septembre 9, 2025
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Quelle géopolitique des réseaux diplomatiques ?

Figure 1 Les pays du Global Diplomacy Index

Carte interactive https://globaldiplomacyindex.lowyinstitute.org/

Utilisant les données du Global DiplomacyIndex, publié par le Lowy Institute (Australie), l’article commence par une comparaison des principaux réseaux diplomatiques mondiaux, en s’appuyant sur des cartes qui complètent celle du Lowy Institute. Il se poursuit avec l’analyse des évolutions de ces réseaux, en particulier ceux des cinq premiers pays. Il montre enfin la convergence des configurations de ceux des États-Unis et de la Chine, puis analyse l’évolution de ceux de la Turquie, de la France et du Japon en s’appuyant sur sept cartes, un graphique et un tableau. Celui-ci indique qu’en 2023 la France se place au 5e rang mondial, derrière la Chine, les Etats-Unis, la Turquie et le Japon.

THE GLOBAL DIPLOMACY INDEX, publié par le Lowy Institute [1] en est à sa cinquième édition, c’est un outil interactif qui cartographie les principaux réseaux diplomatiques mondiaux. Il comprend 66 pays et montre où ils ont des postes diplomatiques, comment leurs « empreintes diplomatiques » mondiales se comparent les unes aux autres et comment leurs réseaux ont évolué au fil du temps. Cependant, tout indicateur a des limites, les représentations de l’UE – par exemple – ne sont pas prises en compte, sans doute parce que ce sont seulement les États qui sont étudiés. C’est regrettable car certains pays de l’UE n’existent diplomatiquement que grâce à l’UE, qui les représente, et même les « grands » sont renforcés par la coordination qu’assurent ses ambassadeurs. Espérons que de prochaines éditions du Global Diplomacy Index prennent en compte ses 150 délégations accréditées. L’indice s’appuie sur cinq publications de données publiques en 2016, 2017, 2019, 2021 et 2023. Il brosse ainsi un tableau des régions où les pays cherchent à exercer une influence et aide à comprendre leurs stratégies globales.

Les cartes que permet d’afficher le Global Diplomacy Index sont utiles, notamment pour analyser les choix faits par les pays qui ne peuvent avoir que peu d’ambassades (Bhoutan, Islande, Brunei, Timor oriental), ou encore ceux qui reflètent les diasporas européennes (Italie, Espagne, Grèce). Mais elles méritent d’être complétées par d’autres moyens et nous avons donc choisi de créer (à partir des données qui en ont été extraites) quelques nouvelles cartes qui montrent non seulement les localisations des réseaux diplomatiques des principaux pays, mais aussi les pays dont ils sont absents et les mettent en rapport à la fois avec la population et le PNB des pays concernés.

Le réseau des consulats (figure 2) mérite d’être mis à part, car les pays ont des stratégies différentes en fonction des pays dont ils reçoivent des immigrants ou vers lesquels ils envoient des émigrants. On le voit ici dans le cas de la Chine, du Brésil, de la France et des États-Unis : si tous en ont dans les plus grands pays (cercles multicolores), les cercles monochromes indiquent leurs zones particulières d’intérêt(s).

Figure 2 Les consulats de quatre grands pays

Les fluctuations du nombre de postes diplomatiques des principaux pays sur la période 2016 à 2023 (figure 3) s’expliquent principalement par deux facteurs : les choix politiques des gouvernements en matière de relations internationales et les départs forcés depuis des pays désormais hostiles. Avant d’en détailler les raisons et les modalités pour chacun, nous pouvons déjà établir quelques faits généraux concernant la présence globale des États leaders.

La Chine et les États-Unis ont des nombres similaires d’implantations (autour de 270) et dans le détail, leurs localisations sont coïncidentes ou au moins voisines. Ceci découle d’une présence voulue pour les deux États dans toutes les aires de la planète. Ainsi, ils se placent significativement au-dessus des autres pays. Seule la France semblait témoigner en 2017 d’une couverture comparable, mais ce n’est plus le cas ensuite.

