avril 20, 2025
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Sécurité

RAPPORT AU PARLEMENT SUR LES EXPORTATIONS D’ARMEMENT DE LA France : Les priorités stratégiques

Le Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France est un condensé des informations relatives à la politique française sur les armes. Le document est publié par les ministères des Armées de la France. « Dans un contexte géostratégique en forte dégradation, où l’ordre international vacille devant le retour à des relations entre États fondées principalement sur des rapports de force, la défense et la sécurité de la France et de l’Europe passent par la mise sous tension de notre outil de défense. Le passage de notre industrie de défense en mode « économie de guerre », cap fixé par le Président de la République il y a deux ans, peut être constaté dans de nombreux secteurs. Les exportations d’armement s’inscrivent pleinement dans cette transformation, en apportant une charge capable de justifier les investissements dans l’outil de production, mais en contraignant également notre industrie à innover et à s’adapter pour rester au meilleur niveau mondial. C’est donc un levier essentiel pour préserver sa capacité à équiper nos propres forces et nos alliés, en particulier l’Ukraine face à la brutale agression dont elle est victime », a souligné le ministre des Armées, Sébastien Lecornu.

Le présent Rapport au Parlement répond à une exigence de transparence à l’égard de la représentation nationale dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de contrôle . Il présente la politique d’exportation d’armement, telle que conduite par les différents services de l’État sur ses trois volets que sont la cohérence avec les priorités stratégiques, le contrôle des exportations et le soutien aux exportations .

La France considère, à l’instar de tous les grands pays qui disposent d’une industrie de défense, que la politique d’exportation est indissociable de sa politique de défense et qu’elle s’inscrit pleinement dans le cadre de ses relations internationales . La politique d’exportation d’armement de la France répond à deux objectifs principaux :- D’une part, contribuer à la sécurité internationale en répondant aux besoins légitimes de défense de nos partenaires tout en agissant comme levier pour renforcer avec eux des coopérations de défense nécessaires à notre propre sécurité . Dans un contexte stratégique qui se dégrade fortement, avec une multiplication des conflits et des menaces latentes, il s’agit en toute souveraineté, d’assumer notre responsabilité en tant que membre des Nations unies à maintenir la paix et la sécurité internationales et, à cette fin, de contribuer à prévenir et à écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, conformément à l’article 1 de la Charte des Nations unies .

Le conflit en Ukraine a en effet démontré le rôle décisif que peut jouer la livraison d’armements pour permettre à un Etat agressé d’exercer son droit à la légitime défense . Toutefois, cet argument vaut également en temps de paix, les exportations d’armes au profit de pays attachés à la stabilité de leur région pouvant jouer un rôle préventif vis-à-vis de voisins qui seraient tentés par un retour à des politiques de puissance .- D’autre part, disposer, dans la durée, d’une industrie française et européenne apte à équiper nos forces en cohérence avec nos ambitions stratégiques et notre modèle d’armée . Avec le déclenchement du conflit en Ukraine en février 2022, un changement de paradigme s’est opéré : le retour d’une menace de grande ampleur nous oblige à reconsidérer l’éventualité d’une guerre de haute intensité dans laquelle la France et l’Europe pourraient être impliquées, et à redéfinir le modèle d’industrie de défense dont nous avons besoin . Dans ce nouveau modèle, le caractère primordial des exportations se justifie encore davantage que par le passé . Les exportations restent une condition nécessaire pour assurer le maintien d’une base industrielle apte à équiper nos forces . Actuellement, dans le cadre de « l’économie de guerre », elles sont par ailleurs les garantes d’un plan de charge à long terme, de nature à convaincre les industriels de financer les investissements nécessaires pour améliorer leur réactivité et accélérer leurs cadences de production . Les exportations ont enfin un rôle essentiel sur le plan économique, le secteur représentant 210 000 emplois répartis sur toute la France, avec une perspective d’emplois stables, durables dans les prochaines années et œuvrant au profit de notre sécurité ;

