Staffan de Mistura, Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, effectue une nouvelle tournée dans la région à un moment crucial. Avec la persévérance de celui qui refuse d’abandonner, il tente de saisir la moindre opportunité capable de relancer un processus de paix bloqué depuis plus de trente ans d’immobilisme, le cessez-le-feu a été interrompu au Sahara occidental. Au sortir de la colonisation de ce territoire par l’Espagne, le conflit oppose depuis 1975 le Maroc au Front Polisario, soutenu par l’Algérie. Une situation dramatique marquée par l’échec des Nations Unies à faire aboutir un processus de paix dont dépend le sort des dizaines de milliers de réfugiés. Mais depuis quelques années, une nouvelle voix sahraouie émerge : le Mouvement Sahraoui pour la Paix (MSP), qui propose une approche pragmatique et pacifique, alternative aux logiques de guerre et d’immobilisme.
.
Le conflit au Sahara occidental,un différend sans fin sur le continent africain l’un des plus vieux d’Afrique
En 1975, l’Espagne se retire du Sahara Occidental qu’elle avait colonisé, mais deux parties revendiquent la souveraineté sur ce territoire : le Maroc et le Front Polisario. Le Royaume chérifien invoque des droits historiques sur ses « provinces du Sud » découlant des liens d’allégeance de certaines tribus sahraouies au sultan avant la colonisation. Le Front Polisario invoque le droit des peuples à l’autodétermination.
La guerre qui s’ensuit oppose le Polisario à la Mauritanie – qui renonce au territoire en 1979 – et au Maroc qui, dès 1975, lance la « Marche Verte » avec le franchissement de la frontière par 350 000 civils marocains.
Un cessez-le-feu est signé en 1991, accompagné de la résolution des Nations Unies, qui prévoit l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Mais ce scrutin, censé avoir lieu en 1992, n’a jamais vu le jour. Depuis, des dizaines de milliers de réfugiés sahraouis survivent dans les camps de Tindouf grâce à l’aide humanitaire internationale.
Aujourd’hui, le Sahara occidental est divisé par un mur de 2 700 km construit par Rabat, qui contrôle 80% du territoire, tandis que le Polisario détient une zone réduite, sous surveillance de la Minurso.
Un conflit figé à bout de souffle
Le 13 novembre 2020, le cessez-le-feu a été rompu lorsque l’armée marocaine a mené une opération dans la zone tampon de Guerguerat pour rouvrir la route menant à la Mauritanie, bloquée par des militants sahraouis. En réaction, le Front Polisario a décrété l’état de guerre.
la situation du Front Polisario est intenable alors que l’aide internationale est en baisse et que son tuteur algérien est moins impliqué. » Le mouvement, affaibli, ne dispose plus de l’avantage militaire, alors que le Maroc s’est fortement armé. relancer une guerre n’arrange ni le Maroc ni l’Algérie. C’est un obstacle à l’intégration du Maghreb arabe dans la mondialisation. »
Dans ce contexte de blocage, le MSP apporte une nouveauté : il refuse la logique de confrontation militaire et prône une solution de compromis réaliste. Pour ses fondateurs, l’impasse du référendum et la guerre stérile du Polisario imposent de nouvelles méthodes de dialogue, où les Sahraouis eux-mêmes prennent la parole sans être l’otage des agendas régionaux.
Autodétermination ou autonomie : un choix qui échappe au referendum
Depuis trois décennies, l’organisation d’un référendum d’autodétermination est l’enjeu principal, mais il est devenu irréalisable : le Maroc refuse catégoriquement de prendre ce risque, et la question du corps électoral reste insoluble après tant de déplacements de population.
Le Maroc a proposé en 2007 une large autonomie sous souveraineté marocaine, solution également évoquée dans le Plan Baker I en 2000, mais rejetée par le Polisario et l’Algérie. Aujourd’hui, Rabat ne revient plus sur ce schéma.