Derrière eux, huit États occupent depuis 2017 les places suivantes du classement des implantations (entre 200 et 250), mais avec en leur sein des fluctuations assez fortes sur le très court terme. Deux à trois ans suffisent pour progresser ou pour régresser d’une manière significative. Il en va ainsi du Brésil, pour lequel la politique étrangère du président Bolsonaro de la fin 2018 à la fin 2022 a manifestement eu des effets quant au retrait partiel de son pays de la scène internationale : un peu plus de 220 implantations jusqu’en 2019, puis une chute rapide jusque à 205. Les courbes de la Russie, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de l’Italie témoignent aussi de fluctuations, mais sans que leur orientation générale puisse être bien établie. Or, on constate aussi que durant la dernière année disponible (2023), trois pays (France, Japon et Turquie) ont un nombre de postes très voisins, près de 250, maintenant un net écart par rapport aux cinq suivants.

Figure 3 Nombre de postes diplomatiques des 10 principaux pays, 2016-2023

Tableau 1 Une hiérarchie des postes diplomatiques qui change rapidement

Rang

2016

2017

2019

2021

2023

1

États-Unis

États-Unis

Chine

Chine

Chine

2

France

Chine

États-Unis

États-Unis

États-Unis

3

Chine

France

France

France

Turquie

4

Russie

Russie

Japon

Japon

Japon

5

Turquie

Japon

Russie

Turquie

France

6

Japon

Turquie

Turquie

Russie

Russie

7

Brésil

Allemagne

Allemagne

Royaume-Uni

Royaume-Uni

8

Allemagne

Brésil

Brésil

Allemagne

Allemagne

9

Royaume-Uni

Espagne

Espagne

Espagne

Italie

10

Italie

Royaume-Uni

Italie

Brésil

Brésil

Source : Global Diplomacy Index, publié par le Lowy Institute (Australie). Réalisation du tableau août 2025, Marc Pavé et Hervé Théry pour Diploweb.com

C’est pourquoi nous étudierons les implantations des cinq premiers pays du classement. Deux d’entre eux (États-Unis et Chine) se détachent des trois suivants (Turquie, Japon et France), mais pour chacun des cinq elle relève de dynamiques différentes. Leur poids respectif en termes de PIB (d’après les évaluations du FMI de 2024, disponibles sur Wikipedia, en milliards de dollars américains) nous donnerait la hiérarchie suivante : États-Unis (26 185), Chine (21 643), Japon (4 364), France (2 830) et Turquie (612). La puissance productive des États permet ainsi de bien distinguer les deux premiers des trois suivants. Elle fonderait aussi les places du Japon et de la France (3e et 7e économies mondiales respectivement, donc en gros attendus dans les cinq premiers). Cependant, la Turquie crée la surprise (20e PIB mondial), surtout parce que d’autres pays bien placés avant elle, ne la dépassent pas quant à l’extension de leur couverture diplomatique. Nous éclaircirons les positions et les positionnements des uns et des autres dans le quinté de tête.

Figure 4 Les réseaux diplomatiques de la République populaire de Chine et des États-Unis

Une remarque préalable est nécessaire quant aux poids de ces indicateurs et à leurs comparaisons. Les écarts entre les nombres de représentations diplomatiques ne sont pas proportionnels aux autres inégalités majeures entre les pays. La fourchette entre 275 et 245 postes des cinq États étudiés ne repose pas sur des différences comparables de PIB, de puissance militaire ou d’influences politiques, économiques et culturelles. Cela joue dans les deux sens.

D’un côté, des écarts fluctuant à la hausse ou à la baisse de quelques unités à une vingtaine d’implantations relèvent d’une couverture spatiale plus ou moins étendue où les pays dans lesquels on s’installe ou d’où l’on part ont un poids international limité, comme on va le voir concernant la relative perte de vitesse des représentations françaises. De l’autre, la présence diplomatique de plusieurs pays dans un autre ne signifie pas que leur poids sur place serait comparable. Cela explique que des classements fondés sur d’autres critères à propos de l’influence internationale tendent à rehausser – par rapport à notre classement – les influences du Royaume-Uni et de l’Allemagne, et à relativiser celles de la Turquie, de l’Italie, voire de la Russie.

