Le projet « Enhancing Africa’s response to transnational organised crime » (ENACT) financé par l’Union Européenne, et mis en œuvre par l’Institut d’Etudes de sécurité de l’Afrique, Interpol et Global Initiative, vient de publier un rapport sur l’indice du crime organisé. Le document intitulé « Indice du crime organisé en Afrique 2021 / Évolution de la criminalité dans le contexte de la COVID-19 / Une analyse comparative de la criminalité organisée en Afrique, 2019–2021 » document fournit la toute première mesure multidimensionnelle du crime organisé et de son impact. L’indice de criminalité organisée 2021 de l’Enact est basé sur l’analyse et les contributions de 120 experts à travers le continent et sur une analyse documentaire approfondie. Il rend compte des groupes de type mafieux, des réseaux criminels, des acteurs intégrés à l’État et des criminels étrangers. A travers le document de près de deux cents pages, les experts n’ont omis presque aucun aspect du fléau. Grâce à l’évaluation de différents indicateurs par pays et par région, ces experts ont dans l’Indice 2021, dégagé plusieurs conclusions clés qui mettent en lumière l’ampleur et la portée des marchés et des acteurs de la criminalité, juxtaposées à l’efficacité des mesures de résilience dans les pays africains. Ils ont montré que l’écart entre les niveaux de criminalité et de résilience s’est creusé au cours de la pandémie de COVID-19. Selon eux, les marchés et les acteurs de la criminalité ont étendu leur influence à travers le continent. Le rapport souligne aussi que les acteurs étatiques se sont renforcés au cours de la pandémie de COVID-19 ; que la traite des personnes est restée le marché le plus répandu en Afrique, tandis que le commerce de cocaïne a connu la plus forte augmentation ; que le niveau de criminalité en Afrique est le deuxième plus élevé au monde. Les experts ont aussi montré qu’en Afrique comme ailleurs, les conflits fournissent un terrain favorable à l’expansion de la criminalité. A les en croire, les mesures de résilience liées à la protection sociale se sont multipliées, mais les interventions axées sur la sécurité en Afrique demeurent la norme. Pour le cas de l’Afrique de l’Ouest, le rapport indique que la région a obtenu le score le plus élevé (4,87) (principalement grâce à certains pays comme Cabo Verde, le Sénégal et le Ghana, qui ont tous obtenu un score de 7,0).
Etat de la criminalité en Afrique
Si l’on considère l’Afrique dans son ensemble, le continent présente une moyenne de criminalité de 5,17. Bien que ce score intermédiaire reflète le large éventail des niveaux de criminalité constatés dans les 54 pays du continent, une analyse régionale comparative révèle les zones les plus en difficulté. Par exemple, d’après les évaluations menées par les experts, l’Afrique de l’Est enregistre la criminalité globale la plus élevée avec une moyenne régionale de 5,66, suivie de l’Afrique de l’Ouest (5,47), de l’Afrique centrale (5,11), de l’Afrique du Nord (4,86) et de l’Afrique australe (4,67). Cependant, une répartition géographique montre que les 10 pays affichant les scores de criminalité les plus élevés sont en fait dispersés sur tout le continent. À titre d’illustration, la RDC, en Afrique centrale, a la criminalité la plus élevée du continent avec un score de 7,75, suivie du Nigéria (7,15). Parmi les 10 pays les plus touchés figurent également le Kenya (6,95), l’Afrique du Sud (6,63), la Libye (6,55) et le Mozambique (6,53), ce qui indique que les plaques tournantes de la criminalité sont géographiquement dispersées dans les cinq régions d’Afrique. En revanche, si l’on regarde la partie inférieure du spectre de la criminalité, six des dix pays ayant le score le plus faible sont situés en Afrique australe : Eswatini(3,63), Seychelles (3,68), Botswana (3,71), Malawi (3,83), Comores (3,86) et Lesotho (3,90). Ces dynamiques de faible criminalité sont donc plus concentrées dans certaines parties du continent. La moyenne continentale de la criminalité n’apporte donc pas d’information thématique révélatrice sur les sources de la criminalité, c’est pourquoi il est important d’approfondir les sous-composantes de l’Indice, où réside sa valeur en tant qu’outil d’analyse. Si l’on s’intéresse aux sous-composantes de la criminalité, la moyenne des marchés criminels du continent était de 4,94, soit en dessous de la moyenne globale de la criminalité. Lorsque l’on compare ce résultat à la moyenne des acteurs de la criminalité africains de 5,40, il est évident que l’influence exercée par les groupes criminels constitue la force motrice de la criminalité sur le continent. Si l’on va plus loin en examinant les résultats de l’Indice d’un point de vue régional, la région ayant le score de criminalité le plus élevé, l’Afrique de l’Est, obtient une moyenne qui s’explique par le fait qu’elle abrite à la fois un large éventail de marchés criminels extrêmement répandus, y compris la traite des personnes, la criminalité environnementale et le trafic de drogue dans des pays comme le Kenya et la Tanzanie, ainsi que toutes sortes de types d’acteurs de la criminalité très puissants dans des pays comme le Kenya, le Soudan, le Soudan du Sud et la Somalie. Bien qu’une présence de marchés et d’acteurs de la criminalité divers contribue à des scores de criminalité plus élevés, certaines sous-composantes particulières de la criminalité peuvent être plus concentrées dans les régions qui, autrement, ont une criminalité globalement plus faible. Par exemple, l’Afrique de l’Ouest est la seule région du continent où deux des trois principaux marchés criminels sont des marchés de la drogue (commerce de la cocaïne et du cannabis, à 6,00 et 5,87, respectivement). À l’inverse, même si la région détient le score le plus élevé d’Afrique pour le commerce du cannabis (6,92), l’Afrique du Nord a de loin le score de criminalité liée à la flore le plus bas du continent, avec une moyenne négligeable de 1,92 (en raison de son manque de superficie forestière et de biodiversité de la flore). Ces variations mettent en évidence le regroupement de différentes économies criminelles sur un continent très diversifié. Marchés criminels Sur les 10 marchés criminels, la traite des personnes a été déterminée comme étant le marché le plus répandu en Afrique, avec une moyenne continentale de 5,93, suivie du trafic d’armes (5,56), de la criminalité liée aux ressources non renouvelables (5,44) et de la criminalité liée à la faune (5,39).
