(1) Après 64 ans d’indépendance : renforcer le vivre ensemble autour de nos propres valeurs et affronter les nouveaux risques de déstabilisation
Pendant longtemps, le Sénégal a joui d’une réputation de terre d’exception où le pluralisme des confessions et les particularismes des attachements doctrinaux rimaient avec harmonie et juste milieu. Les temps semblent changer. En effet, l’espace public sénégalais devient de plus en plus l’objet d’un travail de capture de la part de nombreux groupes qui s’y affichent de manière plus ou moins bruyante avec des projets plus ou moins structurés de re-façonnage de celui-ci selon leurs desseins propres. Cette conjoncture inédite particulièrement renforcée par l’élargissement de l’espace médiatique et la circulation mondialisée des idéologies extrémistes pose des défis importants tant à la communauté universitaire qu’aux décideurs politiques et autres acteurs de la société civile. La renégociation de son pacte national et d’un contenu auquel les porteurs d’enjeux se reconnaissent et se réfèrent pour aujourd’hui et demain est un horizon indépassable et indispensable.
Étant donné le poids que représentent le religieux et les religieux dans la vie individuelle et collective du Sénégal (premier au classement mondial effectué par Pew Center en 2016), et les risques que présentent tous ces enjeux, la proposition du Cadre Unitaire est de mettre en place un Ministère de poids chargé des affaires religieuses et un Conseil consultatif Islamique, pour aider à encadrer la nation et prévenir les conflits moraux, politiques, sociaux et religieux. Ces instruments permettraient également de consolider les groupes religieux et leurs cités dans leur vocation éducative, spirituelle et sociale qui ont un impact sur les comportements des sénégalais.
(2) Refonder le système éducatif pour éviter une société de confrontation
Le principal problème du système d’éducation est qu’il ne s’adosse pas à un projet de société clairement défini et n’est pas articulé à nos systèmes de pensée et de valeurs. Il doit être conçu et défini en rapport avec une société de synthèse à la croisée des traditions africaines endogènes et des influences arabe et française et faire l’objet d’un consensus national.
Un tel projet de société doit élaborer une offre d’éducation qui permet d’atteindre des performances importantes dans la formation du citoyen, son épanouissement économique, culturel, social. Mais l’offre serait désincarnée si elle ne prenait pas le temps de cerner les diverses demandes d’éducation et de leur trouver une réponse commune garantie par l’État, gardien de la réalisation du projet de société. En considérant tous ces éléments, le Cadre Unitaire propose à l’État du Sénégal et à tous les acteurs de l’Éducation un consensus sur une refonte et une refondation du système d’éducation et de ses contenus à moyen terme (5 à 7 ans). L’offre d’éducation peut être multiple en répondant aux demandes exprimées mais il faut un tronc commun à toutes les offres et la liberté d’ajouter des branches à ce tronc.
(3) Produire et intégrer dans les curricula de l’école des contenus sur la base des enseignements des grandes figures religieuses du Sénégal
Pour compléter la refondation du système éducatif autour de nos valeurs et des enseignements de nos grande figures religieuses, contribuer à la valorisation et le renforcement du modèle sénégalais du vivre ensemble par l’éducation civique, éthique et sociale des jeunes sénégalais, souvent soumis à certaines influences néfastes, le Cadre Unitaire recommande de mettre à la disposition du système scolaire et des jeunes sénégalais des contenus tirés des enseignements des grandes figures religieuses du Sénégal. Ces manuels et autres supports didactiques et médiatiques pourront couvrir un grand nombre de domaines, tels que : la paix, la tolérance, la diversité, la corruption, la bonne gouvernance, la citoyenneté, etc.
L’élaboration de ces contenus se fait avec l’aide des commissions scientifiques des communautés religieuses qui fourniront les éléments de base. Éléments qui seront centralisés et traités par le Ministère de l’éducation nationale et le Comité scientifique du Cadre pour être ensuite édités sous des formats accessibles (Manuels, livres, sites web, films etc.), avec la coopération des partenaires institutionnels.
