avril 27, 2025
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Politique

France-Maroc : un nouveau départ ?

Pour sa première visite officielle au Maghreb, le chef de la diplomatie française Stéphane Séjourné était au Maroc. Objectif : tourner la page des crises diplomatiques récentes.

« Le poids des mots, le choc des photos », ce célèbre slogan adopté par un magazine hebdomadaire français est une parfaite illustration de cette première rencontre très attendue entre le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, et son homologue marocain, Nasser Bourita. Pour son premier déplacement officiel au Maghreb, le chef de la diplomatie française, missionné par le président français Emmanuel Macron, a donc choisi de se rendre au Maroc. Pendant cette visite importante, marqueur du début d’une nouvelle étape, les deux ministres se sont longuement exprimés sur le futur des relations entre Paris et Rabat, mais aussi sur d’autres dossiers stratégiques pour les deux rives de la Méditerranée.

.Le « renouvellement », condition sine qua non du dégel

À son arrivée au siège de la diplomatie marocaine, Stéphane Séjourné a été accueilli par Nasser Bourita. Les premières images réunissant les deux responsables ont rapidement fait le tour de la Toile. Au menu de cette visite qui intervient après une longue séquence de turbulences : une séance de travail en tête à tête entre les deux ministres, une réunion élargie entre les deux délégations, un point de presse, et un déjeuner. Plusieurs thématiques ont été évoquées lors du point de presse, durant lequel le ministre marocain des Affaires étrangères a pris la parole en premier pour une mise en contexte, en rappelant que c’est la première visite du chef de la diplomatie française au Maroc et en Afrique de manière générale, avant de passer au sujet le plus important : les relations entre Paris et Rabat.

« La relation entre la France et le Maroc est exceptionnelle », a commencé par dire Nasser Bourita. De par sa dimension historique, « elle est basée sur des intérêts mutuels et une forte coopération dans tous les domaines », rappelle le responsable marocain en qualifiant cette relation d’État à État. Pour la diplomatie marocaine, la France est « un partenaire privilégié » du royaume chérifien, notamment sur les plans politique, économique et humain. Cette relation arrive cependant à un moment de « renouvellement » et d’« évolution » en termes d’approches et d’acteurs pour qu’elle puisse être en phase avec le niveau de développement que connaissent les deux pays. Et de rappeler le changement de dimension du royaume, devenue une puissance régionale « importante » et un acteur « incontournable » en Afrique du Nord, dans la zone méditerranéenne, ainsi qu’au niveau de l’Afrique et du monde arabe, d’où la nécessité de renouveler la relation France-Maroc sur base du principe du « respect mutuel ». Pour acter cette évolution dans les rapports entre les deux pays, le responsable marocain a annoncé les visites de responsables des différents départements ministériels dans les prochaines semaines.

 

Nouvelle feuille de route « claire » et « ambitieuse »

« L’échange que nous avons eu était très riche, empreint d’amitié et d’estime, mais également d’une grande forme de sincérité », ce sont les premiers mots de Stéphane Séjourné, lors de sa prise de parole dans la salle de presse. Après avoir remercié son homologue marocain de l’accueil « chaleureux » qui lui a été réservé, Stéphane Séjourné a rappelé l’objet de sa visite souhaitée par le président Macron, qui est d’approfondir « le lien exceptionnel » entre le Maroc et la France. Il a ainsi saisi cette occasion pour annoncer la visite prochaine du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et de la ministre de la Culture, Rachida Dati, dont la nomination a été applaudie par Rabat.

Cette nouvelle étape sera donc couronnée par l’élaboration d’une feuille de route « claire et ambitieuse », et qui devrait être à la hauteur « des défis du siècle ». Ce partenariat renouvelé, qualifié « d’avant-garde », portera sur plusieurs domaines, dont les énergies renouvelables, à travers le volet de la formation et le développement de nouveaux écosystèmes industriels innovants.

La montée en puissance du Maroc a été aussi mise en avant. « Le Maroc a profondément changé », a déclaré Stéphane Séjourné. Et de poursuivre : « Je suis impressionné par les réformes engagées et les projets conduits à l’initiative de Sa Majesté le roi, plaçant le développement humain au cœur du modèle développement marocain. »

Ce changement de ton est en réalité révélateur d’une nouvelle approche qu’adopte la France dans sa relation avec le Maroc. « C’est un déplacement extrêmement important qui vient clore un long hiver dans les relations entre la France et le Maroc, où le dialogue à haut niveau était presque absent. Et pour cause : il y avait des divergences politiques majeures entre Paris et Rabat », indique le journaliste et éditorialiste Mustapha Tossa, dans une déclaration accordée à nos confrères de Medi1 TV. Au-delà du volet économique, la France est principalement attendue sur le dossier épineux du Sahara occidental, également à l’ordre du jour de cette rencontre.