La prévalence de la traite des personnes n’est peut-être pas surprenante. Étant donné que les êtres humains sont au centre de l’exploitation, les obstacles à l’entrée sur le marché sont faibles alors que l’impact est élevé. En outre, le terme « traite des personnes », dans le cadre de l’Indice, englobe une multitude d’activités illicites (travail forcé, recrutement forcé d’enfants soldats, exploitation sexuelle et trafic d’organes, entre autres), ce qui signifie que la traite des personnes peut se produire dans tous les environnements et contextes, indépendamment des conditions socioéconomiques ou politiques d’un pays. En effet, d’après les évaluations, 30 des 54 pays disposent d’un marché de la traite des personnes dont l’influence est significative ou importante, démontrant la large portée de ce marché illicite. En réalité, il existe souvent un recoupement des exploitations dans les marchés de la traite des personnes et du trafic d’êtres humains, en raison de la migration irrégulière de milliers d’Africains en quête d’une vie meilleure, ce qui accélère la croissance de ces marchés d’exploitation lucratifs. Cependant, la différence entre la traite des personnes et le trafic d’êtres humains quant à leur omniprésence (le trafic d’êtres humains, avec une moyenne de 4,85, se classe beaucoup plus bas, en tant que sixième marché criminel en Afrique) peut s’expliquer par les circonstances limitées dans lesquelles le trafic d’êtres humains est possible. Alors que la traite des personnes se produit à la fois à l’intérieur d’un pays et à l’échelle transnationale, le trafic nécessite, quant à lui, le recours à des passeurs pour faire traverser une frontière à des personnes en infraction avec les lois sur l’immigration d’un pays.
En Afrique, les communautés économiques régionales telles que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui garantit la liberté de circulation par-delà les frontières nationales, limitent les activités de trafic d’êtres humains. Néanmoins, certaines zones du continent sont particulièrement touchées par le trafic d’êtres humains. Par exemple, l’Érythrée est particulièrement frappée par le trafic d’êtres humains. Elle détient le score le plus élevé du continent (9,5) et, d’après les experts, il s’agit de l’un des principaux pays sources de réfugiés en Afrique. Deuxième marché criminel le plus répandu sur le continent, le trafic d’armes a eu un impact profond sur la progression d’autres économies illicites et sur la violence dans des zones de plus en plus militarisées à travers l’Afrique. Sur l’ensemble du continent, 23 pays ont été évalués comme ayant un marché du trafic d’armes dont l’influence est significative ou importante, démontrant l’omniprésence de cette économie illicite. La Libye affiche le score le plus élevé en matière de trafic d’armes (9,5). Depuis 2011, le pays est devenu une source majeure du commerce illicite des armes, entraînant une déferlante d’armes chez ses voisins et contribuant aux conflits à travers le continent et dans le reste du monde. Que les armes à feu soient produites illégalement, qu’elles proviennent de conflits passés ou qu’elles soient détournées des stocks gouvernementaux, leur prévalence repose sur leur utilisation récurrente. D’autres pays en proie à des conflits, tels que la RDC (9,0), la Somalie, le Soudan et la République centrafricaine (8,5), figuraient également parmi les pays d’Afrique en tête du classement relatif au trafic d’armes.
L’abondance de ressources naturelles et la grande biodiversité de l’Afrique en font un continent particulièrement vulnérable à l’exploitation environnementale. Parmi les trois crimes environnementaux pris en compte par l’Indice, le commerce illicite des ressources non renouvelables et la criminalité liée à la faune ont été définis comme les premier et deuxième marchés criminels les plus importants en Afrique. Leurs moyennes continentales (5,44 et 5,39, respectivement) sont supérieures à la moyenne des marchés criminels africains. Dix pays d’Afrique abritent un marché des ressources non renouvelables à forte influence. Ces pays incluent la Libye en raison de son marché de contrebande de pétrole à grande échelle ; le Soudan du Sud et la RDC, en grande partie à cause de la contrebande illicite d’or, qui a alimenté les violences et contribué à l’expansion d’autres marchés criminels tels que la traite des personnes ; le Zimbabwe et la République centrafricaine pour le commerce des diamants ; ainsi que des pays riches en minéraux comme l’Angola. De même, le commerce illicite dans le cadre de la criminalité liée à la faune s’est avéré particulièrement prépondérant dans les pays riches en biodiversité tels que le Mozambique, la Tanzanie et l’Afrique du Sud, où les animaux et les produits d’origine animale, comme l’ivoire, les cornes de rhinocéros et les os de lion (entre autres), sont commercialisés illégalement, menaçant les populations d’espèces et les écosystèmes des pays. En revanche, la criminalité liée à la flore a été notée comme le marché environnemental le moins répandu et le seul situé en dessous de la moyenne criminelle du continent, à 4,73.