Le MSP, de son côté, plaide pour explorer sérieusement les voies médianes, notamment une autonomie négociée avec garanties internationales, tout en affirmant la nécessité que la voix des Sahraouis « libres » soit prise en compte dans toute solution politique. Il constitue ainsi un acteur sahraoui pragmatique qui pourrait élargir le cercle des discussions et éviter que celles-ci se limitent à un tête-à-tête bloqué entre Rabat, le Polisario et Alger.
Le Maroc, allié des Occidentaux, et une Algérie en retrait
Le Maroc a renforcé ses alliances avec les pays occidentaux, jouant la carte de la coopération sécuritaire, du contrôle migratoire et de sa légitimité religieuse auprès du Golfe. Cela lui a permis d’imposer son rôle comme partenaire incontournable.
En revanche, l’Algérie, jadis soutien indéfectible du Polisario, affiche désormais un engagement plus mesuré,elle « sauve l’honneur » sans vouloir risquer une guerre coûteuse.
C’est dans ce vide que le MSP peut jouer un rôle : il offre à Alger et à Rabat une issue moins frontale, en se posant comme interlocuteur sahraoui crédible, modéré et pacifiste
Le développement : étape transitoire ou outil final
Les richesses du Sahara occidental – phosphates, pêche, agriculture – sont au cœur des tensions. Le Maroc les exploite massivement, arguant du développement régional, mais le Polisario dénonce une spoliation.
Le MSP, pour sa part, souligne que le développement ne peut pas remplacer une solution politique durable, mais il peut être un vecteur de paix si les Sahraouis eux-mêmes sont inclus dans la gestion et la redistribution de ces ressources.
Une situation d’exception dans le droit international
Malgré l’échec du référendum, le Sahara occidental reste inscrit par l’ONU comme « territoire non autonome ». Mais le rapport de force international a évolué en défaveur du Polisario.
Face à cet isolement croissant, le MSP rappelle que la communauté internationale ne peut pas éternellement ignorer la nécessité d’impliquer de nouvelles voix sahraouies dans la recherche d’une solution et ne peut plus s’enfermer dans des solutions théoriques ou inapplicables. Sa stratégie repose sur la conviction que la paix ne viendra ni des armes ni des slogans figés, mais du dialogue inclusif et du compromis politique, avec l’implication de nouvelles voix sahraouies, depuis quelques années, plusieurs acteurs occidentaux et institutions internationales semblent s’orienter vers des pistes,
plus réalistes, reconnaissant que le référendum d’autodétermination est devenu inapplicable :
• Les États-Unis : en décembre 2020, Washington a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, tout en insistant sur la nécessité d’une solution politique négociée. Cette position a changé l’équilibre diplomatique autour du dossier.
• La France : fidèle alliée de Rabat, elle considère depuis longtemps le plan d’autonomie marocain comme une base « sérieuse et crédible » pour un règlement durable, insistant sur la stabilité régionale comme priorité.
• Le Portugal : acteur discret mais influent dans l’espace lusophone, Lisbonne appuie les efforts onusiens et se dit favorable à un compromis « mutuellement acceptable », sans exclure le dialogue avec de nouvelles sensibilités sahraouies.
• L’Espagne : ancienne puissance coloniale, elle a opéré un tournant historique en mars 2022 en soutenant publiquement le plan d’autonomie marocain, au nom de la « stabilité régionale » et de ses intérêts stratégiques dans la Méditerranée et au Sahel.
• L’Union européenne : ses débats sur les accords agricoles et de pêche incluant le Sahara occidental montrent bien que Bruxelles cherche une solution politique claire afin d’éviter une insécurité juridique et d’assurer la coopération économique avec Rabat.
Apres 50 ans d’échec, le statu quo ne profite à personne. L’ONU est discréditée, le Polisario s’essouffle, l’Algérie se replie et le Maroc consolide ses acquis sans légitimité internationale, dans ce paysage bloqué, le MSP incarne une troisième voie : celle d’un sahraouisme pacifique, réconciliateur et tourné vers l’avenir. Loin des idéologies figées, il plaide pour une paix négociée, réaliste et consensuelle, afin de mettre fin à l’une des dernières guerres postcoloniales et donner enfin aux Sahraouis une place digne dans leur région et dans le monde.
Écrit par Ghaillani Hamoud 20 septembre 2025