juillet 14, 2025
LA SOCIÉTÉ "MY MEDIA GROUP " SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU QUOTIDIEN "DAKARTIMES" DERKLE CITE MARINE N° 37. EMAIL: courrierdkt@gmail.com. SITE WEB: www.dakartimes.net.
A la une

Une économique sans une banque 100% sénégalaise

Voilà un problème extrêmement sérieux  qui méritait de mobiliser l’énergie de tous les Sénégalais. Il s’agit d’un dossier qui interpelle tous les décideurs de ce pays. En 2023, le Sénégal va commencer à exploiter ses ressources pétrolières et gazières. Les banques commerciales seront au centre des opérations financières entre l’Etat, les entreprises étrangères et même les opérateurs économiques. Malheureusement, au Sénégal toutes les banques appartiennent à des sociétés étrangères. Les plus +connues sont : la SGBS (France), la CBAO (Maroc), Ecobank (Qatar), BICIS (France) etc. Il urge aujourd’hui,  du côté du Gouvernement, de soutenir les opérateurs économiques sénégalais pour qu’ils puissent créer des banques nationales sénégalaises.

L’espoir suscité par les nombreuses découvertes de pétrole et de gaz au Sénégal risque de s’estomper à cause de l’environnement économique et financier du pays très favorable aux entreprises étrangères. Prenant l’exemple du secteur bancaire, toutes les banques appartiennent à des étrangers qui le contrôlent. Et lorsque les recettes pétrolières et gazières commenceront à être exploitées, les retombées financières seront gérées par les étrangers à travers leurs banques basées au Sénégal. D’où l’urgence aujourd’hui pour l’Etat de créer les conditions pour que les champions sénégalais puissent régner dans le secteur bancaire avec des banques 100% sénégalaises.

LES REVENUS DU PETROLE ET DU GAZ PROFITERONT AUX BANQUES ETRANGERES

Le système bancaire est constitué de banques et de leurs succursales. Au Sénégal,  ce secteur est géré exclusivement par les groupes étrangers. Il n’existe pas au Sénégal, une banque sénégalaise à 100%. Et les banques les plus puissantes financièrement sont françaises, marocaines, qataries etc…Les sénégalais sont marginalisés. Mais le plus étonnant c’est qu’il n’existe aucune politique visant à accompagner les opérateurs économiques sénégalais à créer des banques commerciales capables de concurrencer SGBS, ECOBANK, CBAO etc…

Et pourtant, depuis la découverte de pétrole et de gaz au Sénégal, il est devenu un impératif de patriotisme économique que d’agir dans le sens de créer de grandes banques commerciales avec les sénégalais qui en ont la capacité. Qui parle de banque, parlera forcément d’assurance. Car certains financements sont assurés par les groupes d’assurance. Or dans le secteur de l’assurance aussi, le Maroc s’impose sur le marché sénégalais. Même s’il peine à battre certains opérateurs économiques sénégalais qui sont dans le secteur. Seulement, le Maroc a mis en place un système de protectionnisme pour aider leurs  banques qui ne travaillent qu’avec les entreprises d’assurance marocaines au Sénégal. Et pourtant, au Maroc, le système est tel qu’il est impossible pour un étranger de concurrencer les assureurs marocains. Ce que les étrangers, sur les sénégalais ne peuvent pas faire au Maroc, les banques et assureurs marocains le font au Sénégal du fait de la perméabilité du système sénégalais.

CREER DES BANQUES SENEGALAISES POUR CAPTER LES REVENUS PETROLIERS

La première chose à faire pour les autorités sénégalaises c’est de tout faire pour que les actions de BNP Paribas soient achetées par un champion sénégalais. Ce serait un échec pour le gouvernement actuel, si elles étaient vendues à un étranger.

Ensuite, le Sénégal sera dès 2023, un pays producteur de pétrole et de gaz. Le Projet de loi relatif à la répartition et à l’encadrement de la gestion des recettes issues de l’exploitation des hydrocarbures prévoit la création de plusieurs fonds issus de ces recettes. Mieux encore, de nombreuses entreprises vont s’installer au Sénégal et seront obligés de travailler avec les banques de la place. Si l’Etat n’accompagne pas les champions sénégalais à créer des banques nationales sénégalaises, une manne importante de ces recettes atterriront dans les banques étrangères.  Ce serait une grosse perte pour le Sénégal et les sénégalais, surtout pour les générations futures. Alors, le Gouvernement est dans l’obligation d’aider les opérateurs économiques sénégalais à créer des banques. Déjà, plusieurs entreprises étrangères se sont installées au Sénégal. Elles ont commencé à travailler en haute mer avec les plateformes pétrolières et au port de Dakar. Les Sénégalais ne sont même pas au courant de la présence de ces entreprises étrangères. Et, si rien n’est fait, ce sera pareil dans le secteur bancaire et de l’assurance.

William Davis et David Mihalyi ; dans un rapport intitulé : « Opportunités et défis pour le Sénégal dans le domaine de la production pétrolière et gazière : Enseignements tirés de l’expérience d’autres nouveaux producteurs », il soutient que « Rystad Energy estime les ressources pétrolières du Sénégal à plus d’un milliard de barils. Ces ressources ont été trouvées sur de nombreux champs. Parmi ceux-ci, l’opérateur du développement offshore de Sangomar (Woodside) a estimé que le champ produira 231 millions de barils de pétrole pendant la première phase d’exploitation, ce chiffre pouvant passer à 500 millions de barils pour l’ensemble de la durée de vie du champ ».  