(4) Mettre fin à la discrimination contre l’enseignement religieux et à la maltraitance des enfants : un PLAN SPÉCIAL pour les DAARA
L’enseignement religieux traditionnel a toujours été un vecteur central d’instruction, d’éducation et de socialisation des sénégalais. Mais malgré ce rôle historique des daaras dans notre pays, force est de constater qu’ils continuent de faire face à de nombreuses problématiques, telles que : l’absence de cadre organisationnel et institutionnel formalisé, l’inexistence d’appui conséquent de l’Etat, l’absence de curricula harmonisés et de débouchés, de conditions socio-économiques souvent difficiles, de l’immixtion dans ce secteur de faux daaras exploitant des jeunes talibés exposés à la mendicité dans les zones urbaines ou même à l’utilisation par des réseaux terroristes etc. Pour pallier ces fléaux, surtout celui de la mendicité des jeunes « talibés », un grand nombre d’initiatives ont été envisagées dans le passé (interdiction par l’Etat, soutien des ONG, etc.), sans véritable résultat. Sous cet angle, le Daara qui résiste depuis des siècles dans nos terroirs et s’adapte à nos villes doit désormais être reconnu comme un système éducatif à part entière dont la légitimité, la viabilité et la fonctionnalité ont besoin d’être renforcées. Les initiatives de l’Etat depuis une vingtaine d’années (bac arabe, loi sur les daara, Direction des daara, projet daara moderne, ouverture aux concours, subvention annuelle de 6 milliards, etc.) vont dans cette direction mais une mobilisation plus importante de ses ressources, de celles de la Haute autorité du WAQF, des zakaat des musulmans, des ONG, des parents d’apprenants, des institutions religieuses comme les confréries et les associations islamiques, etc. peuvent permettre de lancer un PLAN SPECIAL de 300 milliards de 5 à 7 ans pour sortir les daaras et les enfants de la précarité (locaux, équipement, nutrition, santé, pédagogie, sort de l’enseignant, santé, etc.) et de l’inorganisation. Cela permettra de combattre rigoureusement les daaras dit « voyous », la mendicité et la maltraitance des enfants.
(5) Mise en place d’un Observatoire du vivre ensemble : mécanisme de gestion prospective et réactive des conflits (monitoring des contenus médiatiques offensants, conscientisation des médias, etc.)
La chance du Sénégal a toujours été la coexistence pacifique et la bonne entente entre ses différentes communautés religieuses. Une « exception sénégalaise » qui risque toutefois d’être de plus en plus malmenée et remise en cause par certains germes de conflits récurrents qui, mal gérés ou négligés, peuvent susciter dans le long terme des tensions ou même des dissensions durables et préjudiciables au vivre ensemble. Ces germes sont surtout amplifiés, dans le contexte actuel, par le traitement non réfléchi de certains contenus (provocations délibérées, incitations à la haine ou à la dépréciation religieuse etc.) par les médias et surtout par leur capacité de propagation extensive à travers les réseaux sociaux et l’Internet.
Pour pallier les graves risques que cette situation fait courir à la stabilité du pays, un Observatoire d’anticipation et de gestion des sources de conflits doit être mis en place avec des procédures d’intervention bien définies (coopération avec Facebook notamment). Ce mécanisme servira également d’instrument de médiation entre toutes les parties prenantes de conflits menaçant le Vivre ensemble sénégalais et la cohésion sociale, qui doivent être consolidés dans un contexte où les organisations terroristes cherchent des terrains favorables et des fissures sociales pour s’y engouffrer et y prospérer.
Nous proposons également aux candidats de trouver des solutions pour la préservation du respect légendaire aux chefs religieux que nous avons élevés au rang de régulateurs de notre société et dernier recours.
(6) Pour une semaine nationale de la paix et de la tolérance au Sénégal
L’esprit et la culture de tolérance des sénégalais et la cohésion sociale sont le fruit d’un long processus et plongent leurs racines dans l’imbrication des appartenances familiales et parentales, le métissage, les mobilités, l’urbanisation rapide, des obédiences religieuses et d’autres facteurs complexes.
Mis au défi de l’ouverture médiatique généralisée, de l’individualisation, de la crise de la transmission (éducation, familles, rites initiatiques, etc.), ils ont tendance à s’effriter et à disparaître laissant la place aux logiques d’accaparement et de prédation contre l’autre.