Ces objectifs sont poursuivis dans le strict respect de nos engagements internationaux, en particulier le Traité sur le commerce des armes (TCA), la décision (PESC) 2019/1560 modifiant la Position commune 2008/944/PESC et les mesures d’embargo instaurées par le Conseil de sécurité des Nations unies, l’Union européenne (UE) et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) . La maîtrise des armements, la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, la protection de nos forces et la lutte contre la dissémination des armes légères et de petit calibre sont aussi systématiquement prises en compte . Le processus de contrôle des exportations s’appuie sur une réglementation très stricte, précisée dans le Code de la défense . Elle est mise en œuvre à travers un dispositif interministériel rigoureux, selon un principe général de prohibition, auquel il ne peut être dérogé que par une autorisation de l’autorité administrative compétente relevant du Premier ministre . Chaque demande de licence est examinée au cas par cas, de façon approfondie à l’aune de l’ensemble des règles énoncées ci-dessus et des critères d’appréciation des administrations concernées . Leur examen mobilise en effet des compétences géopolitiques, industrielles, techniques et militaires pointues émanant du ministère des Armées, du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ainsi que du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, coordonnées par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) . Les licences fixent le cadre exact de l’opération autorisée et encadrent les conditions de sa réalisation en termes de vérifications, de certificats ou d’engagements demandés auprès des différentes parties . Elles ne donnent toutefois pas systématiquement lieu ultérieurement à exportation, l’opération autorisée pouvant ne pas se réaliser .

Le bilan 2023 des prises de commandes s’élève à 8,2 Md€ . Il s’articule autour de l’entrée en vigueur d’une commande de 18 Rafale pour l’Indonésie pour 2,6 Md€, de plusieurs contrats à plus de 200 M€ (canons Caesar pour la Lituanie, plusieurs contrats avec la Grèce dont l’acquisition de drones Patroller, corvettes pour l’Angola), et d’un socle stable et régulier d’une année sur l’autre de contrats inférieurs à 200 M€ . Ces derniers contrats correspondent à des activités de maintien en condition opérationnelle, de formation ou de modernisation qui découlent de grands contrats antérieurs, ainsi qu’à des équipements moins emblématiques mais qui contribuent à couvrir l’ensemble du spectre capacitaire . Si l’année 2023 peut paraître relativement modeste en termes de prise de commande, cela ne correspond pas à une tendance de fond : l’évolution de nos exportations doit être appréciée sur des échelles de temps plus longues car le bilan annuel est très fluctuant, au gré du nombre et du montant des contrats majeurs entrés en vigueur en cours d’année . Les premières tendances 2024 indiquent un chiffre de prises de commandes qui sera bien plus important, avec notamment une nouvelle entrée en vigueur en Indonésie et le choix des Pays-Bas de Naval Group pour ses sous-marins.

UNE POLITIQUE D’EXPORTATION COHÉRENTE AVEC LES PRIORITÉS STRATÉGIQUES DE LA France

Retour d’une compétition stratégique plus dure entre grandes puissances, poursuite d’une guerre conventionnelle par la Fédération de Russie sous voûte nucléaire aux portes de l’Europe en Ukraine, prolifération nucléaire en Iran et en Corée du Nord, permanence et internationalisation du risque terroriste, montée des tensions dans l’Indopacifique et, depuis le 7 octobre, conflit au Moyen-Orient consécutif à un attentat terroriste : 2023 a été une année d’accélération de tous les dérèglements . En tant que puissance nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité, la France entend assumer pleinement les responsabilités qui sont les siennes pour oeuvrer en faveur d’un ordre international fondé sur la règle de droit et sur la sécurité collective . Parce qu’elles sont un instrument essentiel de politique étrangère et qu’elles sont susceptibles de modifier les rapports de force, la France identifie clairement ses exportations d’armements comme un contributeur de première importance à cet objectif . Dans le cadre d’un conflit déclaré comme en Ukraine, le soutien à un pays agressé au moyen de livraisons d’armes a démontré son efficacité pour permettre à ce dernier d’assurer sa légitime défense dans le cadre de l’article 51 de la Charte des Nations unies . Dans le cadre de situations régionales tendues, des exportations d’armement bien analysées quant à leurs conséquences stratégiques peuvent avoir un effet stabilisateur, en rééquilibrant un rapport de forces ou en favorisant le statu- quo .

