste, pour travailler rigoureusement sans être dominé par ses émotions. Plutôt qu’un amoureux déçu, j’étais un amoureux frustré car nombre de mes projets se sont fracassés contre le mur de la guerre, de l’hostilité et de l’incompréhension.

  1. V. : A plusieurs reprises dans cet ouvrage, « Au cœur de la Russie en guerre. Récit de l’ambassadeur de France », (éd. Tallandier) vous partagez votre expérience de Vladimir Poutine en pointant sa « duplicité ». Quels sont les faits et comportements qui justifient ce qualificatif ?
  2. L.: Je pense avant tout au discours qui était tenu à toutes les autorités françaises, dont le président de la République, dans les mois, les semaines et les jours précédents l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022 : nos interlocuteurs russes niaient vouloir recourir à une action militaire, dénonçaient notre hystérie et notre russophobie quand nous les mettions en garde sur les conséquences d’une attaque. Il en été ainsi quand le président de la République a discuté longtemps, le 7 février 2022, quelques jours avant le début de « l’opération militaire spéciale », avec son homologue russe, – l’image de la table de 6 mètres restera dans l’histoire -, pour éviter la guerre. A la décharge de Vladimir Poutine, il faut reconnaitre sa continuité dans les idées. Il s’était exprimé depuis longtemps sur sa vision d’un monde débarrassé de l’hégémonie américaine, en particulier à la conférence de Munich sur la sécurité en février 2007. Mais de la contestation à la confrontation, il y a un immense pas, franchi à partir de 2014 avec l’occupation de la Crimée et les débuts de la guerre dans le Donbass. Une autre caractéristique du narratif russe est sa logique inversée. Au matin de l’invasion, le président Poutine invoque l’article 51 de la Charte des Nations unies, autorisant l’usage de la force au titre de la légitime défense. La propagande martèle en permanence que la Russie est attaquée par l’OTAN et n’a d’autre choix que de se défendre.
  3. V. : Que nous apprend la guerre russe en Ukraine à propos du pouvoir russe ? Est-il exact que 4 Russes sur 5 soutiennent cette guerre en Ukraine et si oui comment l’expliquer ? Dans une certaine mesure, la guerre est-elle une « ressource politique » pour V. Poutine ? Que penser de l’idée d’un ADN impérial de la Russie, s’agit-il encore d’un moteur de l’action ?
  4. L.: Il y a beaucoup de débats sur la valeur des sondages dans ce pays où la parole est sous contrôle. A mon sens, on peut considérer que la part des anti-guerre et des va-t’en guerre est équivalente, de l’ordre de 15 %, le reste de la population réagissant dans un réflexe patriote, – l’effet drapeau -, et dans une sorte d’apathie protectrice. Beaucoup n’étaient pas favorables à la guerre, mais maintenant qu’elle est là, autant la gagner se disent-ils. Mais il faut reconnaitre aussi qu’une grande partie des Russes peut désormais considérer qu’elle a intérêt à la poursuite de la guerre, compte tenu de ses effets économiques. La hausse rapide des salaires, des prestations sociales et de versements multiples aux soldats et à leurs familles, ont fait croître le revenu réel disponible des ménages à un rythme le plus élevé depuis 13 ans (5,9% en 2023). Une croissance à deux chiffres des revenus réels disponibles est notamment constatée dans certaines des régions les plus pauvres dont les populations sont surreprésentées dans les opérations militaires.

Dans la diaspora française en Russie, l’orientation majoritaire correspond aux partis d’extrême droite et de droite. Certains peuvent contribuer à propager la propagande de Poutine et de la désinformation.

  1. V. : En qualité d’ambassadeur de France en Russie, vous avez aussi à vous préoccuper de la communauté française présente dans ce pays, avec le consulat. Vous en avez une expérience assez rare puisque peu de personnes sont en mesure de chiffrer et de rencontrer cette diasporafrançaise en Russie. Avec toutes les limites de l’exercice puisqu’il n’est pas obligatoire pour un Français de se déclarer au consulat, combien de Français vivent en Russie ? Quelles sont leurs activités ? Comment votent-ils ? Enfin quelles sont leurs relations avec V. Poutine ? Vous écrivez avoir parfois constaté une « stupidité au service d’une puissance étrangère ». Que voulez-vous dire exactement ? Peut-on imaginer que des Français installés en Russie font le jeu de Poutine et si oui comment ?
  2. L.: La préservation de la sécurité et des intérêts de la communauté française était la priorité de l’ambassade et des consulats généraux à Moscou, Saint-Pétersbourg et Ekaterinbourg. A mon arrivée, début 2020, le chiffre était de l’ordre de 6000 personnes, ce qui me paraissait peu à l’échelle de la Russie, concentrée à 89 % dans la circonscription de Moscou. Il a ensuite diminué du fait du départ d’expatriés dans les entreprises françaises, de familles binationales craignant la mobilisation de leurs enfants, ou n’approuvant pas les orientations du pouvoir russe. Selon nos sondages, environ 3 300 Français restaient inscrits au registre consulaire, dont 51 % binationaux, début 2024, inscription non obligatoire, je le rappelle.