Cependant, l’Index du Lowy Institute a au moins deux grandes utilités. D’une part, il permet de discerner les pays aux politiques mondiales significatives. Ainsi, on notera l’absence parmi les dix premiers, de pays comme l’Afrique du Sud, l’Inde et l’Iran, influents au niveau régional ou sous-continental, mais sans détenir encore tous les instruments d’une politique mondiale. Cela adviendra peut-être sous peu, surtout pour l’Inde. D’autre part, dans le groupe monopolisant les dix premières places, l’Index permet de discerner une hiérarchie, et des tendances, en particulier pour les cinq premiers. Ce dont nous allons discuter ici. Il s’agit d’évaluer les nombres et les localisations des ouvertures et des fermetures de postes diplomatiques, d’en fournir des explications et de discerner quelques fondamentaux.

Le fait le plus inattendu réside peut-être dans le croisement des courbes – même si les totaux restent très similaires – entre les États-Unis et la Chine. Deux dynamiques contraires sont à l’œuvre. L’une – négative – est à relier à la politique étrangère de l’administration Trump de 2017 à 2021, sous le signe du retrait partiel de certains enjeux internationaux doublée d’une politique davantage chaotique que celles de son prédécesseur et de son successeur. Mais il faut aussi constater le caractère limité de ces fluctuations, oscillant entre 267 et 273. L’« isolationnisme » que l’on évoque fréquemment pour qualifier la politique de Donald Trump ne doit pas donner lieu à un malentendu. Ce terme a été aussi utilisé pour évoquer d’autres périodes de l’histoire internationale des États-Unis, en particulier l’Entre-deux-Guerres. Or, il ne s’agit pas d’un retrait massif des relations internationales. L’expression est souvent mal comprise. Elle désigne en premier lieu le refus de tout engagement, au sens fort du terme (formalisé et pérenne). II s’agit de limiter au maximum la conclusion d’alliances ou les effets de celles-ci et de s’engager le moins possible dans des institutions internationales. Cela n’a jamais exclu des interventions menaçantes ou musclées à l’extérieur.

Cela explique donc à la fois le creux de la courbe américaine dans ce relatif « isolationnisme » mais sans effondrement. L’alternance politique débouche à partir de 2021 au simple retour aux effectifs antérieurs à 2016. Les départs américains sont provoqués par des rejets locaux subis ou (en quelque sorte) acceptés, puisque les représentations diplomatiques ferment à Caracas et à Khartoum, tandis que la fermeture de l’ambassade de Tel-Aviv signifie son transfert à Jérusalem.

Les États-Unis et désormais la Chine n’ont pas d’autre grand rival

L’autre dynamique est ascendante, même si elle reste peut-être limitée. C’est le cas de la Chine, en train d’achever sa couverture mondiale. En effet, elle ouvre de nouvelles représentations diplomatiques en Amérique centrale et caraïbe (République Dominicaine, Honduras, Nicaragua, Panama et Salvador), dans le Pacifique (Îles Salomon) et en Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Gambie, São Tomé-et-Príncipe). Elle atteint le niveau des États-Unis et les dépasse même légèrement. Sa politique étrangère donne lieu à de nombreux débats d’autant plus qu’elle connaît de rapides évolutions depuis les années 2010. En une quinzaine d’années le budget consacré à la diplomatie a plus que doublé en valeur, comme le précise Alice Ekmann (2024). Même si les priorités de ce pays concernent d’abord les espaces de son entourage immédiat, d’autres enjeux s’affirment que nous évoquons, sans souci particulier de hiérarchie : positionnements au niveau mondial sur les flux de biens et de capitaux, sur l’exploitation des métaux rares ; volonté de se poser comme un leader du Sud global dont on affirme l’existence tout en réaffirmant son attachement à la persistance des régimes politiques en place ; revanche contre l’hégémonie américaine en particulier, sinon occidentale dans son ensemble.

Cette politique agit aussi dans le soft power, même si les effets restent encore limités. Mais elle est vouée à progresser, ce qui en matière de diplomatie culturelle se traduit par l’ouverture de nouveaux instituts Confucius à travers le monde. Cela ne signifie pas que la puissance globale et l’influence diplomatique chinoises l’emportent désormais sur celle du rival américain. La nouveauté réside plutôt dans le creusement de l’écart avec les autres pays, en particulier avec la France, troisième – et dernière – puissance pourvoyeuse d’un discours de portée globale, à l’heure actuelle.