De manière plus générale, soutenir par des exportations d’armes des États qui sont des partenaires stratégiques de la France et ont une action positive en faveur de la paix et de la sécurité internationales, contribue à cette même paix et sécurité . Parce qu’ils partagent nos valeurs, parce qu’ils sont susceptibles d’être engagés à nos côtés dans le cadre d’un éventuel conflit majeur, parce qu’ils satisfont les critères de la Position commune de l’Union européenne appliqués par la France en matière de contrôle export, les pays de l’Union européenne et de l’OTAN sont des destinations privilégiées pour les exportations d’armement françaises . À cet égard, il est nécessaire de favoriser les prospects vers ces pays en élaborant une offre qui réponde au mieux à leurs attentes, en garantissant notamment une pleine interopérabilité avec les standards OTAN, des éventuels retours en matière de charge industrielle, ou encore dans certains cas, des mécanismes d’acquisition commune ou l’adossement à un partenariat de défense plus global . Au-delà de l’Union européenne et de l’OTAN, la France entretient des partenariats stratégiques de longue date avec des pays comme l’Inde, les Émirats arabes unis, l’Indonésie, le Brésil,… pays avec lesquels existent donc des relations denses en matière d’armement . De nombreux autres partenaires restent attachés à l’offre française . Leur nombre devrait même s’accroître considérant qu’un nombre grandissant de pays, notamment (mais pas seulement) en Asie centrale et en Asie du Sud-Est, ayant acquis par le passé des matériels militaires auprès de la Russie, cherchent à réduire leur dépendance stratégique en se tournant vers de nouveaux fournisseurs ;

Enfin, le dernier élément déterminant de nos exportations, c’est la soutenabilité industrielle du modèle que nous avons historiquement décidé pour nos propres acquisitions d’armements . La France a fait le choix de s’équiper de manière souveraine sur la majeure partie de la palette capacitaire, avec un noyau purement national constitué notamment de la dissuasion nucléaire et des moyens qui peuvent être acquis en coopération mais dont nous maîtrisons les technologies et les savoir-faire critiques au sein de notre Base industrielle et technologique de défense (BITD) . Ce choix vise à permettre d’utiliser, entretenir ou modifier ces capacités en toute souveraineté .

L’acquisition de produits de défense auprès de pays étrangers, même lorsqu’il s’agit d’alliés, ne garantit pas cette souveraineté . Elle entraîne un certain nombre de contraintes pour l’accès aux capacités les plus sensibles, l’adaptation aux concepts d’emploi de nos armées, le libre emploi de ces moyens et enfin les possibilités d’acquisitions complémentaires en cas de crise, notamment pour les munitions et missiles . Les tensions sur les approvisionnements ces dernières années – y compris dans des domaines éloignés du champ militaire – ont montré l’importance de disposer de ses propres sources d’approvisionnement .

En outre, les leçons de l’invasion russe de l’Ukraine soulignent le rôle clef que joue la BITD dans la capacité d’une armée à soutenir un effort dans la durée . Vu le niveau de sophistication et de complexité des systèmes d’armes modernes, une BITD ne peut survivre que si elle atteint une taille critique . La taille de la BITD est également un paramètre crucial pour satisfaire dans des délais contraints une hausse brutale de la demande, dans le cas où nous serions dans le futur engagés dans un conflit de haute intensité avec une consommation et une attrition des matériels qui excède largement ce à quoi nous nous sommes habitués ces 30 dernières années . Pour lui donner cette taille critique, il est indispensable de lui donner accès à un marché qui déborde largement du marché national, et même européen . Pour ces motifs, la France assume pleinement son statut d’État exportateur d’armements . Elle se veut aussi un exportateur responsable . Elle adhère à de nombreux régimes internationaux visant à réguler le commerce des armes, lutter contre la prolifération, interdire certaines catégories d’armes ou certaines destinations . Dans sa législation nationale, elle soumet toutes les exportations d’armement au contrôle direct de l’État selon une réglementation stricte . Les procédures de contrôle des exportations sont rigoureusement appliquées, selon une politique gouvernementale détaillée.

Renforcement de nos partenariats de défense

Si l’efficacité de l’aide à l’Ukraine sera un signal primordial envoyé quant à la capacité des Nations unies à faire respecter le droit international, un effort similaire doit être consenti partout dans le monde où se réaffirment des politiques de puissance avec des effets déstabilisateurs à l’échelle régionale . L’accélération du contexte géostratégique et le constat d’un retour plus systématique à la force pour régler les différends entre États conduisent naturellement de nombreux pays à réinterroger leur propre situation sécuritaire, et pour certains à diversifier leurs partenaires pour leur défense et leurs acquisitions d’armement . La France entend à cet égard se présenter comme un partenaire à la fois fiable envers ses alliés historiques et à l’écoute des autres.