Comme partout dans le monde, notre communauté participait à la vie politique nationale par son vote. Il y eu l’élection présidentielle d’avril 2022 et les élections européennes en juin 2024. L’orientation majoritaire correspondait aux partis d’extrême droite et de droite. Un des souvenirs le plus affligeant de mon séjour restera l’attitude de certains compatriotes, en privé, en public et sur les réseaux sociaux. Chacun a ses opinions mais j’ai toujours été très choqué, dans mes différentes affectations, par le discours critique de certains Français sur leur pays devant des interlocuteurs étrangers. Exprimons nos idées, mais entre nous ! Ce type de comportement était encore plus inacceptable dans cet environnement hostile où la France était systématiquement ciblée, y compris avant la guerre. Il y a une variété d’attitudes du militant à l’idiot utile. Certains ont un parti pris idéologique affirmé pro-Poutine, anti-européen et anti-américain. Ils peuvent contribuer à propager la propagande du pouvoir et de la désinformation. D’autres ne voyaient pas plus loin que leur intérêt étroit et leur confort immédiat, pestant tout particulièrement contre les sanctions. La référence à la politique du général de Gaulle était fréquente, avec des lectures erronées sur l’équidistance de la France entre les Blocs à son époque et un antiaméricanisme qui faisait justifier, oublier ou pardonner tout le reste. Notre code pénal sanctionne l’intelligence avec une puissance étrangère. Sous forme de boutade, je suggère d’ajouter un nouvel alinéa pour prendre en compte un autre cas, la bêtise au service d’une puissance étrangère.

  1. V. : Comment comprenez-vous les relations Poutine-Trump ? D. Trump avait annoncé pouvoir faire la paix en Ukraine en 24 h. Celle dure encore plus d’un an après son élection le 5 novembre 2024. Pour le dire brutalement, qui est « le mâle dominant » ? Que reste-t-il du tapis rouge déroulé par D. Trump à V. Poutinele 15 août 2025 à Anchorage (Alaska, Etats-Unis) ?
  2. L.: La dimension interpersonnelle est, à l’évidence, importante. Les deux chefs d’État ont une fascination commune pour la force, des affinités idéologiques et une aspiration à régner, chacun dans sa sphère d’influence. Mais il y a une différence majeureentre, d’un côté, le président américain, impatient et fébrile, cherchant un accord, ou plutôt un arrangement, à court terme, et, de l’autre, son homologue russe, avec sa froide patience stratégique, convaincu que le temps joue pour lui, cherchant, lui, l’avènement d’un autre monde, son monde désoccidentalisé.

Le sommet d’Anchorage, sans résultat, a été un échec pour le président Trump. Vladimir Poutine a été reçu en majesté. J’étais frappé par la conférence de presse, Vladimir Poutine a parlé 8 minutes sur 12, déroulant toutes ses positions en premier, ce qui est contraire à l’usage puisqu’il était reçu par la partie américaine, tandis que Donald Trump n’a tenu que des propos de circonstance très généraux.

Le Kremlin a un agenda anti-occidental. La Russie est forte de nos faiblesses.

