Le Maroc, la Tunisie et l’Égypte, sont désormais considérés par la Commission européenne comme des pays d’origine sûrs. Ces trois pays, estampillés comme « sûrs » par l’UE, verront à terme leurs ressortissants soumis à une procédure d’asile réduite à trois mois, pour un renvoi plus rapide. A noter que le Sénégal qui a pourtant récemment, convenu avec la France à un retrait des militaires de ce dernier du sol sénégalais, est parmi le lot des « pays d’origine sûrs », selon la liste française, où l’on retrouve le Cap Vert, le Ghana, la Mongolie, l’Arménie et Maurice.
Le Maroc, la Tunisie et l’Égypte sont considérés par la Commission européenne comme des pays d’origine sûrs. La liste complète mise sur la table par Ursula von der Leyen ravit Giorgia Meloni, qui militait pour que la Tunisie soit comprise dans cette première liste commune des pays d’origine sûrs. Ce statut permettra d’appliquer aux ressortissants de ces pays la procédure d’asile accélérée à la frontière, soit l’examen des demandes en trois mois maximum.
On considère que les candidats ont alors peu de chances d’obtenir le statut de réfugié et qu’il s’agit de les renvoyer plus rapidement à demeure. « C’est une nouvelle confirmation de la bonne direction prise par le gouvernement italien ces dernières années et du soutien d’un nombre toujours croissant de nations européennes, a déclaré la cheffe du gouvernement italien. L’Italie a joué et joue encore un rôle décisif dans le changement de l’approche européenne de la gestion des flux migratoires. »
On notera donc que l’Algérie est le seul pays du Maghreb qui n’est pas considéré comme « sûr ». « Il n’y a pas de raisons politiques à cette exclusion, indique un haut fonctionnaire de la Commission. Pour faire partie de cette liste, l’un des critères veut que le taux de reconnaissance d’asile ne dépasse pas 20 %, ce qui n’est pas le cas de l’Algérie. »
Traitement des demandes d’asile potentiellement infondées
Cette proposition de liste européenne s’inscrit dans le cadre du pacte sur la migration et l’asile adopté en mai 2024. Un outil attendu par les États membres confrontés à une pression migratoire croissante, particulièrement en Méditerranée centrale. « Il s’agit d’être plus efficaces dans le traitement des demandes d’asile potentiellement infondées qui peuvent être présentées par des ressortissants de pays tiers arrivant dans l’UE », explique un haut fonctionnaire de la Commission. La proposition modifie le règlement sur les procédures d’asile en anticipant l’application de certaines dispositions initialement prévues pour juin 2026.
La liste européenne comprend deux catégories de pays. D’abord, les pays candidats à l’adhésion à l’UE sont automatiquement considérés comme sûrs, à trois exceptions près : s’ils sont en situation de conflit armé (ce qui est le cas de l’Ukraine), s’ils font l’objet de sanctions européennes ou si leur taux de reconnaissance d’asile est inférieur à 20 % au niveau européen.
S’y ajoutent quatre pays spécifiquement désignés : le Kosovo (parce qu’il est un candidat potentiel à l’adhésion), la Colombie, le Bangladesh et l’Inde. Ces pays ont été sélectionnés selon plusieurs critères rigoureux. « Ils représentent des flux migratoires irréguliers significatifs vers l’Union européenne. Ce sont tous des pays avec un taux de reconnaissance d’asile au niveau de l’UE très faible. Nous parlons de 5 % ou moins, voire significativement moins », précise le fonctionnaire européen. Au total, en 2024, l’ensemble des demandes d’asile émanant de cette liste représentait environ 237 000 personnes détaillées ainsi : 55 705 Turcs, 51 529 Colombiens, 43 236 Bangladais, 25 434 Égyptiens, 25 347 Marocains, 14 452 Tunisiens, 8 676 Indiens, 7 325 Albanais, 3 227 Serbes, 1 432 Bosniaques, 337 Monténégrins…
La sélection de la Tunisie suscite néanmoins des interrogations. Le régime tunisien est accusé de certaines persécutions de journalistes et d’opposants emprisonnés. Interrogée sur ce point délicat, la Commission assure avoir pris en compte ces éléments dans son évaluation et rappelle que des « catégories spécifiques de personnes » pourront toujours bénéficier d’un examen approfondi.
Concrètement, les demandeurs d’asile originaires de ces pays verront leur dossier traité selon une procédure accélérée de trois mois, contre six pour la procédure normale. Toutefois, la Commission insiste sur le maintien des garanties procédurales. « Cela signifie que leur demande sera évaluée au fond. Il y aura des autorités qui examineront leur demande d’asile selon les règles établies par le pacte et parviendront à une conclusion, que la personne pourra également contester devant un tribunal comme dans tout autre cas. »
Un demandeur peut également contester l’application du concept de pays sûr à sa situation personnelle. « Le fait qu’un pays tiers soit désigné comme pays d’origine sûr ne peut établir une garantie absolue de sécurité pour tous les ressortissants de ce pays », précise, en effet, la proposition de règlement.
…le Sénégal se retrouve dans la liste française des pays d’origine sûrs
La proposition n’empêche pas les États membres de maintenir leurs propres listes nationales de pays d’origine sûrs. Ainsi, dans la liste française, on trouve en plus Le Cap Vert, le Sénégal, le Ghana, la Mongolie, l’Arménie et Maurice.
Cette coexistence des listes nationales et européenne crée un système à deux vitesses. « Le fait qu’un pays soit sur la liste de l’UE s’applique automatiquement à tous les États membres, explique le fonctionnaire, mais les États membres peuvent avoir d’autres pays sur leur liste nationale, basés sur une évaluation et une décision prises sur la base du droit de l’UE. »
Cette flexibilité répond aux demandes des États membres qui souhaitaient conserver une marge de manœuvre dans leur politique d’asile tout en bénéficiant d’une harmonisation minimale au niveau européen. La proposition anticipe également l’application de dispositions permettant aux États membres de désigner des pays sûrs avec des exceptions territoriales ou, pour certaines catégories de personnes, une souplesse initialement prévue pour 2026.
Cette liste européenne se veut évolutive. « Nous avons proposé ces sept pays car la Commission a considéré qu’ils constituent des priorités en termes de migration irrégulière, mais le tableau migratoire peut changer avec le temps », indique un haut fonctionnaire. La Commission peut également suspendre un pays de la liste par un acte délégué en cas de détérioration significative de la situation ou proposer formellement de le retirer via une proposition législative (exigeant l’accord du Parlement européen et du Conseil).
Un arrêt de la CJUE dans les tuyaux
Cette proposition doit maintenant suivre le processus législatif ordinaire, avec l’approbation du Parlement européen et du Conseil. Le Danemark, qui bénéficie d’un opt-out en matière de justice et d’affaires intérieures, ne participera pas à l’adoption de ce règlement et ne sera pas lié par celui-ci. L’initiative s’inscrit dans une stratégie plus large annoncée par Ursula von der Leyen dans ses lettres aux chefs d’État en décembre 2024 et mars 2025.
Cette proposition intervient alors que la Cour de justice de l’UE doit rendre avant l’été une décision sur le concept de pays d’origine sûrs, l’avocat général, Jean Richard de la Tour, ayant déjà émis son avis. Selon l’avocat général, un État membre peut désigner des pays d’origine sûrs par un acte législatif et doit divulguer, à des fins de contrôle juridictionnel, les sources d’information qui fondent cette désignation. La Commission justifie sa proposition rapide par l’urgence politique exprimée par les États membres face aux défis migratoires.
Avec Le Point