Cette approche se décline en premier lieu en Europe . Sur le volet armement, dans le prolongement de la création de l’Agence européenne de défense (2004), la coopération structurée permanente (2017) a permis aux pays de l’UE de disposer d’un cadre pour développer leur coopération en matière de besoins capacitaires de défense, et le Fonds européen de défense (FEDef), adopté en avril 2019, a permis de mettre en place un financement européen (8 Md€ sur la période 2021-2027) pour développer la recherche et la technologie pour les futurs équipements de défense . Toutes ces actions n’ont cependant pas effacé le déterminant stratégique majeur des 20-30 dernières années qui a été le sous-investissement chronique des pays européens dans leur défense . De nouvelles initiatives s’en sont donc suivies, comme l’adoption des outils ASAP1 et EDIRPA2, destinés à doper la production de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) et les acquisitions des pays de l’UE auprès de cette même base, dont bien sûr l’industrie d’armement française . Plusieurs pays européens (Grèce, Belgique) sont d’ailleurs déjà des clients historiques de la France en matière d’armement, d’autres ont fait le choix français pour des acquisitions plus récentes (Rafale pour la Croatie, satellites d’observation pour la Pologne), et enfin d’autres pays (Pays-Bas, Roumanie, Norvège,…) émettent actuellement des appels d’offre pour des programmes à effets majeurs auxquels la France candidate .

Dans le reste du monde, la France développe des stratégies régionales, fondées sur des partenariats qui visent à renforcer la sécurité de pays partenaires, tout en consolidant la présence et l’influence françaises dans la région . Avec 120 369 km2 de territoires ultramarins soit 18 % de la surface totale du territoire français et 2,2 millions d’habitants, auxquels s’ajoutent les quelque 2,5 millions de Français expatriés dans d’autres pays, la France est représentée partout sur le globe . Ses intérêts dépendent également de considérations sécuritaires loin de ses frontières comme par exemple la sécurisation des routes commerciales maritimes fortement empruntées (Canal de Suez, Golfe Persique, Mer de Chine,…), qui supposent une action coordonnée avec les pays riverains . Il en résulte des échanges avec des partenaires stratégiques dans des régions clés comme le Proche et Moyen-Orient (Émirats arabes unis, Égypte, Qatar, Arabie saoudite,…), l’Indopacifique (Inde, Indonésie, Malaisie,…), l’Afrique (Sénégal, République de Côte d’Ivoire, Gabon,…) ou l’Amérique latine (Brésil, Chili,…) . Ces partenariats permettent à la France de faire valoir ses intérêts et d’échanger, dans une relation de confiance, sur les questions de défense et de sécurité, ainsi que sur les défis globaux ou régionaux appelant une réponse concertée . La France est par ailleurs toujours à l’écoute de nouveaux demandeurs qui se mettent en quête de nouveaux partenaires, pour diversifier leurs relations de défense et/ou réduire leur dépendance stratégique à l’égard d’une grande puissance donnée (Russie, Chine,…) . Assez caractéristique du Moyen-Orient dans les années 2010, cette dynamique commence aussi à s’observer en Asie centrale et en Asie du Sud-Est . S’agissant des exportations françaises de matériels de guerre et matériels assimilés, celles-ci font partie des manifestations concrètes de notre soutien de défense en accompagnant les États partenaires dans le renforcement et l’adaptation de leurs capacités militaires . Au-delà de l’acquisition de matériels aux performances reconnues, l’accompagnement français permet aux partenaires de se doter de réelles capacités de défense3, en incluant également le soutien en service du matériel, la formation à l’emploi, l’assistance technique, la fourniture de pièces détachées, autant de flux qui peuvent durer plusieurs décennies et s’inscrire dans le temps long comme doit l’être un partenariat visant à renforcer la stabilité et la sécurité d’un pays ou d’une région . De plus, pour les partenaires stratégiques les plus importants et disposant eux aussi d’un potentiel industriel local, les exportations d’armement françaises peuvent s’accompagner de transferts technologiques et/ou de production (les offsets), qui aident le partenaire à progresser dans la construction de sa propre autonomie.

