Ce qui avait été présenté comme une guerre ouverte au sommet de l’État sénégalais s’est finalement révélé n’être qu’une crispation passagère. La politique, avec ses tensions éphémères et ses malentendus, laisse parfois présager des ruptures profondes qui, souvent, ne se matérialisent jamais. Les divergences apparentes dans la gestion politique entre le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko avaient alimenté les rumeurs d’un possible clash. Or, comme le rappelle le doyen Babacar Justin Ndiaye, « la politique est le cimetière des amitiés », mais elle est aussi le théâtre des réconciliations silencieuses et des fidélités préservées. À ce jour, les relations entre les deux hommes demeurent cordiales, empreintes de respect et d’admiration réciproque.
La semaine dernière en est une parfaite illustration. Mbackiou Faye, représentant du Khalife général des Mourides à Dakar, accompagné de Serigne Bass Abdoukhadr Mbacké, a été reçu par le Chef de l’État puis par le Premier ministre. Les deux dignitaires étaient porteurs d’un message du Khalife général, Serigne Mountakha Mbacké. Ce geste a réaffirmé ce que l’on appelle communément « l’exception sénégalaise », où les guides religieux, dans une posture républicaine et citoyenne, jouent un rôle crucial de médiation sociale et de préservation de la stabilité nationale.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les familles religieuses interviennent pour préserver l’essentiel. En 2005, Serigne Abdoul Aziz Sy « Al Amine » avait été déterminant dans l’apaisement de la crise entre Abdoulaye Wade et Idrissa Seck. Serigne Bara Mbacké avait réconcilié le Président Wade et son Premier ministre Macky Sall quelques années plus tard. Plus tôt encore, lors de la grève de 1968, Serigne Falou Mbacké avait contribué à calmer les tensions. El Hadji Ibrahima Niass s’était lui aussi illustré dans une médiation entre Senghor et Serigne Cheikh Tidiane Sy. Ces exemples rappellent la place centrale que les leaders religieux occupent dans le maintien de la cohésion nationale.
Dans ce contexte de consolidation de l’unité gouvernementale, un autre événement stratégique s’est déroulé dans la plus grande discrétion : le Premier ministre Ousmane Sonko a effectué une visite de 48 heures à Abu Dhabi, du dimanche au lundi, sur instruction du Président Diomaye Faye. Cette mission s’est inscrite dans le cadre des échanges stratégiques engagés avec les autorités des Émirats arabes unis, notamment avec Son Altesse Sheikh Mansour Bin Zayed Al Nahyan, Vice-Président des Émirats, Vice-Premier ministre et Président du fonds souverain ADQ.
Si les détails de cette visite demeurent pour l’instant confidentiels, elle illustre néanmoins une volonté claire de renforcer la coopération bilatérale et d’explorer de nouvelles opportunités dans les domaines économique, financier et diplomatique. Un déplacement à forte portée stratégique, mené dans la sérénité, la cohérence et la continuité de l’action gouvernementale.
Entre médiation religieuse apaisante et diplomatie proactive tournée vers l’avenir, le Sénégal confirme, une fois encore, la singularité de son modèle : un pays où les institutions, les acteurs politiques et les autorités spirituelles convergent pour préserver la stabilité et préparer le futur. Mamadou Mouth BANE

