L’ex avocat Me Robert Bourgi s’est à nouveau confié à la rédaction de «DakarTimes ». Il est revenu sur la situation politique au Sénégal marquée par l’appel au dialogue et le procès de Ousmane Sonko accusé de viol.
Comment appréciez-vous la polémique entre Ousmane Sonko et Barthélémy Dias ?
Robert BOURGI : Ce n’est pas une polémique. C’est une chose qui existe dans tous les pays. Je vais vous parler de l’exemple français. Rappelez-vous les querelles d’égos entre Giscard, Chirac, Raymond Barre. Ensuite entre Jacques Chirac et Sarkozy. Puis, entre Sarkozy, Fillon, Juppé. C’est quelque chose qui est liée à la nature humaine. Ce sont des égos. Tant que vous êtes un leader d’opinion, vous acceptez difficilement que le voisin, fut-il au sein de l’opposition, apparemment unie, puisse empiéter sur votre personnalité. Moi, je ne suis pas étonné, lorsque, vous appelez de polémique entre Ousmane Sonko et Barthélémy Dias. Cela ne m’étonne pas. S’il y avait dans la course, Khalifa Sall, Karim Wade, Ousmane Sonko, vous observerez la même polémique. C’est juste une querelle d’égos à chacun la volonté, la prétention d’avoir la première place.
Croyez-vous que le dialogue défendu par le Maire de Dakar est une bonne chose ?
Robert BOURGI : Il est évident que pour ce qui est du dialogue, je me place du côté du Maire de Dakar. Oui l’appel au dialogue doit être suivi et doit être entendu par tous les leaders de l’opposition, par tous les chefs politiques au Sénégal. Le président Macky Sall appelle au dialogue. Dans un jeu démocratique naturel, normal, politique, on répond oui. Le dialogue est la base du consensus national.
Une partie de l’opposition significative boycotte le dialogue. Quel est votre avis ?
Robert BOURGI : Le boycott du dialogue par une fraction de l’opposition est par essence même antidémocratique. Je trouve que toute l’opposition devrait accepter le dialogue proposé par le président Macky Sall même si les positions sont différentes. Rappelez-vous ce que disait Montesquieu «Du choc des idées naitra la vérité ». Il faut dialoguer. Il faut s’assoir autour d’une table et discuter. Mais le président Senghor le disait avec l’arbre à palabre. On s’assoie, on discute. Oui il faut un dialogue. Oui toute l’opposition se montrerait responsable en acceptant le dialogue. Il faut se parler entre frères, nous sommes en Afrique. Certes, il y a un pouvoir exécutif, oui il y a des opposants mais rien n’empêche le dialogue. Le dialogue c’est dans l’intérêt du peuple, du pays, d’aller en avant. C’est un accélérateur de la démocratie.
Il y a une tension dans le pays avec le procès Adji Sarr et Ousmane Sonko. Le leader de Pastef refuse de faire face à son accusatrice. Comment vous appréciez sa ligne de défense ?
Robert BOURGI : Je suis un ancien avocat, j’ai quitté le barreau. On n’a pas à interférer dans la marche de la justice. Les magistrats sont par essence indépendant partout dans le monde. Mais, la ligne de défense d’Ousmane Sonko laisse à désirer. Ce refus de se soumettre au test ADN, n’est pas habile. C’est mon point de vue. Si Ousmane Sonko veut faire taire tous ceux dont on accuse à tort ou à raison, il doit dire : «mais voilà, messieurs je me présente, je suis Ousmane Sonko. Vous auriez relevé des traces de sperme et autres. Je fais le test ADN». Un point c’est tout. Deuxièmement, prôner la désobéissance civique n’est pas une bonne chose. C’est par essence antidémocratique. C’est fouler aux pieds des règles de la démocratie, les plus élémentaires. Je suis contre la désobéissance civile. Aller contre les institutions, insulter les institutions, diffamer, ce ne sont pas de bonnes choses. Cela n’honore pas ceux qui le prônent. Il faut au contraire défendre la marche des institutions.
Croyez-vous que la force publique doit être utilisée pour le forcer à comparaitre ?
Utiliser la force publique pour aller contre la violence, contre le pillage. Mais à quoi servent les forces de l’ordre ? Quel est le pays où la force publique n’est pas utilisée pour établir l’ordre ? Regardez en France au moment des gilets jaunes, les forces de l’ordre sont intervenues parfois avec violence et même dernièrement contre le régime des retraites. Je ne vois pas pourquoi au Sénégal, on n’utiliserait pas les forces publiques. C’est quelque chose de tout à fait normal et légal. Oui à l’ordre. Rappelez-vous du Général De Gaulle en mai 1968 « oui à la réforme, non à la chienlit ». Et il a fait intervenir de manière extrêmement violente mais on n’a jamais constaté un seul décès. Mais la force publique, elle est mieux entrainée.
Khalifa Sall a manqué 03 élections depuis 2019. Jugez-vous pertinente la démarche de Barthélémy Dias qui se bat pour qu’il retrouve éligibilité ?