Les sept pays du continent les plus touchés par le commerce de cocaïne sont tous situés en Afrique de l’Ouest
Bien qu’il se classe cinquième parmi les 10 marchés criminels, le commerce de cannabis est le plus répandu des quatre marchés de la drogue en Afrique, et le seul marché dont le score continental (5,26) est supérieur à la moyenne globale des marchés criminels. Le Maroc domine ce marché avec un score de 9,0, suivi du Soudan et du Nigéria (8,0 chacun). L’omniprésence du commerce de cannabis peut s’expliquer par sa culture généralisée et ses prix peu élevés, attrayants pour les grands marchés de consommation. En revanche, les drogues synthétiques (4,34), la cocaïne (4,10) et l’héroïne (3,81) sont les trois marchés criminels les moins présents en Afrique. Alors que de nombreux pays présentent de faibles scores pour les quatre marchés de la drogue, d’autres qui affichent de faibles scores pour le marché du cannabis se révèlent être des plaques tournantes pour d’autres stupéfiants. Par exemple, au Mozambique, le marché du cannabis s’est classé troisième après l’héroïne (7,5) et les drogues de synthèse (7,0), tandis que le commerce illicite de drogues de synthèse a été défini comme le marché de la drogue le plus important en République centrafricaine. Les sept pays du continent les plus touchés par le commerce de cocaïne sont tous situés en Afrique de l’Ouest.

Acteurs de la criminalité du continent
En ce qui concerne les acteurs de la criminalité, l’autre sous-composante en matière de criminalité, la moyenne continentale (5,40) désigne les acteurs de la criminalité comme les responsables de la croissance de la criminalité en Afrique. En effet, la grande majorité des pays (72 %) se sont vu attribuer des scores plus élevés pour les acteurs de la criminalité que pour les marchés criminels. Les acteurs étatiques ont été largement désignés comme le type d’acteurs de la criminalité le plus dominant, avec une moyenne continentale de 6,89. Viennent ensuite les réseaux criminels (5,96), les acteurs étrangers (5,63) et les groupes de type mafieux (3,11), la seule typologie d’acteurs de la criminalité bien en deçà de la moyenne continentale. Les acteurs étatiques sont le type d’acteurs de la criminalité le plus répandu dans les cinq régions d’Afrique. L’Afrique centrale (7,55) se trouve en tête de liste, suivie de l’Afrique du Nord (7,17), de l’Afrique de l’Ouest (6,90) et de l’Afrique australe (6,90). L’Afrique comptant 21 pays considérés comme comprenant des acteurs étatiques qui exercent une forte influence sur la société, la forte présence de ce type d’acteurs affecte grandement la capacité des États à fournir des services à leur population et à mettre en œuvre des cadres de lutte contre le crime organisé qui sont fondés sur la transparence. De plus, les pays dont les scores liés aux acteurs étatiques sont les plus élevés sont généralement des États autoritaires C’est le cas de 11 d’entre eux sur les 12 premiers de l’Indice, qui sont classés comme « régimes autoritaires » par l’Indice de démocratie 2020 de The EconomistIntelligence Unit.
Les réseaux criminels sont également répandus dans toutes les régions d’Afrique, et plus particulièrement en Afrique de l’Est (6,83) et en Afrique de l’Ouest (6,43). On remarque que les six premiers pays affichant les scores liés aux réseaux criminels les plus élevés ont tous également obtenu un score de 7,5 ou plus pour les acteurs étatiques. Ces résultats suggèrent une relation symbiotique entre les acteurs de la criminalité étatiques et non étatiques travaillant en tandem sur les entreprises illicites.