Dit autrement, les États-Unis et désormais la Chine n’ont pas d’autre grand rival, car les pays de l’Union européenne n’arrivent pas à coordonner suffisamment leurs positionnements internationaux. Dans le concert mondial des nations, tandis que certains gouvernements ne tiennent pas vraiment compte des limites de leurs assises matérielles dans leurs relations internationales, d’autres semblent ne pas tirer pleinement partie de leurs atouts en la matière. Non seulement l’Union européenne constitue le premier ou le deuxième ensemble politique mondial en de nombreux domaines, mais aussi chaque pays y bénéficie pour lui-même de ses liens avec les autres États membres, en termes de puissance diplomatique. Or, pour l’instant, ces constats ne sont pas vraiment dressés.

Les pays suivants, soit la Turquie, le Japon et la France (figure 5) attirent aussi l’attention par le fait que même si leur nombre final (en 2023) de postes diplomatiques est à peu près le même, les dynamiques en œuvre sont très différentes, dans leurs modalités comme dans leurs explications. Le cas de la France est très éclairant. En 2017, elle atteint des niveaux comparables à ceux de la Chine et des États-Unis. Elle a un réseau mondial ancien et des compétences diplomatiques avérées. Mais elle doit fermer plusieurs représentations diplomatiques pour cause de guerre locale et/ou de rejets par les actuels pouvoirs en place, en Afghanistan, au Soudan et au Niger. Cela n’augure pas forcément d’un repli durable, sous réserve peut-être de reformuler ses positionnements là où elle se trouve en perte de vitesse, en Afrique et au Moyen-Orient.

Les implantations de la Turquie et du Japon semblent suivre une croissance rapide qui, si elle semble ralentir, n’est toujours pas interrompue en 2023. Ces pays ont pour point commun leur volonté de boucher les trous de leur couverture diplomatique sur plusieurs zones de la planète, en étant présents dans de petits pays où ils n’étaient pas, comme en témoignent la plupart des postes diplomatiques évoqués ci-après. Dans le détail les nouvelles implantations des deux États ne s’effectuent jamais en même temps ni précisément aux mêmes endroits, mais dans les mêmes aires continentales ou sous-continentales, là où les deux étaient moins présents, en Amérique latine (Belize et Salvador pour le Japon, Bolivie, Paraguay et Uruguay pour la Turquie) et en Afrique (Burundi et Île Maurice pour le Japon, Guinée Équatoriale, Lybie, Sierra Leone et Togo pour la Turquie). Le Japon renforce aussi son implantation en Europe orientale et balkanique, à Pristina, à Tirana et à Chypre (dans ce dernier cas, la Turquie ne reconnaît pas cet État et il est le seul pays à reconnaitre comme telle la partie nord de l’île occupée par elle). Le Japon est désormais aussi présent aux Seychelles et à Vanuatu, la Turquie au Laos et au Yémen.

En revanche, les perspectives et les objectifs politiques ne sont pas vraiment les mêmes. D’un côté le Japon joue un rôle majeur au niveau mondial depuis plus d’un demi-siècle, mais il a connu de sérieuses difficultés à partir de la fin des 1990, tout en faisant face à la montée de la puissance chinoise. Il entame un redéploiement international depuis le deuxième mandat du Premier ministre Shinzo Abe (2012-2020). Jusque-là la politique nationale s’organisait autour de trois grands axes : la protection par le Japon de sa sécurité et de ses approvisionnements au niveau régional de l’Asie orientale ; l’intégration économique croissante avec les pays environnants ; au niveau global, le maintien de l’ordre libéral international au profit de ses échanges.

Figure 5 Les réseaux diplomatiques de la Turquie, du Japon et de la France

Le tournant est pris à deux niveaux. Il s’agit d’une part de garantir un meilleur accès aux métaux des terres rares et de l’autre de s’engager d’une manière épisodique et mesurée dans des lieux de tensions – y compris par la vente d’armements au nom du « pacifisme proactif » – afin de soutenir des alliés locaux et d’en obtenir des profits économiques et géopolitiques. En l’occurrence il n’y a plus vraiment de chasse gardée ou de pré carré de la superpuissance protectrice, les États-Unis. En revanche, le Japon ne semble pas renouer avec les rhétoriques militaristes, expansionnistes et racistes de la première moitié du XXe siècle, même si l’on assiste à un certain retour du nationalisme. Il s’agirait plutôt de traduire dans les faits une adaptation pragmatique et à bas bruit à la multipolarisation du monde, aux évolutions des besoins économiques et à la mise à mal des outils internationaux de régulation.

