Quinze jours ont passé depuis mon dernier message.
Les événements se bousculent en Côte d’Ivoire.
Les esprits s‘échauffent et la colère gronde.
Bien souvent, par temps d’accalmie, la mer enfle et le tsunami déferle en emportant tout. Sur bien des lèvres,urbi et orbi, se répètent à l’envoi ces mots très durs: ”Non au 4eme mandat”.
Je traîne comme une tunique de Nésus, cette appellation tant de fois prononcée et écrite, dans pratiquement toutes les gazettes africaines et françaises, pour ne pas dire internationales: ”Robert Bourgi, le dernier mohican de la Françafrique”.
Je me suis livré totalement et en toute sincérité, dans mes Mémoires, parus en septembre 2024.
C’est à ce titre que je m’exprime aujourd’hui.
Oui, j’ai été pendant des décennies acteur et témoin des relations franco-africaines au niveau le plus élevé des Etats concernés: France, Afrique de l’Ouest , Afrique centrale.
J’ai vu et vécu des événements marquants et exceptionnels de ces relations, mais hélas, j’en ai vécu de bien tristes et de bien condamnables.
Aujourd’hui , la page est tournée et la Françafrique, telle que je l’ai connue et pratiquée, se consume fort heureusement.
Les peuples africains, la jeunesse africaine, lui livrent un combat acharné et permanent, pour son extinction définitive.
Depuis Septembre 2011, je livre le même combat pour ne jamais le cesser tant que Dieu me prêtera vie.
Ce combat, je le livre en total accord avec le Tribunal de ma conscience.
Ma vie m’appartient. Ma conscience est mienne. Et seul l’Eternel reste Maître de mon devenir.
Je suis un homme libre. Je ne dépends de personne. Je ne suis au service de personne.
Ma parole est libre.
Je laisse aux grincheux et aux esprits chagrins le loisir de la critique simple et absurde. Une période sombre et trouble agite et perturbe, mes pensées depuis bien des années: celle de la présidence de Laurent GBAGBO entre 2000 et 2011 et celle que vit la Côte d’Ivoire depuis quelques mois et à l’approche de l’élection présidentielle d’Octobre 2025.
Je m’adresse à toi, Laurent GBAGBO, mon Frère et Ami, mon cadet d’un mois.
Je ne sais pas, s’ils sont nombreux, ceux qui savent quelle est la nature profonde et vraie de notre relation.Celle-ci a débuté il y a 45 ans à la Faculté de Droit d’Abidjan où j’enseignais, lors d’un débat animé par nous: la Conférence de Brazzaville de 1944.
J’ai suivi avec attention et intérêt ton dernier discours du samedi 16 août à Yopougon. Je comprends parfaitement toutes les motivations de tes propos tant vis-à -vis de la France que du Président Alassane Ouattara.
En conscience, je dis que ta Présidence fut un chemin de croix.
On ne t’a pas épargné. Mais tu as toujours su faire face au combat sans pitié qu’on t’a livré en permanence .
Ta confiante et fraternelle amitié et la confiance des dirigeants français, sous les présidents Chirac et Sarkozy, ont fait que j’étais présent à chacune des stations de ton chemin de croix. Nous nous reverrons bientôt, je l’espère, et nous nous rappellerons mon parcours à tes côtés, depuis la missive de soutien et d’amitié solidaire que je t’ai envoyée quand tu étais détenu à la prison de Yopougon en 1991, le Vieux étant encore aux commandes ainsi que ta touchante réponse à ma lettre que j’ai fait figurer dans mes Mémoires parus en septembre dernier.
Ai-je besoin de te rassurer, Laurent?
Les temps ont changé par la volonté des Africains et des Africains seuls.
Le temps des brimades des offenses et des supplices est heureusement terminé.
J’ai en mémoire le bombardement d’Abidjan en 2004, les accords de Marcoussis, et ton sinistre départ pour la Haye dont tu es revenu innocenté après plusieurs années de détention.
On a cru t’envoyer à Sainte-Hélène comme Napoléon mais, tu en es, toi revenu, encore plus grand et plus populaire.
Ce Jour -la, j’ai pensé à la sortie inoubliable de Nelson Mandela de la prison de Robben Island où il avait passé ¼ de siècle .
On sait quelle fut la suite.
Les années ont passé, Laurent.
Aujourd’hui, il te revient le mérite et le droit de voir juste pour tous les Ivoiriens.
Tu dois montrer la route de la paix, de l’honneur, et tu la montres bien.
Ton âge et ta solide expérience comme le calvaire que tu as vécu font de toi le leader naturel de toute l’opposition ivoirienne.
Qui d’autre que toi s’était opposé courageusement au Président Félix Houphouët-Boigny et à ses successeurs ?
Ton combat est compris et entendu: la Françafrique est morte et devait mourir.
Le Président Macron en est totalement conscient et le déclare à souhait.
Rendons lui grâce en cette période agitée de l’histoire du monde .
Ait toujours en tête la sécurité de tous les Ivoiriens et de tous les étrangers.
Ce devoir doit t’habiter comme il doit habiter tous les chefs de l’opposition Ivoirienne. En second lieu, tu t’es attaqué dans ton discours de Yopougon au 4eme mandat du Président Ouattara.
Le bon sens, la raison, le souci de la paix et l’intérêt supérieur de la Côte d’Ivoire commandent que le Président Ouattara renonce à faire un 4ème mandat.
J’ai dit dernièrement dans une interview que je n’étais pas hostile au 4eme mandat, à la condition nécessaire et obligatoire de laisser tous les candidats de l’opposition se présenter à l’élection du 25 octobre 2025. Ce qui n’est pas le cas à ce jour.
Rien ne justifie cette interdiction si ce n’est la volonté manifeste de se libérer la route du succès.
C’est inacceptable.
Tidiane Thiam ne serait t-il pas capable et digne, lui aussi, de présider aux destinées du pays ?Lui, dont les compétences exceptionnelles et le mérite l’ont distingué sur le plan économique et financier international?
Le PDCI-RDA a en Tidiane Thiam un excellent candidat .
Oser dire que Tidiane Thiam n’est pas ivoirien est une folie tout simplement.
La politique identitaire n’a pas sa place dans le pays du Vieux.
Et Guillaume Soro? A-t-on oublié qu’il a été Premier Ministre et Président de l’Assemblée nationale? Est-il anormal qu’il puisse être ,lui aussi ,candidat?
Le Président Ouattara a fort élégamment parlé de transmission générationnelle du pouvoir. A lui de trouver un candidat dans sa formation politique et de le préparer comme de le conforter pour la présidentielle d’octobre 2025. Il est encore temps .
Ce renoncement à un 4eme mandat aurait un retentissement national et international énorme et tout au bénéfice du Président Ouattara.
De grâce, Président, évitez nous un Printemps Ivoirien.
Comprenne qui voudra !
Robert Bourgi