décembre 16, 2025
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Economie

« Rien n’a changé » : après la chute d’Uvira, le pouvoir de Tshisekedi sous le feu des critiques

L’offensive du M23 à Uvira dynamite la paix de Washington et ouvre une crise politique à Kinshasa, où majorité et opposition s’accusent mutuellement.

Depuis mercredi, l’offensive éclair de l’AFC-M23 sur Uvira a plongé la ville et ses environs dans la panique. Le Burundi a immédiatement fermé sa frontière de Gatumba et renforcé la sécurité par des chars de combat. À Bujumbura, la capitale burundaise, des milliers de Congolais se pressent : ceux disposant de ressources et de papiers louent des maisons, tandis que les plus vulnérables sont dirigés vers des camps de réfugiés. Déjà fragilisée par des années de conflit, la population fait face à un nouveau désastre humanitaire.

Cette avancée survient quelques jours seulement après la ratification de l’accord de paix signé à Washington entre les ministres des Affaires étrangères congolais et rwandais, sous la médiation de Donald Trump. Considéré comme un pas vers la paix entre Kinshasa et Kigali, le texte est déjà réduit à néant par la progression du M23. Dans les rues désertes d’Uvira, le bruit des tirs et des bombardements remplace le commerce et la vie quotidienne ; la peur, le manque d’eau et d’électricité ajoutent au désarroi des habitants.

 « Un accord de capitulation » : la charge de l’opposition

La scène politique congolaise s’embrase. Ferdinand Kambere, secrétaire permanent du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD) de Joseph Kabila, ne mâche pas ses mots. Auprès du Point Afrique, il estime que « la chute d’Uvira n’est pas différente de celles de Bunagana ou Goma » et qualifie l’accord de Washington d’« accord de capitulation ». Pour lui, la responsabilité incombe directement au président Félix Tshisekedi. « Le chef de l’État gère le pays de manière hasardeuse », accuse-t-il, évoquant des violations de la Constitution et des normes internationales.

« Nous avions dénoncé cet accord. C’était un accord de soumission, un accord de capitulation. Même après la chute d’Uvira, le gouvernement s’en sert encore pour justifier l’abandon », martèle-t-il, alors même que le porte-parole du gouvernement affirmait, lors d’un briefing sur la chaîne nationale, que « la situation qui se passe dans la partie est de notre pays est inacceptable surtout après la signature de l’accord le 4 décembre dernier ».

Ferdinand Kambere dénonce également l’absence de paix jusque dans les zones où opèrent des forces ougandaises. Il estime que le gouvernement « a abandonné les villes et les armes au M23 » et reproche à Félix Tshisekedi d’avoir ignoré les propositions de la Cenco. « Le plus grand risque qu’il fait courir à la République, c’est lui-même. Il n’écoute personne. »

L’ancien cadre du régime Kabila appelle à une vigilance accrue du peuple congolais face à ce qu’il décrit comme une « capitulation » répétée depuis Bunagana.

Dans le camp de Martin Fayulu, le ton n’est guère plus indulgent. Par la voix de Prince Epenge, président du parti Action pour la démocratie et le développement au Congo (Avec) et porte-parole de la coalition Lamuka, l’opposition affirme qu’« il fallait d’abord mettre de l’ordre à l’intérieur », avant d’ajouter que l’accord de Washington n’a jamais été crédible. « Aller devant la superpuissance américaine était une bonne idée, mais il fallait d’abord un dialogue interne, inclusif, pour parler vrai et s’unir avant de se présenter ensemble avec les mêmes objectifs aux Américains. »

Prince Epenge accuse le président Tshisekedi de vouloir résoudre seul la crise afin d’en tirer la gloire et de justifier un changement de la Constitution pour se maintenir au pouvoir. « Félix a été à la SADC, il a été à l’Union africaine, et même à l’Union européenne, mais rien n’a changé sur le terrain. Aujourd’hui, il est allé même devant les Américains, mais une nouvelle ville vient de tomber à nouveau. »

Il regrette que toutes les propositions de l’opposition aient été ignorées et juge que l’accord signé « ne garantissait rien en termes de sécurité ». « Uvira vient de tomber. S’il nous avait écoutés, nous n’en serions pas là. »

L’opposant plaide à nouveau pour un grand dialogue national, incluant toutes les forces politiques et sociales du pays, estimant que « tout le monde a péché » et qu’il faut désormais « trouver un terrain d’entente pour vaincre nos ennemis ».