De son côté, la Turquie est dans une situation tout à fait différente. Après avoir eu une audience internationale significative dans l’Entre-deux-Guerres, en particulier au Moyen-Orient et dans le monde colonisé, la Turquie d’origine kémaliste connaît un effacement géopolitique durant la Guerre froide, cherchant d’abord la protection de l’une des deux superpuissances contre l’autre. Cela permet aussi un rapprochement du pays avec le reste de l’Europe. À partir des années 1990, la Turquie entend pleinement tirer profit de sa position de carrefour entre l’Europe et l’Asie, la Méditerranée et la mer Noire, l’Occident et le Moyen-Orient. Elle diversifie ses partenaires et sa politique étrangère.

Avec l’arrivée au pouvoir de Recep Tayyip Erdoğan en 2003 comme Premier ministre puis avec son accession à la Présidence de la République, la rhétorique nationaliste acquiert des connotations expansionnistes et religieuses prétendant plus ou moins renouer avec les périodes les plus glorieuses de l’Empire ottoman. Dans les faits, la politique étrangère se mondialise pour tirer pleinement parti de la multipolarité croissante des relations internationales. L’expansion économique rend en partie possible ce dessein, mais il apparaîtra probablement à moyen terme, un écart croissant entre les objectifs d’une politique internationale ambitieuse et les possibilités matérielles de la mettre en œuvre. En attendant, la Turquie mène une politique à plusieurs détentes parfois qualifiée d’« ambiguë » d’un État émergent qui à la fois peut plus qu’avant et d’une manière plus indépendante des autres puissances et qui dans le même temps devrait déployer des moyens considérables qu’elle n’a pas toujours. Lorsque l’on qualifie parfois la Turquie de « global swing State » (catégorie fondée vers 2012 englobant aussi le Brésil, l’Inde, l’Indonésie et depuis plus récemment l’Arabie Saoudite et l’Afrique du Sud), on désigne un État maintenant des relations fluides et variables avec les deux principaux protagonistes (États-Unis et Chine) et avec les autres pays actifs au niveau international (principaux États européens, Russie ainsi que les autres « États-bascules globaux »). La Turquie n’est donc pas qu’un pays émergent, elle est notamment un pays capable d’exercer une influence mondiale sans alignement international spécifique.

L’exemple turc, en comparaison avec les autres pays, nous montre aussi qu’un réseau diplomatique consistant aurait toujours besoin d’assises matérielles conséquentes. Mais cela ne jouerait que dans les grandes lignes. Un État au PIB faible ne pourrait avoir de représentations denses. Un autre au PIB élevé n’est jamais en queue de classement. Le reste dépend des choix politiques. La corrélation avec les effectifs nationaux des populations serait plus ténue, mais non nulle. Nos cinq pays sont respectivement en 2023 aux 2e, 3e, 23e, 12e et 18e rangs mondiaux, sur les 193 membres de l’ONU ou sur les 197 pays que celle-ci reconnaît, soit en millions : Chine (1 422), États-Unis (343), Turquie (87), Japon (124) et France (66). La démographie ne fait pas la diplomatie, mais elle fixerait probablement des maximas d’implantations et de durées de celles-ci.

Ainsi la situation et l’évolution des implantations diplomatiques des États étudiés laisse présager des évolutions divergentes, et ce constat pourrait probablement s’appliquer aussi aux cinq suivants. Le face-à-face entre les États-Unis et la Chine devrait continuer à s’affirmer, mais avec des marges de manœuvres accrues au niveau international pour des puissances moyennes dotées d’une audience mondiale (France), des puissances économiques renforçant leur assises géopolitiques (Japon) et des pays émergents et peu alignés (Turquie).

Par Hervé THERY, Marc PAVE (Diploweb)

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