Les acteurs de la criminalité étrangers semblent également assez présents, la moitié des 54 pays d’Afrique comptant des acteurs de ce type dont l’influence est significative ou importante. Parmi les régions les plus touchées, l’Afrique de l’Ouest arrive en tête (6,30), suivie de l’Afrique de l’Est (6,00) et de l’Afrique australe (5,54). À l’instar du lien existant entre les acteurs étatiques et les réseaux criminels, les pays comptant de nombreux acteurs étrangers (à savoir un score de 7,0 ou plus) ont également tendance à abriter davantage de réseaux criminels et d’acteurs étatiques. Sont notamment concernés la Côte d’Ivoire et le Togo (qui ont un score de 7,0 ou plus pour ces trois typologies d’acteurs). Ces constatations laissent supposer que les groupes criminels nationaux et étrangers travaillent en collaboration, en particulier lorsque les chaînes d’approvisionnement illicites étendent leur portée au-delà des frontières nationales. Il convient cependant de noter que même si des marchés particuliers dans certaines régions comportent des acteurs étrangers issus de différentes parties du monde (tels que des acteurs ayant des liens avec le commerce de la cocaïne en Amérique latine), la forte présence d’acteurs étrangers est plus souvent due à une propagation d’acteurs de la criminalité provenant des pays voisins qu’à l’implication d’acteurs de la criminalité transcontinentaux. Les groupes de type mafieux sont, quant à eux, relativement rares, à quelques exceptions près, comme la Somalie, le Kenya et l’Afrique du Sud (entre autres). Alors que ces pays affichaient des scores relativement élevés, les groupes criminels décrits comme « de type mafieux » diffèrent d’un contexte à l’autre. Par exemple, les gangs hautement organisés qui exercent une forte influence au Kenya et en Afrique du Sud peuvent entrer dans cette catégorie. En revanche, dans des pays tels que la Somalie, la Libye, la RDC et la République centrafricaine, les groupes armés et les milices, qui peuvent ne pas relever de la définition traditionnelle du groupe criminel organisé, sont fortement engagés dans des activités illicites organisées, allant du trafic d’armes et du trafic d’êtres humains à l’extorsion et au racket, et peuvent donc être décrits comme présentant des caractéristiques de type mafieux.
Résilience du continent face à la criminalité
Avec une moyenne de 3,80, l’Afrique affiche des scores nettement inférieurs pour la résilience que pour la criminalité. Cela souligne le besoin urgent de mesures plus efficaces pour lutter contre le crime organisé à travers le continent. Parmi les cinq régions d’Afrique, l’Afrique australe enregistre la plus forte résilience, avec une moyenne régionale de 4,18. Elle est suivie de l’Afrique de l’Ouest (4,06), de l’Afrique du Nord (3,79), de l’Afrique de l’Est (3,54) et de l’Afrique centrale (3,21). En effet, l’Afrique australe a obtenu de meilleurs résultats par rapport aux autres régions sur la plupart des indicateurs de résilience utilisés pour compiler les scores globaux de résilience, à l’exception des composantes « Forces de l’ordre » et « Intégrité territoriale ». Pour ces dernières, la moyenne de l’Afrique du Nord domine, reflétant l’accent mis sur la sécurisation des frontières dans cette région.
Alors que chaque indicateur de résilience est évalué indépendamment, des regroupements naturels apparaissent et permettent une analyse des tendances. Par exemple, les indicateurs liés au leadership et à la gouvernance regroupent des composantes telles que le « Leadership politique », la « Transparence et redevabilité des pouvoirs publics », la « Coopération internationale » et les « Politiques et lois nationales ». Ce groupe d’indicateurs, en moyenne, a obtenu un score plus élevé (4,11) que d’autres groupes d’indicateurs de résilience liés à des domaines tels que la justice pénale et la sécurité (3,91), les systèmes économiques et financiers (3,79) et la société civile et la protection sociale (3,28). Alors que les moyennes régionales des indicateurs de résilience individuels varient, les résultats montrent une mise en avant globale en Afrique des mesures politiques et de gouvernance pour lutter contre la criminalité organisée.
Si l’on décompose les 12 indicateurs de résilience, seuls quatre affichent des scores supérieurs à la moyenne continentale. Il s’agit de la « Coopération internationale » (4,79), suivi des « Politiques et lois nationales » (4,61), puis de l’« Intégrité territoriale » (4,24) et des « Acteurs non étatiques » (3,95). En revanche, les indicateurs de résilience les moins observés en Afrique étaient ceux liés aux protections sociales, tels que le « Soutien aux victimes et aux témoins » (2,81) et la « Prévention » (3,08).
En ce qui concerne les indicateurs de résilience les plus performants, les indicateurs liés au leadership et à la gouvernance, tels que la « Coopération internationale » et les « Politiques et lois nationales » figurent parmi les mieux notés dans les cinq régions. Ces résultats reflètent l’accent mis sur l’élaboration de cadres législatifs et coopératifs relatifs à la lutte contre la criminalité organisée. Pourtant, la faible moyenne globale de résilience du continent suggère qu’il existe des lacunes et/ou des obstacles importants dans la mise en œuvre de ces structures.
Cela indiquerait qu’en dépit de la volonté explicite des décideurs politiques de lutter contre la criminalité organisée, les scores de résilience dépendent avant tout de l’efficacité de la mise en œuvre des mesures d’intervention. À titre d’illustration, « Transparence et redevabilité des pouvoirs publics » était le troisième indicateur de résilience le plus bas en Afrique (3,30), ce qui représente un obstacle majeur à la mise en œuvre de mesures de résilience efficaces en raison du manque de transparence et de responsabilisation des fonctions de gouvernance de l’État. Cependant, les scores obtenus pour cet indicateur varient considérablement d’un pays à l’autre. Par exemple, un certain nombre de pays d’Afrique de l’Est, notamment l’Érythrée, le Soudan du Sud et la Somalie, ont obtenu des scores particulièrement faibles, tandis que Maurice, Cabo Verde, le Rwanda, l’Afrique du Sud et le Ghana affichent des scores comparativement plus élevés que leurs voisins. Les indicateurs de résilience basés sur les institutions, tels que « Système judiciaire et détention » (3,67), « Forces de l’ordre » (3,81) et « Intégrité territoriale » (3,91), se classent en moyenne au deuxième rang pour la résilience.
