juin 25, 2025
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Economie

Transformer l’agriculture pour transformer le Sénégal !

Au moment où ces lignes sont rédigées, nous nous acheminons vers la clôture de la vingt-cinquième édition de la Foire Internationale de l’Agriculture et des Ressources Animales (FIARA) dont le thème est “Souveraineté Alimentaire : Enjeux – Défis – Perspectives”. L’occasion opportune pour la valorisation des produits d’origine agricole et d’élevage mais aussi de promotion du consommer local. La thématique est arrimée à la prise en main par les nouvelles autorités de sa souveraineté.

De prime abord, tout le monde s’accorde que pour atteindre la souveraineté alimentaire sous toutes ses dimensions, il ne s’agit pas de copier des modèles étrangers, mais de co-construire un avenir agricole sénégalais, ancré dans les réalités locales, les savoirs traditionnels et les ambitions d’un pays jeune, dynamique et résilient. Il nous (africains) revient désormais de penser par nous-mêmes et pour nous-mêmes afin que l’Afrique ne soit plus de consommateurs de concepts pensés ailleurs ne prenant pas en compte nos réalités et nos objectifs de développement socio-économiques.

Surtout que les chocs multiples et persistants qui ont surgi ces dernières années ont entravé le processus de transformation de nos systèmes alimentaires dans leur globalité.

En effet, notre agriculture fera face à trois grands défis interconnectés d’ici 2050 : 1) assurer une alimentation suffisante, saine, diversifiée, nutritive et accessible à tous les membres d’une population qui doublera d’ici trente ans ; 2) fournir un travail décent et un revenu attractifs aux jeunes générations alors qu’elles se retrouvent aujourd’hui souvent sans emploi, et 3) ne pas dégrader les écosystèmes (sols, eaux, biodiversité), adapter l’agriculture au changement climatique et contribuer à le mitiger pour ne pas mettre en danger les capacités productives et la sécurité alimentaire du pays à long terme. D’autant plus qu’il n’y a aucun doute qu’un pays qui importe ce qu’il consomme ne peut être souverain !

Or l’agriculture représente le secteur clé pour l’emploi et la croissance et dispose d’un potentiel immense. Comment traduire cette potentialité en opportunités ?

Les réponses à cette question sont aussi nombreuses que divergentes. Pour notre part, face à la multitude des causalités, notre appel à l’action s’articule autour des convictions fortes comme leviers structurants, entre autres :

  1. L’innovation comme levier de transformation: La recherche, l’énergie, l’eau, les fertilisants et le matériel génétique (végétal et animal) constituent les premiers intrants du développement agricole. La maitrise du nexus recherche-énergie-intrants et leur financement endogène boostent la productivité agricole avec l’augmentation des revenus des petites exploitations familiales agricoles en inversant du coup l’exode rural (voir l’émigration) et en renforçant la résilience des communautés. A titre d’exemple, la génération d’innovations par la recherche à travers la reconstitution du capital semencier dans une logique de souveraineté et de maîtrise locale des ressources génétiques avec fermeté face aux multinationales ainsi qu’une stratégie de fertilisation de nos terres agricoles permettra de changer durablement la donne. En effet, actuellement, l’intensité d’utilisation des engrais est estimée à 21 kg/ha, certes supérieure à la moyenne en Afrique subsaharienne (9 kg/ha), mais nettement inférieure à la moyenne enregistrée dans les pays de l’Afrique du Nord et de l’Asie (150 kg/ha).
  2. La priorité à l’élément humain par l’investissement dans les femmes et les jeunes en favorisant la création d’emplois. Ceci passe par l’encadrement d’une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs agricoles avec un focus et une stratégie orientée aux petites exploitations familiales agricoles. Sur ce point, l’érection d’un Secrétaire d’Etat aux coopératives agricoles et à l’encadrement paysan est une rupture innovante. De ce fait, la mise en cohérence des pôles économiques avec le portage des coopératives agricoles communautaires par des petits exploitants constituera le soubassement et la clé de la révolution agricole. Ainsi, la transmission intergénérationnelle, la création d’opportunités pour les jeunes et le renforcement de l’attractivité du secteur constituent des enjeux majeurs pour assurer la continuité du développement agricole.
  3. Une agriculture à réinventer: Il ne suffit plus de produire plus. Il faut produire mieux, autrement, en respectant les écosystèmes et les personnes compatibles avec l’engagement de notre pays aux transitions (énergétique, numérique et agroécologiques). Cela implique de soutenir les jeunes agriculteurs, de réformer la politique foncière, de repenser l’accès à l’eau, la mécanisation adaptée, la mise en place d’infrastructures pots-récolte, la digitalisation et l’utilisation de l’intelligence artificielle. En effet, aucun pays ne s’est développé sans un climat des affaires réformé, allégé et transparent. Il est impératif certes de rationaliser les ressources mais surtout d’avoir un Code (ou loi) agricole incitatif, qui garantit des titres fonciers encadrés (sous condition d’un partenariat avec des privés nationaux) à long terme aux investisseurs. Avec la réactualisation de la Loi d’orientation Agrosylvopastorale et halieutique, pour affronter les défis environnementaux, sociaux et géopolitiques, une nouvelle transformation s’impose. L’agriculture régénérative, l’agroécologie, les circuits courts, les innovations durables ne sont pas seulement des réponses techniques. Ce sont des choix de société. Il est urgent de créer un écosystème où l’agriculture est perçue comme une opportunité économique viable, et non comme un dernier recours.
  4. Un engagement collectif: Transformer l’agriculture de notre pays exige l’engagement de tous : État, secteur privé, organisations paysannes, société civile, institutions financières et partenaires internationaux. Il est temps de sortir d’une vision morcelée pour adopter une approche intégrée et cohérente. D’autant plus que l’agriculture n’est pas qu’un secteur économique. Elle est au cœur de la culture, de l’identité, du lien social. Reconnecter les citoyens à leur terre, favoriser une alimentation locale et saine, encourager l’emploi rural et la coopération intercommunautaire : voilà des actes fondateurs d’un nouveau contrat social.

Nous avons raté deux virages depuis nos indépendances : d’une part la rupture douloureuse entre Senghor et Dia et d’autre part à l’échelle continentale la non application du Plan d’action de Lagos pour la décennie 1980-2000 plombé par les Plans d’Ajustement Structurel des institutions de Bretton woods. Ne ratons pas le duo Diomaye-Sonko !

L’engagement déterminé et la volonté affichée de nos nouvelles autorités de prendre le destin de notre pays en main et de manière souveraine sont salutaires. A ce titre, notre appel à l’action repose sur une synergie entre le gouvernement, les collectivités locales, les acteurs de l’innovation et les citoyens à se mobiliser pour faire de l’agriculture un pilier central du renouveau sénégalais afin de traduire en force transformatrice la « Vision Sénégal 2050 ». Car c’est en cultivant nos terres autrement que nous pourrons espérer cultiver une société plus juste, plus forte et plus durable.

Transformer l’agriculture sénégalaise n’est donc pas un choix. C’est une nécessité. Une urgence. Une opportunité !

L’avenir du Sénégal pousse dans ses champs. Il est temps de le cultiver avec intelligence, ambition et justice.

Par : Boubacar DRAME, Membre du Collectif des Cadres du Parti Tabax-Sénégal

Conseiller Technique, Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté Alimentaire et de l’Élevage

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