avril 2, 2025
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Sécurité

Suivi des livraisons d’armes à l’Ukraine depuis janvier 2022

Créée en mars 2021 par décision du Conseil, la Facilité européenne pour la paix (FEP) est un instrument extrabudgétaire visant à financer les activités militaires de caractère opérationnel que l’UE compte assumer « soit directement, soit indirectement, en soutenant l’action et les capacités de ses partenaires » . Elle prévoyait, à la base, une enveloppe financière de 5,692 milliards EUR pour la période 2021-2027. Toutefois, le 12 décembre 2022, le Conseil a décidé d’augmenter le plafond financier global de 2 milliards EUR en 2023, avec la possibilité d’une nouvelle augmentation à un stade ultérieur. En ce qui concerne l’assistance militaire, la FEP ne confère pas à l’UE la compétence d’octroyer elle-même des licences d’exportation d’armes et matériel militaire. Cette décision reste tributaire des États membres. Toutefois, la FEP peut financer des transferts de ce type de biens qui devront être réalisés par les États membres en respectant leur législation nationale ainsi que les règles de contrôle et transparence établies par l’UE. En octobre 2022, l’UE a annoncé l’augmentation du budget de la FEP consacré au soutien de l’Ukraine à 3,1 milliards EUR . La formule originale du système de remboursement via la FEP est basée sur le principe du « partage forfaitaire », ce qui signifie que tous les États membres doivent recevoir le même pourcentage de la valeur réclamée pour les livraisons effectuées au cours d’une période donnée . Cependant, selon les estimations, la valeur des livraisons des équipements militaires des pays de l’UE entre janvier et novembre 2022 est déjà trois fois supérieure à ce chiffre. Avec l’augmentation de la demande, le taux de remboursement est passé de 85 % au départ à environ 46 % des demandes . La manière dont l’UE répartira à l’avenir les fonds liés à la FEP entre les pays concernés et les critères qu’elle suivra pour ce faire reste à clarifier.

LES LIVRAISONS DES PAYS MEMBRES DE L’OTAN HORS UE ET AUTRES PAYS

Sur la période étudiée, douze autres pays ont réalisé des livraisons de matériel militaire d’une valeur estimée à 23,5 milliards USD vers les forces armées ukrainiennes. Il s’agit d’États membres de l’OTAN hors UE comme le Canada, les États-Unis, la Macédoine du Nord, la Norvège, le Royaume-Uni et la Turquie, ainsi que d’autres pays tiers tels que l’Australie, la Bosnie, Israël, la Jordanie, le Pakistan ou Taiwan. Parmi ces pays, ce sont les États-Unis qui ont le plus communiqué sur leurs livraisons d’armes et matériel militaire à l’Ukraine. Avec une valeur totale de 18,1 milliards USD, ils sont le principal exportateur d’armes vers l’Ukraine dans le cadre de la guerre contre la Russie (graphique 2). Il importe de relever que les États-Unis avaient déjà accéléré les livraisons d’armes à l’Ukraine avant l’éclatement du conflit ; les autorités américaines étant convaincues des intentions belliqueuses de la Russie bien avant le 24 février 2022.

Dans la hiérarchie des fournisseurs d’armes à l’Ukraine, les États-Unis sont suivis de loin par le Royaume-Uni et le Canada, avec des valeurs de livraisons estimées respectivement à 3,5 pour le premier et 1,2 milliard USD pour le second (graphique 2). La Turquie, qui joue par ailleurs un rôle notable dans les négociations de paix entre l’Ukraine et la Russie, est quatrième de ce classement. Parmi le matériel envoyé par la Turquie, on trouve plusieurs drones BayraktarTB2 qui, selon la version officielle, ont été livrés grâce à des dons privés. La Russie s’est déjà plainte auprès de la Turquie au sujet de ces envois, ce à quoi les autorités turques auraient répondu qu’ils proviennent d’une société privée et « n’étaient pas des transactions d’État à État ». Il convient néanmoins de préciser que, même s’il s’agit de livraisons financées via des dons privés, une licence octroyée par les autorités du pays est nécessaire pour leur exportation vers l’Ukraine.

