Construire des ponts de réflexion et d’action synergiques indispensables face à l’évolution continue du terrorisme en Afrique de l’Ouest. C’est dans cette optique que s’est inscrite la visite de travail de l’Académie Internationale de Lutte contre le Terrorisme (AILCT) au Timbuktu Institute – African For Peace Studies, le lundi 17 mars. Les deux institutions ont convenu de l’urgence d’un accroissement de la coopération sécuritaire à l’échelle de l’ensemble des pays du Sahel et du Golfe de Guinée.
Il est désormais peu de dire qu’en Afrique subsaharienne, l’enjeu du terrorisme est plus que jamais, de nature manifestement régionale. Les continuums historique, géographique et socio-culturel dans lesquelles se meuvent les pays de la zone ont fini d’étaler à une échelle régionale, une problématique qui semblait autrefois apparaître comme géographiquement circonscrite. Suite à l’effet catalyseur de l’intervention de l’OTAN en Libye en 2011, la désintégration sécuritaire progressive de l’espace sahélien ne pouvait au fond qu’essaimer dans le Golfe de Guinée, au sein des pays côtiers (Bénin, Côte d’Ivoire, Togo, Ghana, etc).
Ainsi déclenché un processus de « sahélisation du Golfe de Guinée », selon la formulation de Dr Lassana Diarra, directeur de l’AILCT. D’après lui, la compréhension et la lutte contre le terrorisme appellent une prise en compte de deux axes clés qu’il nomme « les facteurs rationnels et les facteurs irrationnels. » Par facteurs rationnels poursuit-il, « il faut entendre les causes liées aux vulnérabilités socio-économiques en présence et lorsqu’on parle de facteurs irrationnels, c’est pour englober les éléments constitutifs de l’idéologie même qui pousse à l’acte violent. » De même, les conjonctures politico-sécuritaires en Afrique de l’Ouest font apparaître selon lui, deux défis parmi les plus urgents. En sus de la régionalisation de la menace djihadiste, il existe dorénavant « des inquiétants faits et situations de discorde entre les Etats eux-mêmes, ce qui fragilise voire obstrue les perspectives de coopération sécuritaire », regrette Dr Lassana Diarra.
Fidèle à son ambition de forger une communauté et une culture basée par une synergie effective entre la recherche stratégique, les politiques publiques et les forces de sécurité, le directeur de l’AICLT a réitéré la vocation de l’académie à servir de rampe pour la construction de solutions adéquates. « Lorsqu’on observe la complexité et l’évolution de la menace, l’état de la sous-région est effectivement inquiétant. Toutefois, le risque serait de céder au défaitisme. C’est la raison pour laquelle nous sommes optimistes car nous avons confiance en ce que nous faisons et nous sommes engagés et décidés à faire face à cette crise multiforme », explique Dr. Diarra.
Résoudre le « conflit » de perceptions
Dans la crise sahélienne, il existe « un conflit de perceptions du conflit entre les approches internationales et les perceptions locales », rappelle Dr Bakary Sambe. C’est en conscience de ce nœud d’importance considérable que le Timbuktu Institute privilégie entre autres, une approche par le bas, en l’occurrence par le biais de l’écoute des populations locales. Selon le directeur régional du Timbuktu Institute, face à la contagion djihadiste sur les pays côtiers, il apparaît impérieux de s’inspirer avec perspicacité, des erreurs sahéliennes. « La Côte d’Ivoire et le Sénégal se trouvent dans la typologie de pays qui sont certes au cœur des dynamiques en Afrique de l’Ouest mais qui disposent encore d’une certaine marge de manouvre pour développer une approche préventive et prospective par rapport à ce mal qui n’ épargne plus aucun pays de la sous-région », observe-t-il.
Dans cette perspective, la coopération se présente comme une « nécessité absolue », affirme Dr Sambe. « Quelles que soient les crises diplomatiques entre pays, il est capital de prendre la mesure du fait que nous vivons dans une époque où nous sommes tous liés par des impératifs de sécurité collective. Le terrorisme, a fait de nous des pays qui avons désormais la vulnérabilité en partage face à un mal global », analyse-t-il. De fait, mieux développer les synergies le monde de la recherche et le monde de la décision, s’avère indispensable. « Que l’on puisse échanger sur les pistes de solutions et le développement de la recherche stratégique sur un phénomène aussi complexe avec un institution leader comme AICLT, c’est démarche constructive tout aussi salutaire qu’appréciée », estime Dr Sambe.
Somme toute, cette visite marque le début du renforcement de la coopération entre le Timbuktu Institute et l’AICLT. Ce cheminement concerne des perspectives de projets conjoints en matière de formation, de recherche stratégique, d’analyses de menaces, des actions de haute visibilité de l’AICLT, ainsi que des formulations de recommandations adaptées aux réalités locales.