Ces données reflètent l’accent mis par les pays africains sur les mesures de justice pénale et de sécurité pour lutter contre la criminalité organisée. Bien que des systèmes et des structures tels que la sécurité des frontières, des forces de l’ordre spécialisées dans les problèmes de criminalité organisée et un système judiciaire et pénitentiaire doté de ressources suffisantes soient essentiels pour lutter contre les activités illicites, de nombreux pays ont été cités comme présentant des lacunes majeures en ce qui concerne le fonctionnement de ces institutions et systèmes. Par exemple, 30 pays ont obtenu un score inférieur à 4,0 pour l’indicateur « Système judiciaire et détention », alors que dans un certain nombre d’États, des groupes criminels exploitent, voire contrôlent, des centres de détention. D’autres obstacles et contraintes communs, tels que la corruption, les retards et le manque de formation et de ressources adéquates, ont été signalés dans plusieurs pays. Ces problèmes sont d’ailleurs aggravés par les restrictions liées à la COVID-19. Ces lacunes non seulement posent des défis à la lutte contre la criminalité, mais elles y contribuent dans de nombreux cas.
Les indicateurs de résilience axés sur l’économie, notamment la « Lutte contre le blanchiment d’argent » et la « Capacité de réglementation économique », ont quant à eux obtenu des scores inférieurs, avec une moyenne respective de 3,89 et 3,69. Malgré ces faibles moyennes continentales, les 10 pays les mieux notés pour les cadres de résilience économique et financière étaient géographiquement dispersés à travers l’Afrique, notamment en Éthiopie, en Afrique du Sud, au Rwanda et en Gambie. La nature de la criminalité organisée en tant qu’entreprise à but lucratif implique que même lorsque des marchés criminels ne sont pas présents dans un pays donné, la capacité de ce dernier à mettre en œuvre des mesures juridiques, réglementaires et opérationnelles pour lutter contre les produits du crime influence en fin de compte son degré de préparation face au risque potentiel de criminalité. Lorsque des réglementations économiques solides sont en place, les entreprises légitimes ont la possibilité de se développer et de fonctionner de manière équitable, à l’abri de toute ingérence. Tout est une question d’équilibre ; si ces politiques sont trop lourdes sur le plan bureaucratique, elles peuvent décourager les entreprises licites et pousser certains individus à se tourner vers des activités lucratives informelles ou illégitimes.
Les indicateurs de la société civile et de la protection sociale figuraient parmi les indicateurs de résilience les moins bien notés dans les cinq régions. À l’exception de quelques pays qui ont obtenu un score compris entre 5,0 et 5,5 pour leurs efforts de résilience axés sur les victimes et la prévention (comme Maurice et le Rwanda), ces résultats suggèrent que les mesures d’intervention sur le continent dans son ensemble ont tendance à cibler les auteurs de crimes et d’activités illicites, plutôt que de tenir compte des personnes les plus touchées par le crime organisé.
La seule exception concerne l’indicateur des « Acteurs non étatiques » qui, bien qu’encore faible (3,95), a surpassé la plupart des autres indicateurs de résilience. Bien que les pays aient tendance à mettre l’accent sur des mesures institutionnelles pour lutter contre la criminalité organisée, les « Acteurs non étatiques », un groupe d’indicateurs qui comprend la société civile, le secteur privé et les médias, jouent un rôle essentiel dans le renforcement de la résilience face à la criminalité. Les acteurs non étatiques peuvent entreprendre des mesures visant à compléter les interventions gouvernementales, voire, en l’absence de ripostes institutionnelles, constituer la seule source de résilience dans des contextes souvent très difficiles. La RDC en est un bon exemple : aucun indicateur de résilience n’a obtenu un score supérieur à 4,0, à l’exception des « Acteurs non étatiques », que les experts ont décrits comme jouant un rôle clé dans la fourniture de services et dans la lutte contre la corruption. Bien que les « Acteurs non étatiques » représentent la composante de la résilience sociale la mieux notée en moyenne, les résultats de l’Indice montrent des différences significatives dans les moyennes régionales. L’Afrique de l’Ouest a obtenu le score le plus élevé (4,87) (principalement grâce à certains pays comme Cabo Verde, le Sénégal et le Ghana, qui ont tous obtenu un score de 7,0). En revanche, la moyenne pour l’Afrique de l’Est était de 3,11.
Tendances de la criminalité par pays, 2019-2021
Criminalité dans la région de l’Afrique de l’Ouest
Selon le rapport, l’Afrique de l’Ouest, qui est la région regroupant le plus grand nombre de pays, a le niveau de criminalité le plus élevé après l’Afrique de l’Est. Elle obtient un score moyen de 5,66. Contrairement à d’autres régions d’Afrique (et sans tenir compte des cas particuliers de Sao Tomé-et-Principe et du Nigéria à chaque extrémité du spectre de la criminalité), l’éventail des scores de criminalité en Afrique de l’Ouest est relativement restreint. Sur les 15 pays de la région, 13 ont un score compris entre 4,81 et 6,15, soit une amplitude de seulement 1,34. Les résultats de l’Indice montrent clairement que la criminalité organisée est un problème majeur dans une grande partie de l’Afrique de l’Ouest, y compris dans les différents États côtiers et les pays enclavés de la région du Sahel.