Selon les estimations, les États membres de l’OTAN hors UE et autres pays tiers ont principalement envoyé :

· ML1 (armes à canon lisse d’un calibre inférieur à 20 mm, autres armes et armes automatiques d’un calibre inférieur ou égal à 12,7 mm [calibre 0,50 pouce] et accessoires et leurs composants spécialement conçus). Plus concrètement, des munitions de petit calibre, des charges explosives, des fusils et mitrailleuses et des lance-roquettes,

· ML2 (armes à canon lisse d’un calibre égal ou supérieur à 20 mm, autres armes ou armements d’un calibre supérieur à 12,7 mm [calibre 0,50 pouce], lance-projectiles spécialement conçus ou modifiés pour l’usage militaire et accessoires et leurs composants spécialement conçus),

· ML3 (munitions et dispositifs de réglage de fusées et leurs composants spécialement conçus) et

· ML4 (bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosives et matériel et accessoires connexes et leurs composants spécialement conçus). Parmi les armes les plus envoyées par ce groupe de pays se trouvent d’abord les ML3, suivies des ML4, des ML2 et ensuite les ML1. L’analyse de ces données confirme les observations déjà formulées pour les États membres de l’UE.

Encore une fois, il convient d’insister sur le fait que les classements de ce travail se fondent sur des annonces officielles. Une connaissance plus pointue de la valeur commerciale réelle des équipements et du caractère effectif ou non de certaines livraisons occasionnerait vraisemblablement des mouvements dans la hiérarchie proposée ici. Parmi les 30 pays membres de l’OTAN, 27 ont participé aux livraisons d’armes et matériel militaire à l’Ukraine entre le 1er janvier et le 30 novembre 2022. Il s’agit de l’Albanie, de l’Allemagne, de la Belgique, de la Bulgarie, du Canada, de la Croatie, du Danemark, de l’Espagne, de l’Estonie, des ÉtatsUnis, de la France, de la Grèce, de l’Italie, de la Lettonie, de la Lituanie, du Luxembourg, de la Macédoine du Nord, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Pologne, du Portugal, de République tchèque, de la Roumanie, du Royaume-Uni, de Slovaquie, de la Slovénie et de la Turquie. D’après les estimations, ces pays ont contribué à 32,3 milliards USD sur les 33,2 milliards USD des livraisons globales. Les États-Unis restent le pays qui a fourni le plus d’équipements militaires livrés à l’Ukraine. Il est suivi de loin par l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Pologne (graphique 3).

En date du 30 novembre 2022, le Monténégro, l’Islande et la Hongrie, bien que des membres de l’OTAN, n’ont pas envoyé d’armes à l’Ukraine. L’absence d’armée islandaise et les capacités militaires limitées du Monténégro ne leur permettent pas d’exporter des armes vers d’autres pays. Dans le cas hongrois, le Premier ministre, Viktor Orbán, a annoncé au début du conflit que son pays n’enverrait pas d’armes en Ukraine. Il a autorisé le transfert d’équipements militaires et d’armes vers d’autres États membres de l’OTAN pour les forces armées ukrainiennes via la Hongrie, mais pas leur transfert direct vers ce pays.

Il affirme qu’envoyer des armes en Ukraine fait des pays européens et de l’OTAN une partie au conflit et donc des cibles potentielles. Le Premier ministre hongrois ne soutient pas non plus les sanctions économiques établies par les institutions européennes contre la Russie16. Bien qu’il  ait initialement soutenu la première série de sanctions, il s’y oppose désormais, affirmant qu’elles ont et auront un impact économique très négatif sur l’économie de son pays. Les observations relatives aux catégories d’armes livrées par les pays membres de l’OTAN rejoignent celles indiquées dans les sections précédentes.

