juin 8, 2025
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PLAN NEOCOLONIAL EMERGENT – COMMENT ERDOGAN « S’OFFRE » LE SENEGAL : Enquête sur Summa, cette pieuvre qui prend son envol à l’aéroport de Diass

« Plan néocolonial émergent : le Sénégal terrain de jeu des grandes puissances », c’est le livre que vient de publier aux Editions Ndaxnam, Thierno Diop, journaliste. L’auteur relève les aspects néocoloniaux du Plan Sénégal Emergent (PSE) et démontre comment des pays comme la Chine, la Turquie, le Maroc ou encore les Emirats arabes unis supplantent progressivement la France dans sa sphère d’influence africaine.

A en croire le journaliste, le Sénégal sert de laboratoire pour mieux appréhender ce changement de paradigme.

Ainsi, il relève que même si le pays de Marianne reste le premier investisseur au Sénégal, les entreprises tricolores sont de plus en plus éclipsées et cela rend anachronique le discours néo-nationaliste qui charrie un sentiment anti-français.

Selon M. Diop, l’ampleur de la colonisation est plus vaste et il propose des outils conceptuels qui offrent de constater que la Turquie et la Chine, à travers leurs banques d’Etat, raflent des marchés en Afrique pour engraisser leurs entreprises, tout en laissant les pauvres fils du continent payer la dette colossale, dans un environnement d’économies extraverties.

Dans cette partie du livre, il est expliqué que progressivement, Ankara reconstitue son prestige impérial passé. A cet égard, le fait que Recep Erdogan jette son dévolu sur l’Afrique pour opérer cette remontée offre de comprendre les enjeux d’une guerre d’influence dont le continent noir est le théâtre.

Toutefois, cette percée turque se fait au détriment des économies des pays où opèrent les entreprises eurasiennes. Prenez le cas du Sénégal, où le président Erdogan se fait toujours accompagner par un aréopage d’hommes d’affaires depuis 2013 ! Le gouvernement sénégalais, sous Macky Sall, a confié aux Turcs l’exécution de grands chantiers, dans le cadre du Plan Sénégal Emergent, écartant bien des nationaux, tout en alourdissant la dette du pays.

Thierno Diop cite l’exemple de l’entreprise Suma, qui à partir de Dakar, orchestre se fait un business florissant dans d’autres pays du continent.

Infrastructures : l’eldorado dakarois de la pieuvre Summa

Le groupe turque Summa est actionnaire et opérateur avec sa compatriote Limak de l’Aéroport international Blaise-Diagne. Summa, qui a reçu une vraie avance sur paradis au Sénégal, est aussi constructeur du Dakar Arena, de l’hôtel Radisson de Diamniadio et du centre des expositions de Dakar. A cette entreprise, le Sénégal, à travers la Société de gestion des infrastructures publiques dans les pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose (Sogip-SA), a confié le chantier du stade olympique de Diamniadio.

L’aéroport international Blaise Diagne était à 2,4 millions de passagers en 2019, soit un an avant le début de la pandémie au Sénégal. La construction de cet aéroport international a démarré en 2007, les travaux avaient alors été confiés au constructeur Saudi Bin Laden Group. Toutefois, un différend avec les autorités sénégalaises avait précipité la fin de la collaboration avec les Saoudiens. L’attribution à deux sociétés turques, Limak et Summa, de la suite des travaux (15% du chantier) a été officialisée lors de la visite du Président Recep Tayyip Erdogan au Sénégal, en février 2016.

Le groupe BTP Summa, inexpert en matière de gestion aéroportuaire, s’est ligué avec sa compatriote Limak (qui gère l’aéroport du Caire en Egypte) pour fructifier son business à Dakar. Le géant Limak emploie 60 700 personnes dans le monde et est présent dans 14 pays d’Afrique). Son patron Nihat Özdemir est le président de la Fédération turque de football.

Pour avoir acquis des références au Sénégal, le groupe familial fondé par Mete Bora a fait l’extension de l’aéroport Diori-Hamani de Niamey et décroché, fin 2018, la construction de l’aéroport de Lungi, dans l’estuaire du fleuve Sierra Leone, au détriment de China Railway group.

Le bijou édifié en BOT à Niamey, à hauteur de 101 milliards de F Cfa (une certaine presse évoque le montant de 126 milliards F Cfa), a accueilli, en juillet 2019, le sommet de l’Union africaine (UA). Mieux, depuis le 1er mai 2019, la gestion et le développement économique de cet aéroport sont assurés par l’entreprise turque dirigée par les frères associés Selem Bora, Sinan Bora et Fatih Bora.

En mars 2018, le ministre soudanais des Finances et de la Planification économique, Dr. Mohamed Osman Al-Rukabi, a signé l’accord avec Salim Bora, président du conseil d’administration de la société turque Summa pour la réalisation de la première phase du projet de construction du nouvel aéroport de Khartoum.

Une délégation de Summa, conduite par son vice-président Fatih Bora, a été reçue en mars 2019 par le président Idriss Déby, pendant une trentaine de minutes, en présence du ministre de l’Economie et de la planification du développement, Issa Doubragne et son collègue des Infrastructures et du désenclavement, Abdramane Moctar Mahamat.

Plus tôt, le vice-président de la multinationale turque et le défunt chef de l’Etat tchadien ont eu un tête-à-tête à Ankara, alors que les négociations afférentes à ce projet ont débuté en août 2018.

