Qui sème le vent, récolte la tempête. Choguel kokalaMaiga, l’apprend, aujourd’hui, à ses dépens. Lui qui en 2020 haranguait les foules contre Ibrahim Boubacar Keita au nom de la Démocratie, de la justice, de la lutte contre l’impunité, se retrouve dans les geôles d’un régime qu’il a contribué à façonner d’une main de fer, qu’il a défendu bec et ongle, sans réserves ni retenue. Effet boomerang ou retour de bâton ?
Ironie de l’histoire : l’homme qui se présentait comme la voix du peuple n’est plus que le pâle reflet, l’avatar débridé d’une junte qu’il a bassement servie avant d’être broyé par elle.
Du M5-RFP à la compromission totale
En 2020, Choguel était le tribun du mouvement pro-démocratie, fer de lance du front opposé à IBk et à l’origine de sa chute, à savoir le M5-RFP. Sans concessions, le verbe tranchant, le politique chevronné dénonçait la corruption dans le pays et la dérive autoritaire de IBK. On se souvient encore de ses envolées lyriques, de ses promesses mirobolantes de démocratie et de bonne gouvernance. Trois ans plus tard, tout cela n’était plus qu’un conte de fée, un miroir aux alouettes.
Dès que les militaires se sont emparés du pouvoir, Choguel a basculé dans la compromission et l’ignominie et s’est complètement métamorphosé. Il n’a plus été question de combat citoyen. L’heure était à l’allégeance opportuniste aux militaires.
En juin 2021, Assimi Goita le récompense de son soutien zélé et bruyant en l’enrôlant comme premier ministre de la junte. Avec le temps et surtout à la lumière de ses malheurs, l’on peut affirmer que Choguela mordu à l’hameçon et a accepté, un cadeau empoisonné. Il s’est allié au diable et s’est invité à sa table. En devenant la « caution politique et morale » d’une junte décriée et liberticide, Choguel Maiga a vendu l’âme du M5-RFP qui a défendu l’éthique et la morale politique et s’est démarqué par son combat pour une gouvernance vertueuse. En s’érigeant en rempart pour les putschistes, le premier ministre, tombé en disgrâce, a encouragé et soutenu le règne de l’arbitraire et de l’oppression. Comme le Dr Frankenstein, Dr kokalaMaiga a donné vie à une junte de sa propre création. Mais, ce n’est sans doute pas celle qu’il imaginait et espérait en la voyant si hideuse et destructrice au point d’être rejetée par lui-même et toute l’humanité. En imaginant accomplir un chef-d’œuvre, on se retrouve face à un monstre qu’on a soi-même créé qui s’avère fatal.
Des compagnons floués : la rançon de la trahison
Choguel Maiga a marché, sans états d’âme, sur ses compagnons de lutte pour accéder au sommet. Il a sacrifié ses alliés et abandonné ses partenaires « en plein vol ». Ainsi, Mahmoud Dicko et les leaders religieux qui ont été de tous les combats pour le changement démocratique ont été tous écartés des sphères de décisions et marginalisés dans la gestion de la transition, voire, bannis. Idem pour les partis membres du M5-RFP. Tous ont été noyautés, neutralisés et brisés dans leur élan.
Quant aux compagnons de lutte, ils n’ont pas connu un meilleur sort. La plupart d’entre eux, ont été intimidés, persécutés, harcelés, contraints à l’exil, réduits au silence.
Choguel Maiga, s’est appuyé sur l’appareil de la junte pour écarter de son chemin ceux qui avaient mené la lutte avec lui contre IBK tentés de lui tenir tête ou de s’opposer à la ligne définie, à la voie tracée par lui dans ses nouvelles fonctions.
En privilégiant son statut de premier ministre et de partenaire privilégié de la junte, il s’est coupé de sa base et des alliés historiques. En prenant fait et cause pour les militaires dans l’espoir de partager avec eux le pouvoir et peut-être de leur succéder, il a contribué à dissoudre la coalition qui avait donné un souffle démocratique au Mali et était garante de l’ordre républicain. Il a démantelé le contre-pouvoir à la junte qui, n’a plus rien à craindre de personne ni ne se sent redevable à aucune force ou coalition désormais pour avoir des comptes à rendre. Choguel a scié la branche sur laquelle il était assis, mais tout le pays aussi.
Avocat du diable
Dans son boubou de premier ministre, Choguel Maiga, n’a pas ménagé sa peine ni ne s’est privé de ses talents exceptionnels pour polir l’image de la junte et légitimer ses dirigeants. Il trouvait les mots et ne manquait pas d’arguments et d’éloquence pour justifier les répressions, les arrestations arbitraires et les restrictions des droits et libertés.