Vous me parlez d’éligibilité de Khalifa Sall mais pourquoi pas de Karim Wade ? Dans le domaine de l’histoire que nous vivons actuellement, Khalifa Sall et Karim Wade retrouveront leur éligibilité. Je ne sais pas quand mais ce serait une bonne chose qu’ils retrouvent leur éligibilité. J’approuve la démarche de Barthélémy Dias qui souhaite et qui déclare qu’il faudrait rendre éligible Khalifa Sall et pourquoi pas Karim Wade. Les événements des prochains mois nous le diront. Je ne suis pas dans les secrets des dieux mais j’approuve les propos de Dias.
Certains députés français et la presse française parle de démocratie sénégalaise menacée dans l’affaire Ousmane Sonko. Est-ce votre avis ?
J’entends des députés français qui critiquent le président Macky Sall, et le pouvoir exécutif sénégalais qu’ils accusent de violer la démocratie à travers la personne d’Ousmane Sonko. Mais dites-moi, il y a un pouvoir législatif au Sénégal, il y a le droit sénégalais, il y a des règlements sénégalais. C’est un pays indépendant. Je ne vois pas en quoi à travers Ousmane Sonko la démocratie sénégalaise serait menacée. Ousmane Sonko, j’ai dit les qualités qui lui sont propres, l’intelligence, le charisme. Mais, au-dessus de chaque citoyen au Sénégal, il y a des lois, le droit. Il faut respecter le droit. Ousmane Sonko a été condamné à six mois de prison avec sursis dans une affaire qui l’opposait à un ministre du gouvernement de Macky Sall. Il a enfreint les lois du pays. Il y a aussi le procès d’Adja Sarr. Vous avez oublié l’affaire Trump. L’ancien président des Etats-Unis a été conduit dans un commissariat de New-York. La justice est indépendante. Il faut attendre que les magistrats disent le droit. On ne peut pas dire à l’avance ce qui serait la sanction. J’ai entendu Mélenchon être dur contre Macky Sall. Le même disait qu’à Cuba tout baignait dans l’huile, au Venezuela aussi. Il ferait mieux de s’intéresser à ces régimes dictatoriaux de l’Amérique centrale et du sud, qu’il défend. Je ne vois pas en quoi Macky Sall est un dictateur. Vous troublez pour violer les règles et les lois. C’est un justiciable comme les autres. La démocratie sénégalaise n’est pas piétinée par Macky Sall bien au contraire. Vous êtes soupçonnés d’avoir commis un viol, vous êtes un justiciable comme un autre, vous vous présentez devant les institutions judiciaires. Et la contrainte par corps n’existe pas seulement au Sénégal mais aussi en France. Vous êtes tenus à vous présenter. Je ne vois pas pourquoi Ousmane Sonko serait une exception ?
Comment vous appréciez les agissements de l’avocat français de Sonko, monsieur Branco qui s’attaque aux autorités sénégalaises ?
C’est un garçon qui a du talent, qui beaucoup de qualités. Mais Me Branco aime bien semer la pagaille. Je crois qu’il menace Cyril Hanouna, l’animateur télé français extrêmement agréable. Il menace de sortir un livre sur ses émoluments, sur sa manière de vivre, sur sa vie privée. Franchement, c’est grotesque. Ce que pourrait dire Me Branco de la démocratie sénégalaise ou de la vie politique sénégalaise, c’est du grotesque. Il ne faut pas du tout accorder d’importance aux déclarations de cet avocat, qui est talentueux, mais quelques fois il se mêle des choses qui ne le regardent pas, qu’il ignore complètement. Mais il aime semer le trouble, le désordre verbal. Mais je lui reconnais du talent pour amuser la galerie c’est tout. Mais c’est sans importance pour la marche du Sénégal.
Comment appréciez-vous les demandes de garantis d’Ousmane Sonko avant de se présenter au tribunal ?
Concernant l’attitude d’Ousmane Sonko face à la justice de son pays, je me suis amené à dire qu’on ne peut pas créer une justice propre à juger Ousmane Sonko. La justice est la même pour tous. Je ne vois pas ce qui autorise à Ousmane Sonko à demander des garantis pour se présenter au tribunal. Je n’ai jamais entendu cela dans quelques pays que ce soit. C’est un citoyen comme un autre. Il est opposé dans une affaire contre Adji Sarr. Il est normal qu’il se présente au tribunal pour y être confronté à celle qui l’accuse à tort ou à raison. Mais qu’il se présente. Ce n’est pas Adji Sarr et ses avocats qui vont prononcer le jugement. Ce sont les magistrats totalement indépendants qui vont amener à le juger. Quelle garantie doit-il avoir ? Mais c’est sortir du droit commun. Il ne peut pas avoir de justice pour 15 millions de sénégalais et une justice pour Ousmane Sonko. Au nom de quoi ? C’est facile de crier au complot. Il n’y a pas de complot. On le convoque pour le juger et il sera jugé selon le droit comme tout justiciable. Il y a des procédures à respecter quand on passe dans la chambre criminelle on se constitue prisonnier la veille. C’est une règle de droit que l’on retrouve dans pratiquement tous les pays. Franchement, il faut arrêter. Si Ousmane Sonko se présentait de lui-même au tribunal, il ferait preuve de responsabilité. Il aspire depuis quelques années à exercer la magistrature suprême mais qu’il montre l’exemple en respectant le droit.