avril 2, 2025
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L’explosion urbaine de l’Afrique s’accélère

  • D’ici à 2050, l’Afrique comptera 1,4 milliard de citadins. Une urbanisation fulgurante, porteuse de croissance mais aussi de défis majeurs. « Le monde s’africanise, l’Afrique s’urbanise », lance Greg Munro, directeur de Cities Alliance, en ouvrant la conférence consacrée à la présentation du rapport « Dynamiques de l’urbanisation africaine 2025»*. Cet ouvrage – publié par l’OCDE, la Banque africaine de développement (BAD), Cities Alliance et CGLU Afrique – est une mine d’information. Il esquisse avec précision l’évolution du paysage urbain de l’Afrique sur les 30 prochaines années.

La population africaine va doubler d’ici à 2050, pour atteindre 2,2 milliards d’habitants et doublera encore d’ici à 2100. L’Afrique sera alors de loin le continent le plus peuplé. Si la population africaine représente 18 % de la population mondiale aujourd’hui, ce sera 40 % en 2100. Pour nous donner une idée de comparaison, Greg Munro poursuit : « L’Europe en 1950 représentait 20 % de la population mondiale ; en 2050, elle en représentera 7 %. » Autre fait démographique à souligner, la jeunesse du continent : l’âge moyen de la population de 19 ans devrait continuer à baisser dans les décennies à venir.

L’Afrique s’urbanise à grande vitesse

Cette dynamique démographique impacte bien sûr le développement des villes. Selon les données d’Africapolis, sur lesquelles sont basées les projections de ce rapport, le nombre de citadins sur le continent devrait presque doubler d’ici à 2050, bondissant de 704 millions à 1,4 milliard, soit deux Africains sur trois. Les zones urbaines vont absorber plus de 80 % de la croissance de la population. En 2050, le continent comptera 17 mégalopoles de plus de 10 millions d’habitants et 159 villes de plus de 1 million d’habitants. Le tissu urbain va aussi se densifier avec le nombre d’agglomérations de plus de 10 000 citoyens qui devrait passer de 9 000 en 2020 à plus de 11 000 en 2050. Plus surprenant, sur ces 2 000 nouvelles villes, 50 % vont apparaître dans seulement quatre pays : le Nigeria, la Tanzanie, le Niger et la Côte d’Ivoire.

« Cette croissance démographique, largement absorbée par les villes, va dessiner la transformation du continent. Cette transition urbaine est en cours. À la fin de la période de projection (2050), elle commencera à ralentir et la plupart des villes africaines seront construites », commente Philipp Heinrigs, chef de la division villes et urbanisation de l’OCDE. Difficile aussi de s’imaginer que plus de la moitié des villes africaines n’existent pas encore ! « En fait, 61 % seront construites dans les trois prochaines décennies », souligne Philippe Heinrigs.

Un autre fait doit être souligné. Selon le rapport, plus de 80 % de la croissance urbaine se concentrera dans les pays de l’intérieur. Ainsi, 98 des 100 agglomérations urbaines à la croissance la plus rapide se trouveront à l’intérieur du continent en 2050, ainsi que 12 des 17 mégapoles de plus de 10 millions d’habitants. « Cette tendance s’explique par trois facteurs : le nombre important de pays enclavés, le faible degré d’orientation des systèmes urbains vers les bords de mer dans les pays côtiers ainsi que la localisation des grands bassins de population à l’intérieur du continent, comme celui des Grands Lacs, les hauts plateaux éthiopiens et le Nigeria », détaille Philipp Heinrigs. Cette dynamique, souvent négligée, implique une nouvelle vision du rôle des villes dans l’intégration du continent, notamment dans les pays enclavés.

De fortes disparités

Si le passage prévu du taux d’urbanisation du continent de 54 % à 65 % sur la période 2020-50 est une moyenne continentale, cela ne doit pas occulter de fortes disparités régionales et nationales.

L’Afrique du Nord, où le taux d’urbanisation devrait passer de 82 % en 2020 à 87 % en 2050, sera considérée comme l’une des régions les plus urbanisées du monde. À l’inverse, à l’horizon 2050, seuls 12 pays, dont la moitié en Afrique de l’Ouest, devraient présenter un taux d’urbanisation inférieur à 50 % : le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Mali, la Mauritanie et le Niger. En revanche, ce sont aussi les pays moins urbanisés qui devraient enregistrer une croissance rapide de leur population urbaine, comme le Niger, la Somalie, la Gambie et le Burkina Faso.