  1. V. : Comment inscrivez-vous la guerre russe en Ukraine et ses suites dans la « désoccidentalisation », voire la « bardakisation » du monde ? Qu’entendez-vous par « bardakisation » ?
  2. L.: Nous sommes face à une crise gigogne que l’image de la matriochka, les célèbres poupées russes, illustre bien. La guerre contre l’Ukraine représente la plus petite poupée ; la lutte contre les États Unis, l’OTAN et l’UE la figurine intermédiaire ; enfin, la plus grande, le combat pour la soi-disant multipolarité, c’est-à-dire un monde organisé en sphères d’influence, d’une Russie cherchant à se positionner aux côtés des Etats-Unis et de la Chine parmi les maîtres de l’ordre mondial. La Russie a de réels leviers de puissance, comme son siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, dotée du droit de veto. Mais elle est souvent forte de nos faiblesses, sait très bien se glisser dans nos interstices de puissance et jouer de sa capacité de nuisance. Bardak (бардак), en russe, signifie pagaille. Le Kremlin a un agenda anti-occidental, développé notamment au sommet des BRICS à Kazan, en octobre 2024. Mais il se heurte aux réalités économiques, par exemple quand il œuvre à la dédollarisation de l’économie mondiale et certains grands partenaires, comme l’Inde et le Brésil, ont leur propre stratégie, plus opportuniste qu’anti-occidentale. Quant à la Chine, elle continue de soutenir la Russie. Mais il y a, selon moi, une différence majeure avec la Russie. La Chine est au cœur de la globalisation, très intégrée dans les chaines de valeur. Ce n’est pas le cas de la Russie, principalement exportatrice de matières premières. La Chine a des intérêts à préserver sur les marchés européens et américains. Elle ne veut sans doute pas d’un processus extrême de « bardakisation » du monde.
  3. V. : Vous suivez les questions européennes depuis fort longtemps. Les Russes ont de la suite dans les idées, comment voient-ils l’Union européenne ? N’avons-nous pas négligé des signaux pourtant clairs en 2003, 2007 (Munich), 2013-2014 ?
  4. L.: Il faut d’abord rappeler que la relation à la Russie est un des sujets les plus diviseurs entre les États membres pour des raisons historiques et géographiques évidentes. L’histoire entre la Russie et l’Union européenne n’a jamais été simple. Les espoirs du début des années 2000 avec le premier sommet UE-Russie à Saint-Pétersbourg en 2003 se sont évaporés. J’avais été très impliqué, à l’époque, dans l’élaboration d’un cadre complet de coopération, les quatre espaces ( un espace économique commun, un espace commun de liberté, de sécurité et de justice, un espace commun de sécurité extérieure et un espace commun de recherche, d’éducation et de la culture). De nos jours, ce projet ambitieux n’est pas au frigidaire, il est au congélateur. Vue de Moscou, l’Union européenne est affectée d’une double tare : elle est dominée par les États membres « russophobes » (Pologne, États baltes) et vassale des Etats-Unis. Les Russes n’ont jamais vraiment compris son fonctionnement, sa culture du compromis et ont préféré traiter avec les grandes capitales. J’ai observé le glissement des positions russes de l’ignorance et du dédain à la nette hostilité. Dans différents projets d’accord, comme à Istanbul, en avril 2022, et tout récemment, la Russie ne peut admettre l’adhésion de l’Ukraine à l‘OTAN mais ne s’oppose pas à son entrée dans l’Union européenne. Comment comprendre cette position ? Peut être n’y croit-elle pas ou considère-t-elle que l’entrée de l’Ukraine mettra « le bug » dans notre construction commune.
  5. V. : Faute d’être à la table des négociations à propos de l’architecture de sécurité en Europe et de l’Ukraine, nous sommes déjà au menu de deux des trois grands prédateurs du moment. Franchement, avons-nous collectivement été au niveau des défis stratégiques et diplomatiques qui s’annonçaient depuis longtemps ? N’avons-nous pas sous-optimisée la parenthèse J. Biden (janvier 2021-janvier 2025) en osant pas imaginer une réélection de D. Trump ?
  6. L.: Je pense que nous avons plutôt bien géré les choses pour préserver l’unité depuis 2014, – j’étais alors directeur de l’Union européenne -, notamment en adoptant 19 trains de sanctions. Mais cette unité a été préservée au détriment d’une véritable approche stratégique. Que mettons nous derrière les mots défaite ou victoire de la Russie et de l’Ukraine ? Quelle vision avons-nous de la relation à la Russie, notamment concernant l’architecture de sécurité en Europe, une fois que les combats cesseront ? Sommes-nous prêts à nous engager plus politiquement, économiquement et militairement ? Telles sont quelques-unes des questions qui ne peuvent plus être différées. Il y aussi l’avenir de la relation transatlantique, en cause bien avant le retour de D. Trump à la Maison Blanche. Beaucoup d’États membres ont été dans le déni et le sont encore. Peut-être fallait-il être bousculés comme nous le sommes actuellement pour regarder la réalité en face. Les européens ont beaucoup de leviers pour peser dans la séquence actuelle et être légitimement à la table des négociations : les sanctions, dont les avoirs gelés, leur soutien financier et en armement, leurs capacités militaires, la perspective européenne ouverte à l’Ukraine.
  7. V. : Il est trop tôt pour savoir quand et comment la guerre russe en Ukraine, lancée à l’initiative de Moscou, finira. De façon provisoire, comment comprenez-vous les négociations Etats-Unis / Russie ? Quel est l’enjeu pour les pays de l’UE ?
  8. L.: Depuis la publication du soi-disant « plan de paix » américain en 28 points, le 21 novembre 2025, les tentatives de règlement de la crise se sont accélérées dans une certaine confusion. Mais je me demande si le script du règlement n’est pas déjà écrit entre Washington et Moscou, en constatant que ce document est largement inspiré, voire écrit par la partie russe. Quoi qu’il arrive, il me semble que nous approchons d’un moment de clarification. Côté russe comme côté ukrainien, chacun ne dévie pas de son cap. Vladimir Poutine n’a fait aucune concession sur le fond de ses revendications. Son discours devant le MID (le ministère russe des affaires étrangères), le 14 juin 2024, reste la référence. L’Ukraine est dans une position difficile, mais son armée tient bon et n’est pas au bord de « l’effondrement », comme le narratif russe voudrait nous le faire croire. Ukrainiens et Russes sont soucieux de ne pas porter le chapeau de l’échec éventuel des négociations auprès de Donald Trump. Mais les deux parties vont bien être obligées de se dévoiler. Y a-t-il un réel désir de paix juste et durable côté russe ? Les Ukrainiens peuvent-ils tenir face à la pression américaine, laquelle risque de s’intensifier dans les prochaines semaines ? La clarification viendra aussi de Washington. Les États Unis ont-ils choisi leur camp, sachant que les exemples de son biais prorusse sont multiples ? J’avoue avoir du mal à comprendre. Une victoire de la Russie serait une défaite des États Unis, et un échec personnel pour D. Trump. Contrairement à ce que dit le président américain, la guerre en Ukraine concerne les intérêts de son pays. Les Chinois suivent très attentivement les développements de cette crise et en tirent des enseignements concernant un éventuel conflit autour de Taïwan. Les deux théâtres de confrontation sont étroitement liés. Moment de clarification, enfin, pour les Européens qui doivent être prêts à assumer plus de responsabilités et faire valoir leurs intérêts.

