L’emploi des armes au Sénégal, selon la loi N* 1970/37 du 13 Octobre 1970, stimule que les FDS peuvent utiliser la force, y compris les armes à feu, que dans des circonstances précises et limitées conformément aux principes de légalité, nécessité, proportionnalité et précaution, en clair, après épuisement de toutes les autres options et en respectant les principes mentionnés supra. Au regard des difficultés auxquelles nos frères d’armes, policiers et gendarmes, sont exposés, l’on se demande souvent, si le législateur a bien encadré la loi. Il est impensable de pointer délibérément une arme sur un concitoyen et d’en faire usage, non. Cependant la ligne de démarcation entre la légitime défense, les consignes passives ou actives et l’initiative de tirer, semble être une nébuleuse ou un point d’une subtilité réelle. Aucun homme de tenue ne souhaite être devant une impasse ou une situation appelant au réflexe de survie, en brousse, en rase campagne comme dans les faubourgs citadins. Même si ceux qui sont en face sont animés de courroux, de haine, d’esprit revanchard ou de je ne sais quoi, la confrontation peut inéluctablement conduire du désastre des deux côtés. C’est souvent à ce moment précis que la balance penche du côté des plus faibles en moyens et la critique acerbe de celui des autres, les FDS. Où situer la responsabilité quand vingt d’hommes armés débarquent nuitamment dans une concession, blessent les occupants et s’emparent allégrement de leurs économies, comme á Thiès ? Comment pourrait-on qualifier une intervention musclée policière et jeter l’opprobre sur les agents ? Implicitement quel tort pourrait-on attribuer à ces serviteurs du pays devant des hordes armées et belliqueuses et prêtes à vous éliminer ? Pourtant la riposte graduelle n’est pas inscrite dans les actes que les forces posent, mais en lieu et place leur volonté de disperser et de ramener la situation au calme.
Il est tout à fait normal d’élucider les pertes en vies humaines et de définir les circonstances y relatives, mais on passe généralement sous silence les responsabilités de ceux qui sont à l’origine des manifestations. A tort ou à raison, on devrait y réfléchir. Quand un camion fou tue des gens, on en établit facilement les causes, je veux dire qu’on oublie presque si les passants raflés par le choc étaient au bon endroit ou n’ont pas enfreint les règles du code de la route. Je n’ai pas encore noté dans la gestion de ces crises, une évaluation exhaustive des dégâts, portée sur la tête des vandales ou des instigateurs, pourtant ceci devrait être de mise.
Aussi, la procédure d’enquête, porte-t-elle les germes de la sincérité ? Je ne discrédite point le sérieux de ceux qui sont chargés des enquêtes préliminaires (police, gendarmerie), je n’insinue pas également un quelconque esprit partisan. Force est de constater que sur le théâtre des faits (on the spot pour les anglophones) il est difficile de trouver des témoins neutres et avec l’intelligence artificielle, on peut installer le doute dans la conscience collective. Pour dire à nouveau que nos frères d’armes sont exposés et comptables de leur sort en cas d’initiative jugée malheureuse. En amont aussi, on devrait analyser à fond les circonstances des actes ou arriver à définir les limites de la provocation. Si dans une unité, qui évolue sur le terrain, le soldat éclaireur de point reste le plus exposé, le plus physiquement sollicité et le moins payé, les gendarmes et policiers sont également à découvert, sujets et victimes à la fois, de poursuites judiciaires, de lésions corporelles ou tout simplement de la vindicte populaire.
Au demeurant, une initiative, bonne ou malheureuse peut-être positivement ou négativement sanctionnée. L’une vous confère des décorations sur la poitrine (de la quincaillerie, selon les fantassins) sans de significatifs avantages, au moment où l’autre vous installera devant la barre et l’oubli des sacrifices consentis pour défendre la patrie.
Légiférer est une œuvre imparfaite, permanente et futuriste. Les décideurs ne doivent pas sous-estimer ou passer sous silence, ce que ces hommes du devoir endurent comme stress, fatigue physique, risques ouverts, limites émotionnelles ou erreurs. L’idéal serait de corser les différents codes par la mise en place d’un dispositif davantage coercitif en vue de dissuader les fauteurs de troubles, les mal intentionnés et ceux dont le désordre est dans leur ADN.
Les forces de l’ordre sont assujetties à l’autorité politique et à ce titre exécutent sur le terrain les ordres émanant de ladite autorité. Un audit de la formation des forces de l’ordre passerait pour une gifle pour les férus de la tenue. Au-delà, de l’œuvre de plusieurs générations qui ont façonné notre outil de défense pendant plus de 6 décennies, ne serait-ce pas une façon de remettre en question tout un système et toute une organisation, impliquant toutes les catégories et toutes les composantes ? L’on serait tenté de l’insinuer.
Également, les forces sont bien préparées dans les déploiements extérieurs relativement aux règles d’engagement, au respect des us et coutumes du pays d’accueil et scrupuleusement au regard des droits humains, car le niveau de tolérance est à zéro dans le système onusien.
Tout simplement pour dire que certains sujets remettant en question les fondamentaux et les acquis au niveau de l’Etat doivent être mûrement examinés.
En définitive tout acte délibéré doit être puni, surtout quand il s’agit de mort d’homme, mais parallèlement, détruire des biens publics peut être considéré comme un crime, car étant l’œuvre de plusieurs générations de concitoyens qui ont sué pour la grandeur de notre pays. N’oublions surtout pas qu’on peut tirer d’un arbre de grandes quantités de brins d’allumettes, mais, un seul brin peut mettre le feu aux poudres. Que Dieu sauve notre pays.
Lieutenant-colonel (ER)
Adama Diop
Ancien chef de la division médias et stratégies de la DIRPA