LES PRINCIPALES TENDANCES À SURVEILLER

Les chiffres mobilisés par les États membres concernant les livraisons d’armes à l’Ukraine doivent être considérés avec prudence, car ils ne sont pas intégralement vérifiables en l’absence notamment de la connaissance de valeur unitaire de chaque bien exporté. Il faut noter aussi que, dans la plupart de cas, les informations disponibles au sujet de ces livraisons portent sur des annonces réalisées par les autorités des États membres. Au cours de la période étudiée, il existe moins de données sur leur réception, leur utilisation ou leur observation sur le terrain. D’ici la fin du premier semestre 2023, la publication des rapports annuels sur les exportations d’armes et de matériel militaire, que ce soit dans le cadre du Traité sur le commerce des armes (TCA), de l’UE ou au niveau national, pourrait fournir davantage d’informations sur les livraisons réalisées dans le cadre de la guerre en Ukraine. Il sera alors peut-être possible de confirmer, d’infirmer ou d’affiner les tendances observées et analysées dans cette fiche d’information. Toutefois, il faudra là encore se satisfaire du degré de transparence consenti par les États exportateurs d’armements. Si le conflit entre l’Ukraine et la Russie se poursuit, les forces armées ukrainiennes et les pays qui leur fournissent des armes seront confrontés à des défis importants.

Après des mois d’engagement, une partie de l’équipement utilisé par les forces ukrainiennes devrait montrer des signes d’usure. Afin de garantir leur maintien en condition opérationnelle, des travaux d’entretien et de remplacement de pièces essentielles seront ainsi nécessaires. Le défi consiste ici à être en mesure d’accomplir ces tâches probablement à partir de l’étranger, sans nuire à la situation sur la ligne de front et alors que les infrastructures de l’Ukraine sont prises pour cible, notamment les infrastructures électriques. La pression sur les pays soutenant l’Ukraine n’en sera que plus forte. Elle imposera des choix délicats dans un contexte où les livraisons d’armes à l’Ukraine ont réduit les stocks des pays exportateurs à des niveaux parfois jugés critiques.

La capacité des pays fournisseurs de continuer à livrer des armes à l’Ukraine au rythme actuel et à dans le même temps reconstituer leurs stocks nationaux posera des défis industriels et budgétaires dont il n’est pas garanti qu’ils puissent tous être relevés. Les chaînes d’approvisionnement des producteurs d’armes des principaux États soutenant l’Ukraine ne sont actuellement pas dimensionnées pour un double réapprovisionnement rapide. Début décembre 2022, Kiev a bien annoncé entreprendre la reconstruction de son industrie militaire. Néanmoins, s’agissant d’un pays en plein conflit, les capacités réelles des autorités à mener à bien ce projet ne peuvent être que limitées. Il n’est pas envisageable de remédier aux défis logistiques et industriels posés à partir du territoire ukrainien ne serait-ce que pour des questions de maîtrise du spectre des compétences requises pour maintenir les équipements made in NATO en condition.

Un autre défi auquel il convient de prêter la plus grande attention réside dans le risque à plus ou moins long terme de détournement des armes livrées à l’Ukraine19. Il est à craindre que les conditions dans lesquelles ont eu lieu les livraisons massives et rapides d’armes à l’Ukraine n’aient pas permis d’anticiper de manière adéquate les risques de détournement d’armes. Certains pays comme les ÉtatsUnis ou des organisations régionales comme l’UE commencent tout juste à prendre des mesures pour mitiger les risques inhérents à l’envoi d’une telle quantité et d’une telle variété d’armes dans un pays en guerre, déjà caractérisé en temps de paix par un fort taux de corruption et des pratiques douteuses en matière de trafic d’armes20. La prise de conscience est tardive et il reste à voir dans quelle mesure les dispositions projetées seront efficaces pour atténuer les risques que ces armes se retrouvent dans de mauvaises mains. SOURCE : GRIP

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