Il a exalté le sentiment nationaliste grégaire et la fierté nationale à l’état pur afin d’obtenir une adhésion populaire massive pour contrebalancer un isolement diplomatique croissant.
Le premier ministre de service de la junte fut l’un des artisans de l’occident bashing et du rapprochement avec Moscou et des mercenaires russes.
Choguel Maiga, en s’engageant sans discernement ni précautions aux côtés de la junte a aidé à bâillonner la société civile et à anéantir l’opposition car il disait tout haut ce que les militaires pensaient tout bas, il était un contre-feu puissant contre toutes les adversités, d’où qu’elles venaient. Il savait caricaturer et brocarder avec panach les détracteurs des militaires.
Lui qui se proclamait démocrate avait choisi d’être la caisse de résonance des militaires portés à la dérive, corrompus, médiocres et assoiffés de pouvoir.
Le fantôme de Boubèye
Tout se paie, ici bas. La cruauté et le cynisme, même en politique où l’on se croit tout permis, ne restent pas impunis.
Lorsque feu Boubèye Maiga, ancien premier ministre, ex- ministre de la défense, gravement malade, a sollicité son évacuation, ce serait Choguel Maiga qui aurait convaincu la junte de le retenir à Bamako. Il est mort en prison. C’est au tour de Choguel d’être prisonnier de la junte. Comme lui-même, a été alité pendant longtemps à la suite d’un AVC sévère, sa santé fragile pourrait nécessiter aussi des soins à l’étranger. L’ascenseur lui sera-t-il renvoyé ?
En tout cas, Choguel passe de bourreau à victime dans le même régime. Quelle leçon de vie !
Le premier ministre déchu a été placé sous mandat de dépôt ce mardi 19 août 2025 pour « atteinte aux biens publics ». Il a passé sa première nuit en prison. Le « Monsieur propre » qui semblait faire de la lutte contre la corruption un point d’honneur est lui-même soupçonné de malversations financières. Choguel Maiga est accusé d’avoir empoché, indûment, des milliards de FCFA entre 2021 et 2024. Coup de théâtre: celui qui était vent debout contre les détournements sous le règne d’IBk est au cœur d’un scandale financier, rattrapé par ses magouilles.
Pressé comme un citron, puis jeté
La junte malienne n’a plus besoin des services de Choguel Maiga après l’avoir exploité à ses fins. Elle s’est servie de lui à un moment critique avant de l’éjecter non sans l’avoir sali, décrédibilisé dans de mauvais rôles et des tâches serviles et ingrates. L’ancien premier ministre n’a plus que ses yeux pour pleurer. Il aura été l’une des dernières personnalités civiles ayant cohabité avec la junte, lui ayant servi de cache-sexe. Les militaires gouvernent désormais seuls, sans masques ni vergogne. Choguel a commis l’erreur fatale de croire qu’il bénéficierait d’un traitement de faveur en se dévouant corps et âme à la junte, contrairement à ses compagnons qui ont décidé de s’en éloigner. Les militaires n’ont ni parole ni fidélité à leurs engagements. Ceux qui persistent à leur accorder foi finiront toujours par payer un lourd tribut. L’exemple de Choguel Maïga en est la démonstration éclatante : il a été sacrifié après s’être aveuglément livré à une junte qui l’a utilisé puis écarté sans scrupule.
Dès lors, il ne subsiste aucun doute que la prochaine victime sera Abdoulaye Diop, dernier des courtisans qui, sans vergogne, se sont prostitués politiquement aux militaires. Son sort est scellé d’avance : il connaîtra la disgrâce, l’humiliation et l’abandon.
En privé, son épouse laisse transparaître une peur sourde: elle reconnaît que par son engagement incompréhensible et irrationnel, AbdoulayeDiop a compromis non seulement sa carrière mais aussi l’avenir de sa propre famille. Choguel souffre d’avoir donné à une junte la légitimité qu’elle ne méritait pas. A ce titre, il est comptable de l’impasse, de la ruine dans lesquelles le Mali se retrouve aujourd’hui, prisonnier.
Quand l’histoire écrira la chronique de la déchéance malienne, elle retiendra que Choguel Maiga fut le dernier acteur politique majeur, personnalité civile, que la junte malienne a utilisé comme tremplin et bouclier pour s’enraciner et dévoyer la Démocratie. Il aura été l’agneau de sacrifice de barbares qu’il a cherché à faire adouber. La faute politique de sa vie qui a nui à sa réputation et à sa carrière, lui coûte sa liberté et risque de sceller son destin.
Si c’était à refaire, se laisserait-il séduire par les sirènes militaires?
Un sujet qu’il aura tout le temps de disséquer dans sa réclusion forcée.
Samir Moussa