Marchés criminels de l’Afrique de l’Ouest
Le marché criminel le plus présent en Afrique de l’Ouest est la traite des personnes, avec un score de 6,17. Ce score régional important n’est pas dû à quelques cas particuliers extrêmement touchés, mais plutôt à des scores relativement élevés dans un grand nombre de pays de la région. La traite des personnes est particulièrement influente dans pas moins de 11 pays d’Afrique de l’Ouest. Dans la région, ce marché criminel se manifeste sous de nombreuses formes, allant du travail forcé et de l’esclavage moderne à la traite à des fins d’exploitation sexuelle et de trafic d’organes. Le trafic d’êtres humains, une forme distincte d’activité criminelle organisée, a quant à lui beaucoup moins d’influence dans la région (4,85), en grande partie en raison de la liberté de circulation transfrontalière dont bénéficient les citoyens du bloc de la CEDEAO. Néanmoins, plusieurs pays jouent un rôle majeur dans l’industrie transcontinentale du trafic d’êtres humains de l’Afrique vers l’Europe, impliquant à la fois des réseaux hautement organisés et des entrepreneurs criminels opportunistes opérant dans la région. En outre, malgré le degré de friction beaucoup plus faible aux frontières dans l’espace CEDEAO, de nombreux autres facteurs, notamment la dangerosité des terrains, la corruption aux frontières et les mesures répressives, ne laissent guère d’autre choix aux migrants espérant atteindre l’Europe que de se tourner vers les services des réseaux de trafic illicite.
Le deuxième marché le plus actif est le commerce de cocaïne (6,00), ce qui confirme le rôle essentiel de l’Afrique de l’Ouest dans l’écosystème du trafic transnational de cocaïne en tant que point de transit reliant les pays sources d’Amérique latine, non seulement aux marchés de consommation traditionnels en Europe, mais aussi de plus en plus vers des destinations dans le reste de l’Afrique. La Guinée-Bissau, impliquée depuis vingt ans dans le commerce de cocaïne à la fois en raison de sa localisation stratégique et de ses liens politiques et militaires avec ce commerce, est rejointe par d’autres États côtiers, dont la Guinée, le Sénégal et le Ghana, ainsi que l’archipel de Cabo Verde, en tant que pays dans lesquels le commerce de cocaïne exerce une influence significative ou importante sur la société et les institutions étatiques. Cependant, la cocaïne n’est pas le seul marché de la drogue à exercer une influence notable en Afrique de l’Ouest. Le cannabis, en tête de la consommation de drogue dans toute la région, obtient également un score important, qui s’élève à 5,87. Le Nigéria est un important producteur de cannabis, qui est distribué dans toute l’Afrique de l’Ouest et au-delà par des réseaux sophistiqués de groupes criminels organisés. Les pays du Sahel jouent un rôle important en tant que points de transit pour le marché régional du cannabis. Ils font partie du vaste réseau de trafic sahélien reliant la région aux marchés européens. L’Afrique de l’Ouest a également connu une prolifération de drogues de synthèse (5,07), à savoir le tramadol et les amphétamines.
Par ailleurs, la consommation locale d’un large éventail de drogues synthétiques est en augmentation. Cependant, le seul marché de la drogue qui n’est pas parvenu à gagner du terrain en Afrique de l’Ouest est le commerce de l’héroïne (3,81), bien que quelques pays de la région soient de plus en plus utilisés comme points d’entrée sur le continent pour l’héroïne en provenance de l’Afghanistan et du Pakistan. Les crimes environnementaux sont également répandus dans toute l’Afrique de l’Ouest, notamment les crimes liés aux ressources non renouvelables, le quatrième marché criminel le plus important de la région avec un score de 5,87, suivi de près par la criminalité liée à la faune (5,67). L’extraction illégale d’or par des groupes criminels, y compris des organisations terroristes dans certains pays, est extrêmement répandue dans toute la région. Si cette activité accroît l’instabilité et la corruption, elle est aussi extrêmement préjudiciable à l’environnement et à la santé des populations locales. La région abrite également des activités d’extraction illicite de diamants et de soutage de pétrole, bien que ces économies clandestines soient moins répandues que le commerce illicite de l’or et tendent à être concentrées dans un nombre restreint de pays d’Afrique de l’Ouest. L’Afrique de l’Ouest abriteenoutre des espèces animales menacées qui sont braconnées et vendues illégalement sur les marchés asiatiques principalement, mais aussi sur le continent africain. Parmi ces espèces menacées se trouvent les pangolins, les éléphants pour leur ivoire, les chimpanzés et autres primates ainsi que de nombreuses espèces d’oiseaux. Par ailleurs, la pêche illégale est un problème de plus en plus pertinent dans plusieurs États côtiers d’Afrique de l’Ouest, tout comme la criminalité liée à la flore (5,50). L’exploitation illégale du bois de rose et d’autres types de bois est répandue sur les côtes d’Afrique de l’Ouest. Une implication gouvernementale est par ailleurs constatée dans l’exploitation forestière de plusieurs pays, notamment en Guinée-Bissau32. En outre, une combinaison de groupes armés, d’acteurs étatiques et d’entreprises étrangères déciment les forêts dans la région de la Casamance et autour de celle-ci33. Enfin, l’omniprésence d’un marché régional du trafic d’armes (5,50) est principalement due à la situation au Mali, au Niger, au Burkina Faso et au Nigéria, qui affichent tous un score de 8 en ce qui concerne le trafic d’armes. On observe une prolifération d’armes légères et de petit calibre de plus en plus sophistiquées dans la région, souvent extraites illégalement des stocks gouvernementaux, qui sont utilisées par des groupes armés impliqués dans des conflits interethniques et intercommunautaires au sein de la région. De plus, des groupes idéologiques extrémistes, dans les pays sahéliens susmentionnés, mais aussi au Nigéria, dans une large mesure, sont de plus en plus actifs sur le marché du trafic d’armes.