Ils ont ajouté que « pour le gaz naturel, selon le ministère du Pétrole et des Énergies, le Sénégal dispose de 50% des 15 à 20 trillions de pieds cubes (bpc) de gaz initialement en place dans sa moitié du champ transfrontalier de GTA (avec 25 tcf de gaz initialement en place), en plus d’environ 10 à 25 trillions de pieds cubes (tcf) de gaz initialement en place à Yakaar-Teranga ».  

En plus, ils ont soutenu «qu’il est également possible que d’autres champs de pétrole et de gaz soient présents à FAN, Sangomar Profond, et ailleurs. La phase 1 du champ de GTA devrait amener à exporter environ 2,5 millions de tonnes par an (Mtpa) de gaz naturel liquéfié (GNL), dont la moitié pour le Sénégal ».

Selon le Fmi dans son rapport 2022, «la finalisation du cadre juridique et budgétaire pour la gestion des recettes pétrolières et gazières devient plus urgente, car les premières recettes tirées de l’exploitation des hydrocarbures sont prévues pour 2023. D’abondants gisements de pétrole et de gaz ont été découverts en mer entre 2014 et 2016 et le Sénégal deviendra vite un producteur important. Deux projets, Sangomar (pétrole, principalement) et GTA (gaz, principalement), en sont au stade de la décision finale d’investissement et la production devrait commencer en 2023 ».

Le Fmi a rappelé «qu’un troisième gisement, Yakaar Teranga, devrait fournir du gaz pour la stratégie gas to power et le projet est dans une phase de préparation avancée, bien que la décision finale d’investissement n’ait pas encore été prise. En conséquence, les services du FMI ont insisté sur la nécessité de disposer au plus tard à la mi-2022 d’un cadre tout à fait fonctionnel, qui aidera à intégrer les recettes pétrolières et gazières dans la préparation du budget 2023 ».

Par ailleurs, dans un rapport sur « La gestion des revenus pétroliers et gaziers du Sénégal », William Davis, Andrew Bauer et Papa Daouda A. Diène ont révélé que « les compagnies pétrolières nationales sont des véhicules efficaces pour mobiliser des emprunts et portent généralement une part importante de la dette publique ; dans certains cas, cela peut conduire à des renflouements importants et coûteux avec des fonds publics155. PETROSEN a contracté des prêts auprès de BP et Kosmos pour financer sa participation à GTA et auprès de Woodside pour sa participation à Sangomar, pour un total de 885 millions de dollars américains156 ».

Selon eux, «il s’agit de prêts libellés en dollars américains, avec un taux d’intérêt de 6,5 % par an, ce qui semble raisonnable étant donné que le taux d’intérêt sur la dette souveraine du Sénégal est d’environ 6 %157. Sur la base des coûts estimés des projets, PETROSEN pourrait avoir besoin de lever environ 890 millions de dollars américains supplémentaires pour financer entièrement sa participation158 ».

Les auteurs du rapport ont rappelé que «le gouvernement a constitué une euro-obligation de 508 milliards de XOF (soit environ 933 millions de dollars américains) en juin 2021, dont une partie servira à financer la participation du Sénégal à des projets pétroliers et gaziers ».   Toujours selon eux, le FMI a estimé que «les recettes publiques provenant du pétrole et du gaz représenteront en moyenne 1,5 % du PIB ou 6 % de l’ensemble des recettes publiques pendant 25 ans ». Ainsi, «ceci représente des fonds supplémentaires importants, mais ils ne feraient pas du Sénégal un pays dépendant du pétrole. Ils sont insuffisants pour avoir à eux seuls un effet transformateur, mais s’ils sont bien gérés, ils pourraient faire augmenter le niveau de vie de la population sénégalaise, même légèrement ».

Par ailleurs, ils ont noté que «le gouvernement a également des projets ambitieux en matière de contenu local et d’utilisation de ses réserves de gaz pour produire de l’énergie pour l’économie nationale, ce qui pourrait accroître la contribution du secteur des hydrocarbures à l’économie sénégalaise ; toutefois, une évaluation détaillée de l’impact potentiel de ces politiques sort du cadre du présent rapport ».

Le Sénégal compte actuellement 27 banques toutes étrangères. Ces banques font  un chiffre d’affaires annuel d’environ 4 milliards d’euros. Le secteur bancaire finance 25 % de l’activité économique en attendant les revenus du pétrole. Les recettes pétrolières et gazières profiteront plus à ces banques étrangères basées au Sénégal. Les  Banques et  sociétés d’assurance marocaines se développent au Sénégal, ce que le protectionnisme marocain ne permet pas aux Sénégalais au Maroc. Les sociétés pétrolières, gazières  ainsi que les entreprises européennes  et américaines ne travaillent qu’avec leurs banques. L’Etat doit accompagner les champions sénégalais qui souhaitent investir dans le secteur bancaire avant la commercialisation du pétrole et du gaz. Aujourd’hui, seules les entreprises et les banques étrangères signent des contrats sur le pétrole et le gaz sénégalais

Seulement le contenu local ne sera rentable pour les sénégalais que lorsqu’il y aura des banques nationales capables de porter les projets d’investissement et d’accompagner les entreprises nationales et étrangères. Autrement, on assistera impuissamment à une spoliation des revenues pétrolières et gazières par les banques étrangères, au détriment de l’économie nationale sénégalaise.

Modou FALL

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *