avril 29, 2025
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Sécurité

Evolution prévisionnelle des armements et de la guerre

J’attaque ici une saga dont je ne connais pas, a priori, le nombre de parties, mais qui va tenter de présager de l’avenir en matière d’armements et de guerre, dans un cadre symétrique au moins dans un premier temps. Cette réflexion est basée sur l’observation de ce qui s’est passé en Ukraine où le conflit, peu ou prou, oppose toujours la Russie à l’OTAN.

Nous avons pu constater que les Russes ont acquis dès le départ une supériorité aérienne, mais qu’ils ont été très gênés par les communications par satellite fournies par Starlink. Puis ils ont été largement capables de brouiller les GPS américains, ce qui a rendu inopérants bien des armements occidentaux. Notre but ici n’est pas de revoir dans le détail ce qui est arrivé, mais d’en tirer des conséquences pour les prochains affrontements qui, hélas et comme toujours, ne manqueront pas de se produire.

Nous allons donc pour ce premier jet nous concentrer sur les satellites dits de positionnement, GPS, Galileo, Glonass et Beidou. Expliquons très rapidement comment ils marchent.

Tout objet au sol en visibilité d’au moins 4 satellites va se trouver au sommet d’une pyramide composée de ces 5 entités. Avec un peu de mathématiques, si on connaît les valeurs des distances entre chaque élément, on va pouvoir calculer la localisation de l’engin terrestre. Maintenant, les satellites sont à des altitudes de l’ordre de 30 000 km et ont donc des éphémérides proches de l’exactitude. Il ne reste plus qu’à évaluer les distances à la cible. Pour cela, grâce à la connaissance de la trajectoire, on va équiper chaque satellite d’une horloge atomique précise à 10-16 secondes qui va émettre un signal qui, lorsqu’il sera reçu au sol, après des manipulations relativement savantes, permettra de déterminer la longueur recherchée. Les spécialistes m’excuseront quelques approximations ici, le fonctionnement détaillé n’est pas mon sujet.

Ce qui l’est en revanche, c’est la fragilité de ce système, malgré son importance stratégique. Pour cette dernière, c’est ce qui va autoriser n’importe quelle armée au monde à se projeter sur un territoire adverse sans avoir à maîtriser l’infrastructure terrestre du pays. Vous ne pouvez plus vous perdre, à l’inverse de ce qui arriva aux Allemands en Beauce lors de la Deuxième Guerre mondiale. C’est donc un actif prioritaire à viser en cas de conflit, car il va empêcher que beaucoup des armements hostiles viennent dans votre champ.

Néanmoins, dans un affrontement à fleurets mouchetés, on pourrait vouloir ne pas détruire de manière trop visible la capacité de l’ennemi, par exemple pour éviter de déclencher un conflit mondial de grande intensité. Le but serait, dans ces circonstances, de rendre ce type d’engins inopérants sans les anéantir. Nous avons vu plus haut que les Russes ont brouillé le GPS, mais de futures versions pourraient s’avérer plus résilientes.

Alors quelle est la faiblesse commune de tous ces systèmes de positionnement ? En fait, c’est le processus utilisé pour faire les horloges atomiques. On y recourt intensivement à la physique quantique avec des atomes dits « froids » et dont on mesure de manière extrêmement précise le temps de chute dans une sorte de fontaine. Que l’on arrive à perturber ce dispositif incroyablement sensible, et c’en est fait d’une telle fonctionnalité.

Que faire ? En réalité c’est très simple et, à part le lancement et le rendez-vous avec la cible, le reste est à la portée du quidam. Vous avez tous un téléphone mobile avec un vibreur. Extrayez ce dernier avec une petite batterie et un micropanneau solaire. Envoyez le tout sur un satellite de positionnement en vous assurant de son adhésion, si possible avec une visibilité de la lumière par le panneau et vibrez ! Cela suffira à complètement dérégler le GPS. Avec une telle approche, vous pourriez vous trouver à court d’électricité si vous voulez gâcher la vie du satellite trop longtemps. Alors, pour les matheux, voilà une méthode économique. Vous allez faire des pulses d’oscillations. Si vous êtes performant, vous aurez ajusté la fréquence de ce que vous expédiez sur celle, propre, de l’horloge atomique. Vous aurez pris soin d’émettre ces pulses d’une durée relativement longue – disons, quelques dizaines de secondes – via un processus de Poisson avec un temps moyen d’arrivé – disons encore, de 5 à 10 minutes. Bien entendu, il vous faut cibler toute la constellation. Mais ce ne sont que 30 satellites sur 3 orbites. La masse totale de charge utile que cela va requérir sera négligeable et il y a peu de chances que cela soit détecté par l’ennemi. Quand bien même le ferait-il, se débarrasser de ces « parasites » sera extrêmement compliqué et hors de portée de dispositifs conventionnels.

Que pouvons-nous conclure de cela ? Que les moyens déployés actuellement ne sont pas satisfaisants lors d’un conflit symétrique, car trop fragiles et trop faciles à inhiber. Ces systèmes, donc, à part leurs vertus civiles qui sont sans commune mesure, ne sont, en termes militaires, que des outils néocoloniaux. À l’heure où ces lignes sont écrites, il n’est pas sûr que cela ait sauté aux yeux des « grands » états-majors de la planète.

JEAN-FRANÇOIS GENESTE

Jean-François Geneste a près de 40 ans d’expérience dans les domaines aéronautique espace et défense. Il a été directeur scientifique du groupe EADS, devenu Airbus Group, pendant 10 ans. Il a été professeur au Skolkovo Institute of Science and Technology à Moscou. Il est actuellement le PDG de la startup WARPA qui vient de se voir attribuer un brevet pour son moteur de propulsion spatiale à impulsion spécifique infinie.

 

 

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