C’est depuis le 30 octobre 2011 que feu Idriss Déby avait posé la première pierre pour la construction de l’aéroport international de Djermaya. Malheureusement, la société chinoise CAMCE, qui avait été retenue pour réaliser l’ouvrage en moins de 48 mois, a disparu de la circulation. Les études avaient été confiées à l’entreprise Egis, tandis que la Banque asiatique de développement (BAD) était prête à financer le projet, pour un coût global qui frôle la barre des 600 milliards de francs Cfa.

Le groupe turc, selon le N°0815 paru le 8 janvier 2020 de la Lettre du Continent, a également proposé ses services au Mali pour la rénovation de l’aéroport Modibo Keïta, qui rencontrerait des problèmes de sécurité.

Avant l’élection de Embaló, la Turquie, dès décembre 2019, a fait part de sa volonté de soutenir la Guinée-Bissau dans la construction d’un nouvel aéroport international.  Cette annonce avait été faite à l’ex-chef du gouvernement bissau-guinéen Aristides Gomes au cours d’une rencontre avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, en marge de la conférence de haut niveau de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) sur l’investissement public et privé, qui s’est tenue à Istanbul.

Dans certains pays où elle opère, l’entreprise turque jouit d’un traitement princier de la part de gouvernants locaux qui lui déroulent le tapis rouge, avec des conséquences désastreuses.

Le Syndicat unique des travailleurs du transport aérien et des activités annexes du Sénégal (Suttaaas) à travers un communiqué indexe une gestion moyenâgeuse de l’entreprise.

A l’aéroport Blaise Diagne, les partenaires turcs sont accusés « de créer un nivellement vers le bas caractérisé par une absence d’investissements et une boulimie possessive qui se matérialise par la volonté même de récupérer les actions de la partie sénégalaise ».

En plus clair, à travers un communiqué diffusé le 19 octobre 2021, le Syndicat unique des travailleurs du transport aérien et des activités annexes du Sénégal demande au président Macky Sall « d’arrêter la collaboration avec ces partenaires atypiques ». « Ces actionnaires n’ont rien apporté pour mériter cette place de choix. Pour une simple comparaison, le Handler Nas de l’aéroport d’Abidjan a investi plus de 20 milliards pour l’achat de matériels neufs, là où les nôtres n’ont fait qu’acquérir un prêt actionnaire de 5 milliards au nom de la société Las pour du matériel de seconde voire de troisième main avec le patrimoine déjà amorti de Ahs, donc pas d’argent sorti de leurs poches », dénoncent les syndicalistes.

En outre, poursuit le syndicat : « du côté du gestionnaire, ce n’est pas plus reluisant car cet aéroport inauguré il y a moins de 4 ans a des problèmes à tous les niveaux, entre autres : climatisation, toilettes : avec presque plus de douchettes, tapis bagages arrivée/départ intermittents, des problèmes d’étanchéité, tarification locative chère, informatique obsolète : aucun investissement depuis décembre 2017, déficit en termes de mobiliers de bureau : même des chaises pour travailler manquent dans cet aéroport ».

Le Suttaaas mentionne dans le document que concernant la société de handling 2AS, avec 51% des actions détenus par le consortium Suma Limak ainsi que le gestionnaire Las, nous faisons face à une surfacturation au niveau de la dette commerciale chiffrée à environ 10 milliards. « Le prêt actionnaire a généré des intérêts estimés à presque 2 milliards, le matériel acheté à l’ouverture de la plateforme est aujourd’hui hors d’usage avec aucune explication venant des actionnaires. Ce matériel n’a pas été dédouané et sur injonction des Gabelous, la société a signé un moratoire et a versé à une société de transit inconnue, près d’1 milliard jamais reversé à la Douane. Ce qui a déjà coûté la tête au directeur des Achats turc de 2AS qui est loin d’être le seul responsable de cette forfaiture », ont-ils encore dénoncé.

Pour rectifier le tir, le Suttaaas recommande aux autorités de faire « de 2AS, une filiale de la compagnie nationale avec une prise d’actions majoritaire permettant à Air Sénégal de réduire de moitié ses coûts d’exploitation dans sa base et surtout de donner au Sénégal la possibilité de gérer son handling quitte à nouer un partenariat avec un grand groupe international ». Car, croit savoir le syndicat : « Air Sénégal ne peut pas détenir 49% de 2AS et vouloir créer une unité de handling dans un aéroport qui n’aura pas 2,5 millions de passagers d’ici 2023 ».

Aussi, les syndicalistes pensent-ils qu’« Air Sénégal peut faire un prêt avec l’aide de Aibd, racheter les prêts, investir sur du matériel et enfin prendre le lead de 2AS et 2AS Technics ».

Au plan social, le Suttaaas déclare que « les travailleurs des sociétés de sûreté étouffent à cause de conditions de travail d’une époque révolue, la restauration aérienne et standard de l’aéroport vit des moments très incertains, ajouter à cela le retard lié à la mise à disposition du crédit de la relance du transport aérien ».

Octobre 2014, le président sénégalais Macky Sall reçoit les clefs du centre international de conférence réalisé en 343 jours, pour abriter le 15e sommet de la Francophonie. Signe du destin, ce centre porte le nom de Abdou Diouf, deuxième président de la République du Sénégal, qui venait de terminer trois mandats consécutifs à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie, comme secrétaire général.

Il se trouve que le Sénégal s’est gravement endetté, pour se permettre cette dépense de prestige, qui ne servirait qu’à engraisser des privés turcs, alors que, dans le même temps, l’hôpital Dalal Diam, entamé sous le magistère de Me Abdoulaye Wade, peine à fonctionner correctement.

 

 

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