Exportations et coopération au service de la souveraineté et de la stabilité : cas du Sénégal et d’autres pays africains

Un exemple d’opération d’exportation directement liée à des enjeux immédiats de sécurité régionale est la commande de patrouilleurs et d’équipements associés par plusieurs pays riverains du Golfe de Guinée (Sénégal, Angola, République de Côte d’Ivoire, Nigéria notamment), afin de leur permettre d’améliorer la sécurité maritime (lutte contre la piraterie et les pêches illégales) dans leurs zones économiques exclusives (ZEE) . Depuis 1990, un à deux bâtiments français, renforcés par un avion de patrouille maritime, sont déployés dans le golfe de Guinée de façon quasi-permanente dans le cadre de l’opération CORYMBE . En renforçant les capacités de l’architecture de sécurité issue du processus de Yaoundé .

L’opération CORYMBE complète le dispositif français en Afrique de l’Ouest en participant au volet maritime des coopérations opérationnelles qui s’illustre notamment dans la lutte anti-piraterie . Par ailleurs, ce déploiement est cohérent avec le concept de présence maritime coordonnée porté par l’Union européenne . Cette présence permet, de plus, d’accompagner le développement des capacités des pays de cette zone, à l’image du renforcement des moyens maritimes du Sénégal avec la livraison en 2023 de deux des 3 OPV 58 S construits par Piriou ou de l’Angola visible au travers de l’acquisition de corvettes, d’intercepteurs, de patrouilleurs « trimaran » mais aussi de bâtiments de débarquement . Une partie de ces moyens a d’ailleurs été engagée dans le cadre de l’exercice « Grand African Nemo 2023 » rassemblant 18 nations riveraines du golfe de Guinée, 35 unités navales et 6 aéronefs ; il vise en effet à renforcer la coopération interrégionale issue du sommet sur la sécurité maritime de Yaoundé .

Pour s’assurer de cette stabilité au-delà de nos seuls accords, chaque opération d’exportation de matériels de guerre et matériels assimilés est analysée au regard de la situation interne et régionale du pays destinataire, de l’intérêt qu’elle présente pour lui et pour ses partenaires régionaux en termes de sécurité, avec une vigilance particulière vis-à-vis du risque de déstabilisation qu’elle pourrait occasionner . En offrant des moyens adaptés et proportionnés aux menaces qu’ils rencontrent, la France entend appuyer la préservation de la stabilité régionale de ses partenaires et ainsi sécuriser ses intérêts stratégiques dans les zones considérées.

LES EMBARGOS SUR LES ARMES

Les embargos sur les armes sont destinés à réduire la disponibilité des matériels de guerre et limiter les risques de dissémination dans une zone de conflit ou d’instabilité en interdisant ou en restreignant leur commerce ou leur fourniture . Le Conseil de sécurité des Nations unies peut imposer des embargos sur les armes en vertu de l’article 41 du chapitre VII de la Charte des Nations unies . Onze sont actuellement en vigueur . Les États et les organisations régionales peuvent également adopter des mesures de sanctions unilatérales . C’est ainsi le cas de l’Union européenne ou de l’OSCE . Dans le cas de l’Union européenne, il s’agit de mesures restrictives prises soit en application des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU, soit de manière autonome (sur le fondement de l’article 215 § 1 du TFUE) . L’Union européenne impose ainsi de manière autonome un embargo sur les armes à destination de 8 pays : la Biélorussie, la Birmanie, la Chine, l’Iran, la Russie, la Syrie, le Venezuela et le Zimbabwe .