Kinshasa sous pression, la région au bord de l’embrasement

L’inquiétude gagne jusque dans les rangs de la majorité. Le député Bitakwira, notable d’Uvira, alertait il y a quelques jours déjà : « Si Uvira tombe, ils seront à Kolwezi en quatre jours, à Mbuji-Mayi dans une semaine, à Kenge dans un mois, et ici à Kinshasa. Nous n’aurons alors que nos yeux pour pleurer. »

Ces déclarations traduisent la frustration et l’angoisse croissantes de la classe politique congolaise face à l’escalade militaire. Pendant ce temps, à Washington, Donald Trump revendique la victoire diplomatique. Sur Fox News, le président américain a déclaré : « J’ai mis fin à la guerre entre le Congo et le Rwanda. Ils m’ont dit : “S’il vous plaît, s’il vous plaît, nous aimerions que vous veniez prendre nos minerais.” Et c’est ce qu’on va faire. »

Pourtant, sur le terrain, la dynamique militaire semble raconter une autre histoire. Après la chute d’Uvira, le politologue Bob Kabamba, professeur à l’université de Liège, tranche : « La rébellion veut renverser les rapports de force. »

Selon lui, cette avancée du M23 n’a rien de surprenant. Il rappelle que le processus de Doha entre l’AFC-M23 et Kinshasa n’a pas donné les résultats escomptés. Quant à l’accord signé à Washington le 4 décembre, il estime qu’il ne s’agit pas d’un accord de paix à proprement parler, mais d’une feuille de route économique visant notamment à faciliter l’accès des entreprises américaines au secteur minier congolais.

« La reprise des combats permet à la rébellion de prendre le plus de terrain possible afin de renverser les rapports de force et d’imposer leur agenda », analyse-t-il, mettant en garde contre une poursuite de l’offensive en l’absence de négociations directes rapides, ce qui accroîtrait la pression sur Kinshasa.

De son côté, le gouvernement congolais accuse le Rwanda de soutenir le M23 afin de saboter les initiatives diplomatiques en cours sous l’égide des États-Unis, du Qatar et de l’Union africaine. « La situation à Uvira marque un tournant grave : il s’agit d’un choix délibéré du président Kagame de tourner le dos aux accords de Washington moins d’une semaine après leur signature, sapant ainsi de manière intentionnelle les efforts consentis par le président Donald Trump pour ramener la paix », peut-on lire dans un document officiel rendu public le 10 décembre, jour de l’occupation de la ville par les rebelles soutenus par l’armée rwandaise.

Dans un communiqué, Kigali a, à son tour, condamné les armées congolaise et burundaise qui, selon lui, avec leurs soutiens, « bombardent systématiquement des villages civils proches de la frontière rwandaise, à l’aide d’avions de chasse et de drones d’attaque, ce que l’AFC/M23 affirme être contraint de contrer ».

Pour Bob Kabamba, Kigali comme Kinshasa adoptent désormais des « postures de légitimation » visant à se présenter comme victimes sur la scène internationale. « Ce qui arrive est classique en stratégie de négociation : chacun rejette la responsabilité sur l’autre pour gagner un avantage diplomatique. »

Dans ce contexte explosif, le Burundi a fermé sa frontière avec la RDC après l’entrée du M23 à Uvira, ville stratégique aux portes de Bujumbura. Quelques jours plus tard, le ministère burundais des Affaires étrangères dénonçait des attaques au sol et « l’attitude belliqueuse » de Kigali. La chute d’Uvira donne ainsi une dimension pleinement régionale à la crise, transformant un conflit local en menace directe pour l’équilibre des Grands Lacs. Source : Le Point Afrique

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