Le rôle des grandes villes

Le rôle majeur de cette transition se jouera dans les grandes villes qui absorberont les deux tiers de la croissance urbaine. Ainsi, le nombre de personnes vivant dans des agglomérations urbaines de plus de 1 million d’habitants passera de 325 millions en 2020 à 826 millions en 2050 et leur part dans la population urbaine totale augmentera de 46 % à 59 %.

Dans le même temps, l’empreinte urbaine devrait passer d’environ 175 000 kilomètres carrés à 450 000 kilomètres carrés entre 2020 et 2050, ce qui représentera toujours moins de 2 % de la superficie totale du continent en 2050. Pour autant, cette croissance des surfaces bâties est plus rapide que celle de la population urbaine.

« Les villes en croissance et leurs habitants auront besoin de terres pour toutes sortes d’usages : les logements, les constructions pour le commerce de détail, les entreprises et l’industrie, les bâtiments publics, les infrastructures et installations de transport (aéroports, dépôts logistiques, etc.) », souligne le rapport

La croissance par fusion-absorption

De nombreuses villes absorberont les agglomérations urbaines et rurales existantes qui les entourent. Bien que ce phénomène soit observé pour toutes les tailles de villes, il contribue particulièrement à la croissance des grandes villes et au développement de mégalopoles.

Imaginez d’ici à 2050, les dix mégalopoles les plus grandes d’Afrique fusionneront en moyenne avec 56 autres agglomérations. Le Nigeria comptera deux mégalopoles de plus de 10 millions d’habitants. Lagos, la capitale économique, mais aussi Onitsha, au sud sur le fleuve Niger. Au total, le pays comptera plus de 250 millions d’habitants. « L’exemple de Kampala illustre l’importance des fusions pour les grandes villes. La capitale de l’Ouganda est entourée par une large variété de cités et dans les trente prochaines années, elle aura fusionné avec 49 agglomérations existantes formant un espace urbain de 17 millions d’habitants », détaille Philipp Heinrigs.

« La formation de méga-agglomérations est particulièrement prévalente dans les zones de forte densité rurale d’Afrique de l’Est et d’Afrique centrale, et dans celles de réseaux urbains denses, comme dans le sud du Nigeria », constatent les auteurs du rapport.

Nairobi devrait ainsi devenir l’agglomération la plus peuplée d’Afrique et la plus large du continent. Sa superficie s’étendrait au-delà des frontières du Kenya. En 2020, la capitale kényane (7,6 millions d’habitants) se trouvait déjà à proximité immédiate d’une chaîne d’agglomérations secondaires s’étirant au nord jusqu’au pied du mont Kenya. En 2050, Nairobi devrait fusionner avec 446 agglomérations kényanes, dont Kisumu à 300 kilomètres mais aussi avec 288 agglomérations en Ouganda et 6 en Tanzanie. Nairobi aura tout d’une méga-agglomération de 57 millions d’habitants.

« Urbanisation généralisée »

Dans ces dynamiques urbaines, les auteurs du rapport soulignent le cas particulier des pays à forte densité de population. La combinaison d’une croissance rapide de la population et de l’expansion urbaine peut alors conduire au développement urbain de l’ensemble d’une région, voire d’un pays. Cette dynamique d’« urbanisation généralisée » a déjà été observée aux Seychelles, au Burundi, à Maurice et au Rwanda. Elle devrait s’y s’accélérer et faire son apparition en Gambie, en Ouganda, dans les Comores et au Kenya.

Le cas du Burundi est le plus impressionnant : 51 % de la superficie devrait être occupée par des zones de bâti continu à l’horizon 2050. Le nombre d’agglomérations urbaines devrait alors chuter de 174 en 2020 à seulement 10 en 2050, témoignant ainsi de l’ampleur des phénomènes de fusion. Le Rwanda voisin devrait connaître une évolution similaire, avec une superficie urbaine à 25 % de sa superficie totale en 2050. Finalement, les auteurs du rapport ont trouvé une convergence avec la situation de la Belgique dans les années 2010. À conditions identiques, les dynamiques d’urbanisation sont similaires, quelles que soient les régions du monde.

Toutes ces projections, ces analyses et ces données dessinent la carte de l’Afrique urbaine de demain. Elles sont un outil. Un outil pour agir. « Cette formidable transition urbaine de l’Afrique appelle à une action immédiate : la planification, la mise en œuvre d’une gouvernance efficace et des stratégies de financement novatrices », interpellent les auteurs.

Par Sylvie Rantrua

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