 

Une position inchangée, mais une volonté d’avancer…

« Le Maroc peut compter sur la France pour défendre ses priorités nationales aujourd’hui et demain », a déclaré Stéphane Séjourné, avant d’entrer dans le vif du sujet. Et de poursuivre au sujet du plan d’autonomie marocain : « C’est un enjeu existentiel pour le Maroc. Nous le savons », tout en rappelant le soutien « clair et constant » de Paris à la proposition marocaine. Faut-il y voir pour autant un changement de position ?

En réponse à la question d’une journaliste de l’AFP, sur la forme que pourrait prendre l’évolution de la position française sur ce dossier, le ministre français a réitéré la position de son pays. « La question du Sahara est existentielle pour le Maroc et les Marocains, et la France le sait. Cela guide d’ailleurs notre position sur le sujet. » Et d’ajouter que « la France veut une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité ». Étant « le premier » pays à soutenir le plan marocain de 2007, la France souhaite maintenant « avancer » en vue d’une solution « pragmatique, réaliste, durable et fondée sur le compromis ».

Dans ce cadre, le diplomate français a rappelé le soutien de la France aux efforts de l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies, en vue de la reprise des tables rondes, en appelant « toutes les parties concernées » à s’y engager de bonne foi. Cette volonté de faire progresser ce dossier comprend également « la prise en compte des besoins des populations de ces territoires ». Et de rappeler l’existence de deux écoles françaises à Dakhla et Laâyoune et le déploiement d’un centre culturel itinérant dans les villes de Laâyoune, Boujdour et Dakhla.

Au-delà des domaines culturels et éducatifs, la France va accompagner le développement des provinces du Sud, « en appui des efforts marocains », en mettant en lumière les investissements du Maroc dans les projets de développement « au bénéfice des populations locales et en matière de formation, d’énergies renouvelables, de tourisme, d’économie bleue liées aux ressources aquatiques », a-t-il affirmé.

Il convient de rappeler que le Maroc a investi près de 120 milliards de dirhams, soit 12 milliards de dollars, dans les Provinces du Sud entre 1975 et 2013, selon le livre blanc sur le Sahara, produit par l’Institut royal des études stratégiques (IRES). Un modèle de développement dédié aux projets structurants a aussi été lancé ensuite par le roi Mohammed VI, durant la période 2016-2022. Il a nécessité une enveloppe budgétaire de 77 milliards de dirhams, soit plus de 7 milliards de dollars.

Dans les faits, aucune annonce majeure n’a été faite par rapport à ce dossier, ce qui confirme jusque-là l’attachement de Paris à la position traditionnelle qu’elle adopte depuis 2007, néanmoins, la France s’engage à accompagner le Maroc dans le développement du Sahara.

 

L’alliance franco-marocaine pour « la renaissance » de l’Union pour la Méditerranée

Une autre question a été adressée par ailleurs au chef de la diplomatie marocaine par rapport au sort de l’Union pour la Méditerranée (UpM). Question à laquelle Nasser Bourita a répondu avec quatre éléments de réponse. « Le Maroc et la France jouent un rôle important dans ce projet », dit-il, en rappelant que l’UpM a été initiée par la France. Cependant, le royaume demeure « le seul pays du Sud qui contribue financièrement au budget de l’Union sans oublier que c’est le pays qui a présenté le plus de projets pour être labellisés UpM ». Les deux pays ont donc « toute la légitimité » pour évoquer ce projet et essayer de renforcer ce processus.

Le chef de la diplomatie marocaine a par ailleurs reconnu l’existence de problèmes au sein de l’UpM, mais qui ne sont pas seulement d’origine institutionnelle. Au-delà de « la léthargie institutionnelle », le responsable marocain pointe « l’hésitation stratégique » au niveau de l’Union européenne (UE). Dans l’état des faits, cette Union « ne peut pas faire plus qu’elle ne fait maintenant », a-t-il déclaré, notamment en raison du manque de coordination au niveau du Sud.

Toutefois, le contexte de tensions géopolitiques que connaît la Méditerranée en est aussi une raison. Et pour cause : « l’agression israélienne contre Gaza » et « l’impact sur la stabilité du Liban et sur d’autres pays méditerranéens dont la Libye ». Pour Rabat, c’est une relation de cause à effet. « L’institution ne peut que refléter cet état de fait », déclare Bourita, en mettant en garde contre l’installation « d’une géopolitique de la peur » qui prime en Méditerranée. En clair, « tout ce qui vient du Sud est problématique et parfois même avec des raccourcis dangereux », dit-il en citant les attaques aux produits agricoles venant du Sud, alors que les exportations de l’UE vers le Maroc sont excédentaires de 600 millions d’euros. Même son de cloche pour l’accord de libre-échange. Il a ainsi rappelé que l’UE réalisé un excédent de 10 milliards d’euros avec le Maroc, pointant « un libre-échange à la carte ».

Pour cela, il faut faire des choix politiques pour sortir de « la mainmise » de la Commission européenne, en appelant à discuter des crises méditerranéennes dans le tour de table méditerranéen.

Dans ce sillage, le Maroc et la France peuvent travailler ensemble pour faire renaître l’UpMafin d’être « au-devant de la réflexion sur le renouveau » de cette Union.

Source :  Le Point Afrique

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