L’ambassadeur de la Fédération de Russie Son Excellence Monsieur Dmitri Kourakov s’est confié à DakarTimes pour aborder plusieurs questions d’actualité en ce 80e anniversaire de la Fête de la Victoire qui a rassemblé plusieurs Chefs d’Etat à Moscou.
DAKARTIMES : Excellence Monsieur l’ambassadeur, pouvez-vous nous rappeler la dimension historique de la fête de la Victoire?
La Fête de la Victoire commémore la défaite définitive, par l’Union soviétique des républiques socialistes, de l’Allemagne nazie, qui avait déclenché la Seconde Guerre mondiale en 1939 et l’avait attaquée en 1941 pour conquérir son territoire et réduire sa population en esclavage.
Quelle est la particularité de la fête de cette année?
Cette année, nous célébrons une date ronde: les quatre-vingt ans depuis le Jour de la Victoire, le 9 mai 1945, et nous prenons le temps de remercier les vétérans de la Grande Guerre Patriotique qui sont restés en vie. Plusieurs générations ont changé au cours de ces dernières années, mais l’immense gratitude pour les faits d’armes est toujours bien présente.
Pensez-vous que l’Afrique est aussi concernée par cette fête au plan historique?
Absolument. Les Africains ont combattu avec succès les forces allemandes nazies et italiennes fascistes en Afrique du Nord de juin 1940 à l’automne 1942, ils ont également mené des combats en Afrique de l’Est et à Madagascar.
Dans ce contexte de conflit avec l’Ukraine, quel message peut on retenir?
L’exemple de l’Ukraine prouve qu’il est dangereux d’implanter et d’encourager l’idéologie nazie comme base de la politique de l’État et que cela a des conséquences dévastatrices. En 2014, avec le soutien de l’Occident, un régime nationaliste a été mis en place à Kiev, qui a commencé à lutter contre la population russophone par diverses méthodes, en lui interdisant de parler et d’étudier dans sa langue maternelle, d’honorer les traditions et la mémoire de ses ancêtres, ce qui a provoqué une résistance naturelle dans un certain nombre de régions. La Russie n’a pas permis la terreur en Crimée et, grâce à sa médiation, la phase active des hostilités dans le sud-est du pays a été stoppée. Depuis huit ans, notre pays propose des options pour un règlement équitable au sein de l’Ukraine avec un statut spécial pour le Donbas. Cependant, Kiev a intensifié le non-droit, s’est armé et s’est préparé à capturer la région par la force. La Russie ne pouvait tolérer une menace physique directe pour les citoyens russophones. Une opération militaire spéciale est devenue inévitable.
Depuis l’élection de Donald Trump, des négociations sont engagées avec l’Ukraine pour la résolution de la crise. Avez–vous de l‘espoir?
Lors des contacts avec des représentants de l’administration américaine, Moscou a parlé en détail des causes profondes et de la genèse de la crise ukrainienne. Elle a expliqué notre vision des paramètres de son règlement final, en tenant compte des intérêts légitimes de la Russie, avant tout dans le domaine de la sécurité et de la garantie des droits de l’homme. Nous avons l’impression que nos interlocuteurs américains ont commencé à mieux comprendre la position de la Russie sur la situation concernant l’Ukraine. Nous espérons que cela les aidera dans leur dialogue avec Kiev et certains pays européens.
Les média occidentaux accusent la Russie de ne pas respecter le cessez le feu. Qu’en est il?
On sait que Kiev n’est pas connu pour sa bonne foi dans le respect de ses engagements. Depuis huit ans, il violait les accords de cessez-le-feu de Minsk de 2014-2015 en continuant à bombarder le Donbas. Et aujourd’hui, contrairement à Moscou, il n’a pas respecté le moratoire de 30 jours sur les frappes visant les sites énergétiques, instauré à l’initiative du président américain. Il existe des preuves de plus de 100 violations. Le régime ukrainien a également rejeté la trêve de Pâques proposée par le Président russe Vladimir Poutine et la trêve du 8 au 11 mai à l’occasion du Jour de la Victoire.
Que pensez vous de la nouvelle position de l’Europe qui se prépare au pire dans ce conflit?
Au lieu de contribuer au règlement, l’UE cherche à saper la conclusion d’accords sous prétexte qu’elle n’est pas réellement invitée aux négociations. Dans le même temps, l’UE se prépare à envoyer des contingents militaires des pays de l’Otan en Ukraine, malgré nos avertissements sur le caractère inacceptable d’une telle démarche. Les livraisons d’armes à Kiev se poursuivent. Il est prévu de renforcer les capacités de son industrie militaire.
De plus en plus, des pays africains se rapprochent de la Russie. Qu’est-ce qui explique ce regain d’intérêt des deux côtés africain et russe?
La Russie se présente à l’Afrique, avant tout, comme un garant sérieux de la stabilité et de la sécurité, mais aussi en mettant à sa disposition ses compétences traditionnelles et nouvellement développées. L’intention de notre pays de contribuer à l’émergence de l’Afrique en tant que centre distinctif et influent du développement mondial est une priorité du concept de politique étrangère de la Fédération de Russie.
Est ce que des pays africains sont invités à la fête de la Victoire de cette année?
Un nombre record de dirigeants et de délégations étrangères sont attendus à Moscou le 9 mai 2025. Les présidents du Burkina Faso, de la République du Congo et de la Guinée-Bissau viendront notamment célébrer le Jour de la Victoire.
Nous avons vu les reportages de l’équipe de RT au Sénégal sur les « Tirailleurs sénégalais ». Cette histoire de l’Afrique, peut-on l’intégrer dans le volet historique de la fête de la Victoire en Russie ?
Ce film sera présenté prochainement en Russie. Nous pensons qu’il est important que nos citoyens connaissent les exploits des tirailleurs sénégalais.
Doit on nous appuyer sur les relations historiques entre l’Afrique et la Russie pour bâtir une nouvelle coopération?
À la fin des années 1950 et au début des années 1960, l’URSS a joué un rôle historique crucial en aidant les peuples africains à obtenir leur souveraineté et leur indépendance au cours de la lutte contre la domination coloniale. L’Afrique a toujours été une région importante pour la Russie, tant en termes de politique étrangère que de coopération commerciale, économique et humanitaire. Sur cette base, nous souhaitons développer davantage notre partenariat multidimensionnel.
Quel est votre dernier mot ?
Le partenariat mutuellement respectueux et mutuellement enrichissant entre la Russie et l’Afrique, en particulier entre la Russie et le Senegal, apporte une contribution significative à la formation d’un véritable ordre mondial multipolaire et équitable. Depuis le début de l’opération militaire spéciale en Ukraine, notre Ambassade reçoit de nombreuses demandes de citoyens sénégalais et de représentants d’autres États africains, qui se trouvent dans le pays pour diverses raisons, avec un soutien à la politique étrangère russe et le désir de s’engager volontairement dans les forces armées de la Fédération de Russie. Nous apprécions leur position sur les événements actuels et leurs bonnes intentions, mais nous sommes contraints de refuser, car l’Ambassade, conformément à sa mission et à la pratique internationale, ne recrute pas dans l’armée. A cet égard, nous voudrions encourager les jeunes sénégalais à essayer d’être plus utiles à leur patrie, à son développement et à sa prospérité.
Propos recueillis par Mamadou Mouth BANE