Si la guerre s’arrête, la confrontation, elle, continuera.

  1. V. : Enfin, comment comprenez-vous la polémique à propos de l’évaluation du CEMA, le 22 octobre 2025, devant les députés, déclarant que les armées françaises doivent être prêtes à un choc, d’ici 3-4 ans, à un test de la Russie qui pourrait être plus violent que ce que nous connaissons ?
  2. L.: Il peut y avoir débat sur les mots utilisés par le général Mandon. Mais son alerte fait sens sur le fond compte tenu de la menace que représente durablement la Russie pour la sécurité européenne et nationale. Si la guerre s’arrête, la confrontation, elle, continuera. Moscou peut tester notre résolution selon différents scenarios. Il peut s’agir de la poursuite d’actions hybrides pour déstabiliser nos sociétés démocratiques et/ou d’opérations limitées sur des pays alliés limitrophes, comme les Baltes. D’où l’importance d’être dans une posture crédible de dissuasion et de renforcer la résilience des pays européens. Gardons toujours en tête qu’un appareil de défense est composé de hardware, le matériel, c’est-à dire des capacités militaires, et de software, c’est-à-dire le logiciel stratégique, la volonté politique d’agir, et l’esprit de défense, tout aussi importants, sinon plus. En tout cas, l’un ne va pas sans l’autre.

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Par Pierre LEVYPierre VERLUISE,

Pierre Lévy s’exprime ici à titre personnel et n’engage en rien le ministère des Affaires étrangères et européennes. Pierre Lévy est ambassadeur de France. Il a notamment été directeur du Centre d’analyse et de prévision (CAP), directeur de l’Union européenne au Quai d’Orsay, ambassadeur de France en République tchèque (2010-2013), en Pologne (2016-2019) et en Russie (2020-2024). Pierre Lévy vient de publier « Au cœur de la Russie en guerre. Récit de l’ambassadeur de France », éd. Tallandier.
Propos recueillis par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb.com.

 

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