Le champ de ces embargos est variable, s’agissant tant de leur portée (ensemble du territoire, région spécifique ou entités ciblées) que du matériel concerné (armes et matériels connexes, prise en compte des équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne, etc .) ou des activités visées (exportations, fourniture d’une assistance technique, formation, etc .) . Dans la grande majorité des cas, des exemptions sont prévues (exclusions a priori de l’application des mesures restrictives), ou des dérogations (exclusions sur demande et au cas par cas de l’application des mesures restrictives) . Elles peuvent par exemple concerner le transfert de « matériel militaire non létal » destiné au personnel des Nations unies, aux acteurs humanitaires ou encore aux médias à des fins humanitaires ou de protection . La France joue un rôle moteur dans l’adoption, le renouvellement et la mise en œuvre des régimes de sanctions des Nations unies en tant que membre permanent du Conseil de sécurité . Elle veille à la rigueur de leur mise en œuvre, à leur adaptation permanente et à ce que ces mesures s’inscrivent dans une véritable stratégie politique et diplomatique . Enfin, la France est membre des comités des sanctions et coopère avec les panels d’experts chargés de veiller à la bonne application des sanctions . La France a toujours répondu favorablement aux demandes des panels d’experts destinées à faciliter la collecte d’informations sur les cas de présomption de violation des mesures restrictives (demande d’informations complémentaires, organisation de visites de terrain, etc .) . Elle participe également aux actions visant à faire respecter les embargos sur les armes conformément aux dispositions des résolutions pertinentes . Ainsi par exemple, après avoir mis en œuvre des moyens dans le cadre de l’opération navale européenne Sophia, la France continue de s’engager dans l’application de l’embargo sur les armes à destination et en provenance de la Libye en participant à l’opération Irini qui a été mise en place le 31 mars 2020 et qui a été prorogée en mars 2023 jusqu’au 31 mars 2025.

Des dépenses de défense à la hausse L’année 2022, marquée par l’agression de la Russie en Ukraine, avait redéfini l’environnement sécuritaire en Europe . L’année 2023 ancre encore davantage le retour du conflit armé de haute intensité aux frontières orientales de l’Europe . Les craintes accrues en matière de sécurité ont amené plusieurs États à renouveler leurs engagements en matière de dépenses de défense et à se concentrer sur l’amélioration de leurs capacités militaires . Cette tendance s’est renforcée en 2023 . Par conséquent, les dépenses de défense mondiales ont augmenté de 9 % pour atteindre un montant record de 2 200 Md$ en 20231 . Les budgets de défense cumulés de la Chine, de la Russie, de l’Inde et des pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ont représenté plus de 70 % des dépenses militaires mondiales . Les États-Unis demeurent au premier rang mondial en termes de budget militaire : en 2023, ils ont dépensé 916 Md$ – soit une augmentation de 2,3 % par rapport à 20222 . Le National Defense Authorization Act (NDAA) 2024 de 883,7 Md$, est en augmentation de près de 3 % hors inflation par rapport à 2023 . L’effort de défense concerne aussi bien la RDT&E (Research, Development, Technology & Evaluation) que l’équipement : ces arbitrages vont de pair avec le renforcement des capacités des forces armées américaines et le contexte de compétition stratégique et technologique, essentiellement avec la Chine .

La Chine, deuxième budget de défense mondial, avec des dépenses estimées à 296 Md$ pour 20233, poursuit sa politique de modernisation capacitaire et de rattrapage technologique à un rythme soutenu, affirmant son ambition de puissance, dans une volonté de peser plus directement sur les enjeux mondiaux . En 2023, les dépenses de la Russie ont connu une nouvelle hausse significative, estimées à 109 Md$ (en augmentation de 24 % par rapport à 2022) pour 20234, et devraient connaitre une augmentation de 60 % en 20245 . La croissance des dépenses militaires européennes observée depuis plusieurs années s’intensifie nettement dans le contexte de la guerre en Ukraine avec notamment la mise en place par l’Allemagne et la Pologne de fonds spéciaux, pour compléter leurs budgets militaires . Le Royaume-Uni est classé cinquième au niveau mondial, devant l’Allemagne, septième, et la France, huitième . Les membres de l’OTAN en Europe ont dépensé collectivement 32 % de plus pour la défense depuis 2014, et dix d’entre eux consacrent désormais plus de 2 % de leur PIB à la défense6 . Dans le même temps, le volume des transferts internationaux d’armement a légèrement diminué de 3,3 %7, avec de grandes variations d’une région à l’autre . Ainsi, les importations d’armes par les États européens ont presque doublé entre 2014-2018 et 2019-2023 . L’Ukraine devient en 2023 le plus grand importateur européen d’armes et le quatrième mondial . Les pays d’Asie, d’Océanie et du Moyen Orient continuent d’importer des armes dans des proportions plus importantes qu’en Europe.

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