Le cousinage à plaisanterie, les correspondances toponymiques, et autres mécanismes de détente des relations sociales qui ont joué un rôle important de stabilisation et de perpétuation du vivre ensemble perdent de leur force et ne sont plus suffisantes. La culture sénégalaise de la « téranga » est dévoyée et la transmission des vertus codifiées et transmises de générations en générations est perturbée, battue en brèche par d’autres logiques de regroupement, d’autres représentations et des comportements en porte à faux avec les repères traditionnellement admis et suivis. Comme pour la journée de l’arbre, de la femme, de l’environnement, etc. choisir des moments de mise en lumière d’enjeux particulièrement importants pour le devenir de notre pays est toujours l’occasion de réfléchir, d’éduquer et de mettre en perspective des actions stratégiques qui stimulent la prise de conscience sur ces enjeux. C’est pour cette raison que nous proposons une
SEMAINE NATIONALE DE LA TOLERANCE ET DU VIVRE ENSEMBLE.
Cette semaine permettra à l’État et à toutes les composantes de la nation de se retrouver autour de la problématique de notre cohésion sociale, et de cultiver les symboles, instruments et comportements qui constituent et renforcent le ciment national, à travers des réflexions, manifestations culturelles, des prières, des actions de générosité et de solidarité envers les catégories vulnérables. Il s’agira dans le même ordre d’idées de fouetter le sentiment d’appartenance à une seule nation, la foi en elle ainsi que la fierté et la confiance en soi chez les jeunes.
(7) Pour préserver la cohésion sociale, redynamiser les capacités de protection et de transmission de la famille
Si le Sénégal est encore debout, si la société n’a pas connu de déchirures profondes, c’est parce que la famille, assis sur le socle d’un héritage fondé sur le sens de l’honneur, de la droiture, sur la Foi en Dieu avec des guides et des repères qui ont su cultiver en nous le sens de l’humilité, de la sollicitude envers l’autre, du progrès collectif. Les violences extrêmes et extrémistes, les agressions et le grand banditisme, l’insécurité généralisée, les conflictualités qui se multiplient sont les signes d’une crise sociétale majeure.
Aujourd’hui, l’urgence est de trouver les voies et moyens pour arriver à un consensus autour de valeurs citoyennes correspondant à un nouveau projet de société qui réconcilie les sénégalais avec leurs cultures et les exigences du monde actuel.
C’est pourquoi nous pensons qu’il faut concevoir la famille comme une question politique, c’est à dire en relation avec la réalisation du projet de société, car l’échec de cette institution entraînera l’échec de la société dans sa totalité.
Dans cette perspective, l’État est dans l’obligation d’intervenir à travers des programmes dans les espaces de construction de la citoyenneté que sont essentiellement la famille, l’école et les médias. Beaucoup de sénégalais vivent des situations où sont cumulées des difficultés financières, matérielles, sociales et psychologiques, qui conduisent certains à la mendicité et à la délinquance. Quant aux malades mentaux et aux handicapées ils sont livrés à eux-mêmes. Il sera improbable pour un grand nombre de familles de retrouver par elles-mêmes les capacités de choisir un mode de vie qui réinscrive ses membres en difficulté dans la société et de rendre plus sensible à ces préoccupations les principaux documents stratégie pour le développement économique et social. La centralité de la femme en tant que mère dans l’espace familial que lui confère la société, l’a amenée à jouer un rôle essentiel en période de crise. Les candidats doivent s’engager à restaurer la capacité des familles à récupérer la maîtrise de leurs vies et à exercer pleinement leur devoir parental face à leurs enfants et aux membres les plus vulnérables.
A propos du CUDIS
Le Cadre unitaire de l’Islam au Sénégal vient répondre aux appels maintes fois réitérés des principaux acteurs religieux et des citoyens pour la sauvegarde du modèle sénégalais d’un islam tolérant et pour l’unité des musulmans et des croyants. Son originalité est de regrouper les courants confrériques soufi et réformistes, notamment les Comités Scientifiques des confréries Mouridiyya (Rawdou Rayaahiin), Tijaniyya (Cellule Zawiyya Tidiane de Tivaouane), Khadriyya, Ahloul laahi, la famille Omarienne, les Niassènes (Ansarou Dine), les Associations islamiques comme le Rassemblement Islamique du Sénégal (RIS), la Jamaatou Ibaadou Rahmane, la Communauté Ahloul Bayt des Chiites, l’Association Islamique pour servir le Soufisme (AIS), le Forum Islamique pour le Paix, l’Association des «1111 imams de Casamance», des chercheurs et universitaires, etc.