Acteurs de la criminalité en Afrique de l’Ouest
Les données de l’Indice montrent qu’une grande diversité d’acteurs de la criminalité opèrent en Afrique de l’Ouest, trois des quatre types d’acteurs obtenant un score entre 6 et 7. En tant que dénominateur commun facilitant l’activité de la plupart des types d’acteurs de la criminalité, les acteurs étatiques sont le type d’acteurs le plus répandu en Afrique de l’Ouest, avec un score de 6,90. À l’instar des réseaux criminels, les acteurs étatiques sont presque omniprésents dans la région, 13 des 15 États d’Afrique de l’Ouest affichant un score égal ou supérieur à 6. De la corruption de haut niveau et des détournements de fonds à l’implication directe des agents de l’État dans les économies illicites, telles que l’exploitation forestière illégale, l’extraction de l’or et le trafic de drogue, les acteurs étatiques sont incontestablement les principaux vecteurs par lesquels le crime organisé opère dans la région.
Les réseaux criminels sont également une composante majeure du paysage régional de la criminalité organisée (6,43). Ils sont même presque omniprésents dans toute l’Afrique de l’Ouest. D’innombrables réseaux criminels indépendants prennent part à une infinité d’économies illicites, des marchés environnementaux tels que l’exploitation forestière illégale et le trafic d’espèces menacées, au trafic transfrontalier de biens, de personnes et de drogues. Les réseaux criminels de la région entretiennent une vaste collaboration, les acteurs étrangers (6,30) jouant un rôle essentiel dans les activités du crime organisé dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, facilité en grande partie par la porosité des frontières. Cependant, les acteurs de la criminalité opérant en Afrique de l’Ouest sont tout aussi importants. Ils proviennent à la fois de pays d’origine des marchandises, tels que les cartels latino-américains à la tête du commerce transnational de la drogue, et de marchés de destination, comme les entreprises asiatiques responsables d’une grande partie de la pêche illégale pratiquée dans le golfe de Guinée et les eaux environnantes.
Les acteurs étatiques sont le type d’acteurs de la criminalité le plus répandu en Afrique de l’Ouest
Les groupes de type mafieux (2,57) sont assez rares dans la région. Les groupes criminels organisés nigérians, qui sont impliqués dans le soutage de pétrole, les enlèvements et le banditisme, comptent parmi les rares exceptions dans la région. On note également des organisations extrémistes violentes, dont les activités s’apparentent à celles des groupes mafieux dans quelques autres pays d’Afrique de l’Ouest.
Résilience en Afrique de l’Ouest
Bien qu’un certain nombre de pays de la région aient de très faibles niveaux de résilience face à la criminalité organisée, dans l’ensemble, l’Afrique de l’Ouest s’en sort mieux que la plupart des autres régions africaines en matière de résilience. Elle affiche un score moyen de 4,06. Sur les 20 pays d’Afrique les moins résilients, seuls cinq proviennent d’Afrique de l’Ouest, et quatre des 10 pays les plus résilients du continent appartiennent à la région. Néanmoins, force est de constater que la résilience face au crime organisé sur l’ensemble du continent, y compris en Afrique de l’Ouest, reste très faible. Les services de soutien fournis aux victimes du crime organisé, ainsi que la protection offerte aux témoins – une arme fondamentale dans l’arsenal des mesures de lutte contre l’impunité – sont très limités, comme en témoigne le score moyen de 2,83 pour l’indicateur de soutien aux victimes et aux témoins. De même, les stratégies visant à prévenir la criminalité organisée sous ses diverses formes sont rares dans la région, la prévention n’obtenant qu’un score de 3,17. Ce score demeure faible malgré la mise en place par certains pays de campagnes de sensibilisation portant sur plusieurs problématiques, notamment la violence, le trafic d’armes et la traite des personnes.
