Les régimes militaires au pouvoir dans l’Alliance des États du Sahel (AES), composée du Mali, du Burkina Faso et du Niger, sont de plus en plus accusés de fabriquer de fausses tentatives de coup d’État afin de justifier une répression accrue, semer la peur au sein de la population et consolider leur pouvoir.
Depuis leur prise de pouvoir par la force, les juntes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger multiplient les annonces de tentatives de déstabilisation présumées. Si les premiers communiqués avaient suscité l’inquiétude, une partie de la population et des observateurs commencent à voir dans ces alertes un outil de manipulation politique, destiné à étouffer toute forme de contestation.
Des « complots » toujours déjoués à temps.
Au Mali, le Comité de Transition annonce régulièrement avoir mis en échec des « projets de déstabilisation » sans jamais fournir de preuves concrètes ou permettre l’accès à des procès publics. La dernière en date, en juillet 2025, aurait impliqué des « officiers infiltrés par des puissances étrangères », selon le gouvernement. Aucun nom, aucune date précise, et encore moins d’images ou de témoignages indépendants n’ont été rendus publics.
Même scénario au Burkina Faso, où le régime du capitaine Ibrahim Traoré affirme avoir évité pas moins de trois tentatives de putsch depuis janvier. À chaque fois, les présumés comploteurs sont arrêtés dans la plus grande opacité, souvent sans accès à leurs avocats, et avec des « aveux » diffusés à la télévision nationale dans des conditions douteuses.
Une stratégie de la peur ?
Pour plusieurs analystes politiques et organisations de défense des droits humains, cette multiplication d’alertes fictives sert à entretenir un climat de peur. « C’est une vieille recette autoritaire », explique un chercheur basé à Dakar. « Quand un pouvoir est en perte de légitimité, il crée un ennemi intérieur pour justifier l’arbitraire, les arrestations, et la restriction des libertés. »
Des arrestations de journalistes critiques, de militants associatifs et même d’anciens soldats loyalistes sont ainsi de plus en plus fréquentes, souvent sous prétexte de collusion avec ces supposés putschistes.
Silence forcé et désinformation
Dans les trois pays, les médias indépendants font face à des pressions croissantes, et les réseaux sociaux sont parfois suspendus lors de ces prétendues crises. La junte du Niger, par exemple, a fermé temporairement Internet pendant 72 heures après l’annonce d’une tentative de coup d’État en juin 2025, paralysant toute possibilité de vérification indépendante.
Les opposants dénoncent également une campagne de désinformation orchestrée par les régimes eux-mêmes, relayée par certains influenceurs pro-junte sur les plateformes numériques.
Une méthode qui inquiète la communauté internationale
L’Union africaine et la CEDEAO, bien que marginalisées par l’AES, expriment des inquiétudes croissantes face à cette dérive. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies a récemment appelé à des enquêtes indépendantes sur les allégations de complots et sur les arrestations qui en découlent.
Mais sur le terrain, les populations semblent résignées. Entre peur, propagande et absence d’alternative politique claire, le silence s’impose, et les juntes gagnent du temps.
En conclusion, à défaut d’apporter sécurité et prospérité, les régimes militaires de l’AES semblent avoir trouvé une méthode efficace pour se maintenir : inventer des ennemis invisibles. Une stratégie dangereuse, qui risque de prolonger l’instabilité et d’étouffer durablement toute vie démocratique dans la région.