Cependant, un problème de taille a été relevé dans la majeure partie de l’Afrique de l’Ouest en ce qui concerne les deux indicateurs de résilience susmentionnés, à savoir le manque de financement fourni par les gouvernements centraux, qui fait ainsi davantage peser le fardeau sur les acteurs de la société civile. Par conséquent, l’indicateur lié aux acteurs non étatiques est le deuxième indicateur de résilience le plus élevé en Afrique de l’Ouest, à 4,87. Ce score reflète les efforts considérables déployés par les ONG pour soutenir les victimes de la traite des personnes ou pour aider les jeunes à s’éloigner des gangs et à s’orienter vers un avenir plus prospère. Malheureusement, de nombreux gouvernements d’Afrique de l’Ouest, comme dans le reste du continent, sont de plus en plus hostiles à la société civile, et en particulier aux médias, et répriment la presse libre par des mises en détention et des poursuites arbitraires.
Les indicateurs axés sur le leadership et la gouvernance présentent un tableau mitigé. D’une part, la coopération internationale se porte plutôt bien et représente l’indicateur le mieux noté en Afrique de l’Ouest (5,13), grâce à une collaboration solide entre les pays de la région et avec des partenaires mondiaux en Europe et dans les Amériques, et par le biais d’organisations intergouvernementales multilatérales. De même, les politiques et lois nationales (4,40) figurent parmi les indicateurs de résilience les mieux notés, ce qui montre que les fondements d’une riposte efficace face à la criminalité organisée sont en place dans plusieurs pays. Cependant, le plus grand défi auquel fait face une vaste partie de la région concerne la mise en œuvre et la coordination efficaces de cadres juridiques afin de cibler l’activité criminelle organisée. Les indicateurs de résilience mettant beaucoup plus l’accent sur la volonté politique de lutter contre la criminalité organisée ainsi que sur l’ouverture, latransparence et le degré de corruption au sein du gouvernement affichent, quant à eux, des scores nettement plus faibles. L’indicateur « Leadership politique et gouvernance » enregistre une moyenne régionale de 3,97, le score pour la transparence et la redevabilité des pouvoirs publics étant légèrement inférieur, à 3,90. L’insécurité chronique qui règne dans une grande partie de la région a permis aux acteurs de la criminalité de s’implanter dans les sociétés d’Afrique de l’Ouest tout en ayant conduit les gouvernements à donner souvent la priorité aux conflits et au terrorisme plutôt qu’à la criminalité organisée. Il semble évident qu’il existe un manque de volonté politique dans une région où les acteurs étatiques sont connus pour profiter des économies illicites, du népotisme et de la corruption. La corruption est monnaie courante en Afrique de l’Ouest et la plupart des pays de la région ont tardé à mettre en œuvre, voire à introduire, des mesures et des initiatives anti-corruption.
L’intégrité territoriale (4,33) et les forces de l’ordre (4,20) figurent parmi les cinq principaux indicateurs de résilience pour l’Afrique de l’Ouest. Cependant, comme de nombreux indicateurs, ceux-ci varient grandement à travers la région. Dans un certain nombre d’États, les forces de l’ordre, et par extension les gouvernements, contrôlent entièrement leur territoire. Des patrouilles aux frontières sont régulièrement effectuées, souvent avec une assistance internationale, et des efforts sont déployés pour améliorer la sécurité des principaux centres d’infrastructure. En revanche, dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, les frontières sont extrêmement poreuses, notamment en raison de la corruption omniprésente des agents des frontières. Dans certains cas, d’importantes étendues de territoire souverain échappent au contrôle des autorités nationales. Le manque de ressources, de personnel et de financement des forces de l’ordre pose des défis importants à la mise en œuvre de mesures efficaces de lutte contre la criminalité organisée.
Par ailleurs, comme c’est également le cas pour les forces frontalières, la faible rémunération des forces de police de la région pousse certains officiers à se livrer à des pratiques de corruption. Sur les trois indicateurs de résilience liés à la justice pénale, cependant, c’est celui concernant le système judiciaire et la détention (3,93) qui obtient le score le plus bas en Afrique de l’Ouest. Les principaux problèmes auxquels est confronté le système judiciaire dans la plupart des pays sont sensiblement les mêmes que ceux que l’on retrouve dans le domaine des forces de l’ordre, à savoir la corruption, le manque de ressources et une formation inadéquate. La politisation du processus judiciaire dans plusieurs pays est telle que les militants de la société civile sont souvent poursuivis sous des accusations douteuses, tandis que de puissants criminels présumés parviennent à échapper à la justice, pérennisant ainsi l’impunité. Enfin, il existe d’importants secteurs informels dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, dont l’essor est favorisé par le manque d’accès aux circuits bancaires et de crédit formels, ainsi que par la pandémie de COVID-19.
Malgré des cadres réglementaires relativement solides dans certains des États côtiers les plus riches d’Afrique de l’Ouest, la capacité de réglementation économique affiche une moyenne régionale assez faible de 4,07. Les cadres de lutte contre le blanchiment d’argent dans la région sont également jugés extrêmement faibles (3,87). Bien que de nombreux pays disposent de services de renseignement financier, ceux-ci sont pour la plupart sous-financés et le personnel ne reçoit souvent pas la formation nécessaire pour déceler et suivre efficacement les infractions de blanchiment d’argent. Néanmoins, plusieurs pays se sont engagés à améliorer leur capacité de lutte contre le blanchiment d’argent et ont commencé à mettre en œuvre des mesures, aussi limitées soient-elles.
Synthèse de Rokhaya KEBE
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